Cuba, ETRE OU AVOIR? QUELLE ACTUALISATION?

Publié le par cubasifranceprovence

par Zulema Samuel del Sol pour Cubasi ( NOTE DU TRADUCTEUR: il s'agit du site cubain http://www.cubasi.cu/)

Ces derniers jours Cuba a replongé dans les polémiques. Les actualisations économiques, les accélérations et les stagnations, les critiques et les soutiens que les changements récents provoquent, sont les thèmes récurrents des conversations dans les rues de l'île. Enrique Ubieta, auteur de nombreux ouvrages comme « Cuba, révolution ou réforme ? » , « Vénézuela rebelle. Solidarité contre Argent », « l'Utopie réarmée » et directeur du mensuel « la Voie du milieu », considère nécessaire la nouvelle politique initiée à Cuba, mais nous prévient de l'importance d'approfondir une culture de « l'être » comme unique alternative au capitalisme global dominant.

Pour dissiper les confusions possibles à droite comme à gauche sur la Cuba actuelle, le philosophe et blogueur cubain a accordé cette interview en exclusivité pour CubaSi.

-Au milieu du processus d'actualisation économique dans lequel nous sommes immergés, vous proposez dans votre livre « Cuba, Révolution ou réforme? » des changements à partir du plan culturel. Est ce là le véritable champ de bataille ?

On ne peut pas construire une culture alternative à la culture capitaliste sa ns l'appui d'une base matérielle. C'est cela qui nous rend dépendant, dans les périodes actuelles, de la culture globalisée. Tant que le mode de production qui domine le Monde sera capitaliste, la culture qui prédominera sera celle du capitalisme, la culture de l' « avoir », pas celle de l' « être », la culture du consumérisme et pas celle de la consommation durable.

Cuba fait partie du monde, pour cela, la culture universelle nous envahit et pénètre par de nombreuses voies différentes. Maintenant, comment commencer à construire une culture alternative ? Cela est seulement possible à partir de la contre culture générée par le capitalisme lui même, et à partir de la culture traditionnelle populaire qui vient s'accumuler au long des siècles en chaque peuple. Les deux agissent comme formes de contre culture ou de culture alternative, mais encore de manière naissante. Il faut développer et construire une culture de l' « être », mais celle ci nécessite à son tour une base matérielle pour la soutenir.

Je crois que la culture est le plus important, parce que le triomphe du socialisme sur le capitalisme, soit il est culturel, soit il n'est pas. Il triomphe à partir de la culture et impose une manière différente de comprendre le bonheur individuel, les relations entre les personnes, la solidarité, sinon, simplement, il échoue. Il ne suffit pas que les moyens fondamentaux de production appartiennent au peuple pour que se génère cette culture là.

-Pourquoi préférez vous vous référer à la culture qu'à l'idéologie ?

Eh bien, tout d'abord, parce que le concept de culture est beaucoup plus gratifiant et inclut d'autres dimensions. Il y a diverses interprétations du concept d'idéologie, beaucoup sont très péjoratifs. Marx l'utilisa à un moment déterminé comme fausse conscience, mais elle est encore aussi utilisée dans d'autres sens, je crois qu'il s'agit de quelque chose qui inclut et même transcende le concept même d'idéologie et de politique. C'est à dire, il ne s'agit pas seulement de la prise du pouvoir, ce n'est pas seulement le sujet d'une doctrine, ce que peut être le marxisme, par exemple, qui domine la société, ou d'une doctrine matérialiste. C'est beaucoup plus que cela : c'est une conception nouvelle de la vie, celle à mes yeux du Che quand il se référait à l'homme nouveau. Il ne parlait pas d'une personne concrète, mais d'une culture nouvelle, qui doit et peut s'identifier au socialisme.

-Vous avez l'habitude de répéter que la société socialiste idéale est dans le fait que « être » est plus important qu'« avoir ». Que représente l' « être » ? Sommes-nous loin d'atteindre ce but ?

Je ne veux pas construire l'image d'un « être » inaccessible pour tous, il ne s'agit pas que tu sois un grand médecin, un grand professionnel, un grand écrivain ou un grand sportif, il ne s'agit pas de ça. Ce n'est pas non plus que ce soit mauvais de posséder une belle voiture ou de l'argent, surtout si c'est le résultat de ton travail, de tes efforts ou de ton talent. Voyons : l'accumulation originelle du capital, qui est plus que la possession d'argent, est toujours associée à l'exploitation de l'homme par l'homme. Tout à l'opposé, cela ne détermine pas la valeur sociale d'une personne. Je me réfère simplement au fait que la société reconnaisse en premier lieu tes valeurs les plus simples, les plus humaines. C'est cela que j’appelle culture de l' « être ». Parce que la culture de l' « avoir » ne s’intéresse pas à l'origine de ce que tu accumules.

L'humanité est encore loin d'atteindre ce but, mais ce n'est pas un objectif impossible ; dans cette société dans laquelle nous vivons, il se produit déjà des relations de ce type, ces formes de vie ; ce ne sont pas des rêves, de la science fiction. Mais pour que cela devienne permanent, pour que ça s'installe comme identité collective, il doit exister une base matérielle sur laquelle s'appuyer et c'est là que vient la question de qui est le premier, si c'est l'économique ou le culturel : sans l'économique cette culture ne peut pas exister, mais sans cette autre culture le socialisme ne triomphe pas, il ne s'édifie pas.

-Dans l'article « Culture, contre culture et pouvoir » vous soulignez : « Nous devons apprendre à nous divertir, à avoir la dose de frivolités dont toute vie humaine a besoin, sans renoncer à la raison ». Selon cette thèse, le socialisme, c'est ennuyeux ?

Le socialisme a été parfois ennuyeux. Ce système nécessite le savoir, il requiert l'analyse de tout, parce qu'il se construit consciemment. C'est ce qui fait qu'il prend parfois des tournures qui paraissent ennuyeuses.

Le capitalisme c'est l'inverse, il demande que tu réfléchisses le moins possible, que tu cèdes ton droit à évaluer les choses et que tu te concentres sur ton ascension individuelle et matérielle. Tu peux arriver au fait que le matin tu lises le journal ou que tu voies le discours d'un politicien à la télévision et qu'inconsciemment, tu acceptes ce qu'il te dit. C'est très facile pour le capitalisme de tomber amoureux à partir des images, à partir de la possibilité, dans la pratique jamais satisfaisante, mais maintenue comme illusion, qu'un jour tu puisses devenir millionnaire et t'intégrer dans le statut social de « ceux qui possèdent ». Le mythe capitaliste de Cendrillon. La propagande contre Cuba et celle qui essaye d'éloigner les jeunes du socialisme mettent un accent spécial sur cette possibilité. Ils veulent faire croire aux jeunes, par exemple, que les années 50 furent des années de fêtes à Cuba, d'amusement, et traduisent de manière littérale la phrase de la chanson de Carlos Puebla, -qui a un sens différent, nous le savons- pour définir la décade suivante : « arriva le Commandant et il ordonna que ça s'arrête, l'amusement se termina », pour suggérer qu'à partir de cet instant, tout devint très ennuyeux. Chose complètement fausse, puisque la génération de jeunes qui vécut les années 60 fut probablement la plus heureuse de l'histoire cubaine.

-Quelle différence y a t-il entre changement, actualisation et réforme ?

On a l'habitude de parler des Grandes Lignes comme d'une actualisation du modèle économique, et pas d'une réforme. Je crois qu'on utilise le terme actualisation pour deux raisons importantes : d'abord pour souligner que l'essence continue à être la même, que la propriété sociale des moyens fondamentaux de production continue à exister, ainsi que le socialisme comme base du système, et qu'il s'actualise dans le sens où l'on cherche d'autres formes de participations individuelles qui permettent à l'Etat d'accomplir de manière plus efficace ses responsabilités sociales, dans le contexte d'une économie et d'une politique mondiale particulièrement hostiles.

Une autre manière de le comprendre est que l'on évite de parler de réformes parce que ce concept tend de manière erronée à s'associer à celui de réformisme, mais je préfère insister sur le fait que nous, les révolutionnaires, nous pouvons faire des réformes, de fait : dans les années de grande ferveur révolutionnaire, nous avons mis en œuvre deux Réformes Agraires et une Réforme Urbaine, par exemple, et cela ne signifiait pas que nous étions réformistes. Le réformisme est une manière de comprendre et d'affronter la réalité de façon totalement opposée à la façon révolutionnaire, parce qu'elle exprime un manque de confiance envers les masses et leur capacité à avancer par grands bonds vers des formes supérieures de vie et d'organisation sociale, elle tend à accepter les consensus actuels et les réalités immédiates comme les seules possibles. Marti disait que le réformisme « piétinait dans le concret » et que le révolutionnaire devait bondir vers l'impossible. C'est la phrase qui fut gravée sur un mur de Paris en 1968 : « soyons réalistes, exigeons l'impossible », ceci signifie être révolutionnaire. Un révolutionnaire doit avoir foi en les masses et en la possibilité d'un bond révolutionnaire, il doit ressentir comme sienne l'injustice, qu'importe la partie du Monde où elle a lieu, et lutter pour son éradication, et c'est quelqu'un qui s'efforce de résoudre les problèmes à la racine et ne se contente pas de tailler les feuilles de l'arbre.

-La dénommée « culture occidentale » impose ses héros d'effets spéciaux sur ceux en chair et en os. Pourquoi beaucoup de grands hommes du continent demeurent dans l'ombre de Batman et Superman ?

Eh bien, parce que l'industrie de la distraction a une Mecque. Quand je parle de l'industrie de la distraction, je me rapporte au département idéologique du capitalisme, chargé de reproduire ses valeurs. Pour les États Unis, c'est vital, figure-toi qu'il ont beaucoup mis l'accent sur la culture du divertissement. Quand on parle du rêve américain, on parle du rêve du capitalisme. Hollywood représente cela.

Ils n'agissent pas avec des héros en chair et en os parce qu'ils posent toujours beaucoup de problèmes s'ils sont vivants, ils peuvent demander justice et assumer leur leadership. Ceci arriva, par exemple, avec les pompiers du 11 septembre qui devinrent des héros puis firent une grève pour améliorer leurs salaires. Ils furent alors éjectés de la télévision et disparurent en tant que référents sociaux.

Maintenant, avec quoi agir ? Avec des super héros qui ont deux caractéristiques essentielles. Un, il ne sont pas imitables. Personne ne peut dire : je veux être comme Superman ; mais on peut dire, cela oui, je veux être comme le Che, je serai comme le Che, mais pas comme Superman, parce que ça n'a pas de sens.

Deux, ils ne sont pas révolutionnaires, ils sont réformistes. Les super héros ne viennent pas au Monde pour transformer la société, mais pour maintenir l'ordre, pour exterminer les problèmes, et non pour soigner leurs racines.

Dans notre pays nous pouvons faire beaucoup de choses : mieux choisir, par exemple, ce que l'on montre à la télévision. On peut essayer de faire avec le peu d'argent que l'on a -parce que nous ne sommes pas le Brésil- de faire plus de séries télévisées ou de films, les films dont nous avons besoin, et pas ceux dont a besoin l'investisseur étranger qui promeut un certain cinéma à Cuba qui au lieu de nous défendre, nous détruit. Mais la chose fondamentale que nous devons faire est de créer une culture critique dans la population afin qu'elle soit capable de discerner les différents messages occultes.

-Dans vos voyages en Amérique Centrale, au Vénézuela vous avez témoigné du travail des médecins internationalistes, et vous avez exprimé vos impressions dans les livres « Utopie réarmée » et « Vénézuela rebelle, solidarité contre argent » Comment expliquez-vous que dans notre pays soient projetées des séries étasuniennes comme Grey's Anatomy, Dr. House, Private Practice, entre autres, et aucune production nationale sur les médecins cubains ?

D'abord il faut reconnaître de manière autocritique que nous n'avons pas su produire ce genre de séries télévisées. Il y a deux manières d'affronter le problème de ce qui passe à l'écran et c'est ce que je te disais dans ma réponse précédente : l'une est institutionnelle. Nous devrions transmettre le meilleur de ce qui se produit dans le monde qui à son tour représente et reproduit les valeurs du capitalisme, et en même temps essayer de faire des œuvres qui nous reflètent en ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Cependant, à de multiples reprises, les productions nationales transmettent aussi ces valeurs étrangères parce qu'elles reproduisent les critères des télévisions étrangères. La télévision devrait être un lieu saint où se projette et s'admire le meilleur de l'audiovisuel sans pour autant perdre son caractère de divertissement. La télévision devrait être ainsi et pas toujours réfléchir en terme de budget.

Maintenant, le problème est que nous vivons une époque dans laquelle interdire ne sert à rien, les nouvelles technologies ne permettent pas d'interdire quoi que ce soit. Vous pouvez ne pas montrer quelque chose à la télévision. De toute manière les gens le verront. Par exemple, j'ai demandé dans de nombreux lieux aux jeunes s'ils avaient vu le vidéo clip « Elles sont folles » de Chacal et Yakarta, et pratiquement tous l'ont vu, bien qu'il ne soit pas passé à la télévision. Devant cette réalité, nous devons créer chez les jeunes une conscience critique suffisante pour qu'ils voient n'importe quel type de programmes et soient capables d'en discerner le positif du négatif. Dr House n'est pas le pire exemple. Nous devons créer une société où les gens ont une vue critique envers tout ce qu'ils voient et ceci découlera uniquement du débat.

-J'ai entendu parler d'un projet de scénario qui parle de la réalité des médecins en mission internationaliste. Vous pourriez nous parler de votre trame ? Où en sont les préparatifs du projet ?

Ceci est un rêve qui réussira peut être ou peut être pas. J'ai vécu réellement une année entière en Amérique Centrale puis en Haïti avec les médecins cubains, et à d'autres moments, j'ai vécu des périodes similaires avec d'autres médecins au Vénézuela. De ces expériences je garde beaucoup d'anecdotes spéciales. Il y en a une en particulier qui m'a marquée par sa richesse et c'est une espèce de réécriture dans la vie réelle du roman « Les pas perdus » de Alejo Carpentier. Allons, pour ne pas trop te dévoiler la trame, je pensais à un médecin marié, avec une grande expérience professionnelle, qui arrive dans la jungle, réalise le parcours du personnage de Carpentier, soi-disant des stades supérieurs jusqu'aux stades inférieurs du développement humain. Ceci n'est pas tout à fait exact. Carpentier lui-même se rend compte qu'il n'y a pas un stade en haut et un autre en bas mais qu'il y a une sorte de passage d'époques même si aujourd'hui tout est rationalisé et englobé par le capitalisme. Et nous savons de plus qu'il y a une sagesse, une compréhension plus profonde du bonheur dans les villages indigènes, identifiés comme « vivant bien».

Ce personnage traverse toutes ces villes et ces villages jusqu'à ce qu'il arrive dans une communauté indigène et tombe amoureux d'une indigène. Il commence à construire une vie heureuse avec elle et tout à coup les médecins sont expulsés du pays et il doit se décider en deux ou trois heures, à l'instar du personnage de Carpentier qui choisit son destin en quelques minutes parce que l'hélicoptère ne peut pas l'attendre... Il reste ou s'en va, reprend son existence et ses travaux scientifiques à Cuba, avec sa femme, également médecin, ou reste vivre une vie simple mais solidaire, marquée par l'amour. Ici il y a quelque chose de plus, qui est la responsabilité politique du médecin cubain, ce qui n'est pas le cas de n'importe quel citoyen ailleurs dans le monde, et le fait qu'il puisse aussi être utile et solidaire dans son pays. Il y a des trames et des personnages annexes dans ce projet de scénario comme l'histoire d'un prêtre hors normes qui se revendique de la théologie de la libération. Il y a en plus un journaliste qui arrive... , bon, là c'est un peu mon histoire, et qui trouve dans la bibliothèque du curé le livre « Les pas perdus » de Carpentier et suggère au médecin de le relire et alors...

Avec cette idée on pourrait faire un film qui reprend ce que les médecins cubains font en ce moment dans le monde entier sans que ça devienne un documentaire. Ce serait un film d'amour, d'aventure avec une nuance philosophique qui pourrait être intéressante. Il y a un directeur parmi mes amis qui est intéressé par l'idée mais nous n'avons parlé de tout cela que très sommairement.

-Un nouveau livre ?

Dans les jours prochains un nouveau livre doit être mis sous presse, en complément du précèdent (Cuba : Révolution ou réforme ?, 2012). J'y reprends des notes, des articles et des brèves qui sont sortis sur mon blog depuis début 2008 mais aussi quelques articles et essais que j'ai publiés depuis 2001 dans la Jiribilla et dans d'autres médias nationaux. Ils sont très variés par leurs sujets, suivent la logique d'un journal, mais reviennent quelques fois sur l'alternative « d'être » ou de « avoir » (et de paraître). Le livre est un pari en faveur du débat d'idées. Il n'inclut pas seulement des opinions polémiques mais aussi des discussions soutenues avec des intellectuels cubains qui vivent et travaillent au pays et que je respecte pour leur œuvre. Le débat est aujourd'hui plus nécessaire que jamais. J'espère qu'il sera utile.

-Quel doit être le rôle des intellectuels à Cuba aujourd'hui?

Participer, pas depuis un observatoire qui qualifie tout ce qui se fait, qui critique tout, ni comme un juge suprême de la réalité ; qui parle en étant en décalage par rapport à la vie quotidienne. Je crois qu'il y a deux dimensions qui nourrissent un intellectuel, une est celle des livres, en général associée au cabinet de travail, au repos, et l'autre est celle de l'expérience quotidienne. L'intellectuel révolutionnaire auquel je me réfère doit s'alimenter des deux. Quelle est la tâche des intellectuels ? Participer, comme tout citoyen. La seule chose qui puisse nous éloigner du sens de l'histoire est le manque de foi, le manque de confiance envers les gens, envers les possibilités du changement. La pire de toutes les maladies que peut attraper une personne (évidemment, un intellectuel également), est celle du scepticisme, qui finit par nous amener au cynisme, exactement le contraire de la condition révolutionnaire.

-Il y en a qui affirment que les jeunes Cubains se sentent détachés, apathiques devant le système.Si cela est vrai, quelles ont été les facteurs qui ont rompu le lien ? Existe-t-il une génération perdue de la révolution ?

Je crois aux jeunes et en leur avant-garde, en cette avant-garde qui peut-être ne ressemble pas tant à celle de ses parents mais qui ressemble à celle de toutes les époques, y compris l’époque actuelle, ces jeunes qui ressemblent au «vieux » Fidel, au « vieux » Che, au « vieux » Mella, qui ressemblent au « vieux » José Marti non parce qu'il se comportent de la même façon ou parce qu'ils font la même chose que ceux-ci mais parce qu'ils partagent des préoccupations similaires en termes de principes et d'éthique, de confiance envers le peuple, de capacité d'action. Définitivement, oui, je crois aux jeunes et je pense qu'ils sont responsables de l'avenir du pays, bien qu'ils ne s'en rendent pas tout à fait compte. Le fait de croire en eux ne signifie pas que je me couche tout les jours tranquille parce que, sans doute, il y a une guerre les concernant, une guerre entre les images et les illusions promues par le capitalisme et les idées et les raisons que le socialisme ne transmet pas toujours efficacement.

Il y a toujours deux options de vie : celle qui propose le bonheur comme réalisation de « l'être », l'option qui te convertit en protagoniste de ton époque et de ta vie, celle qui te permet de trouver en toi une voie dans ta vie, celle de ta réalisation personnelle et professionnelle et de ta réalisation comme être humain ; et l'autre qui est de comprendre la vie, le bonheur, comme une accumulation de biens matériels en laissant à d'autres les opportunités d'action au quotidien. Tous les jeunes font face à ce dilemme. Déjà ta mère, ton père et moi, nous avons choisi. Tu y fais face maintenant, et tu devras choisir entre essayer de devenir riche, de posséder ou non, d'accumuler des objets ou non, de passer par-dessus la tête des autres, de ne pas t’intéresser à l'injustice dans le monde, ou de cultiver une sensibilité qui te fasse t'engager sur tout, avec ton époque, tes contemporains, avec ton monde...

(traduction Geoffrey Gautier pour Cuba Si France Provence)