Cuba: LA VERITABLE DISSIDENCE CUBAINE

Publié le par cubasifranceprovence

par Pablo Luis González Justo*

traduction Françoise Lopez

Depuis quelques années, c'est la mode de parler de la "dissidence cubaine" et d'appeler "dissident" tout individu qui, payé depuis l'étranger, pour un visa de sortie, pour des cadeaux ou pour n'importe quel bénéfice matériel déciderait de trahir son propre peuple en se mettant au service de l'ennemi de toujours de notre nation. Il semblerait que ce sont eux qui écrivent l'histoire de Cuba.

Cependant, l'existence même de la nation cubaine est une histoire de dissidence authentique dans laquelle se détachent les grandes dissidences envers la pensée imposée par le colonialisme espagnol et le néo-colonialisme nord-américain.

Les mal nommés "dissidents" dont on parle tant ne sont rien de plus que des "collaborateurs" de l'impérialisme. Ils ne sont représentatifs en rien du peuple cubain et ne le seront jamais comme ne l'ont pas été les collaborateurs du fascisme allemand dans les pays d'Europe occupés pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les Français, avec raison, ont appelé les collaborateurs avec les fascistes allemands "collabos", ce qui est le diminutif de "collaborateur". La contre-révolution cubaine, financée par des puissances étrangères est aussi "collaboratrice" que les "collabos" français l'ont été pendant l'occupation nazie.

Rappelons alors certaines des figures et des épisodes de l'histoire dissidente cubaine qui ont construit la nation cubaine.

Les conquistadors espagnols ont imposé par le sang et feu leur religion en exterminant la population autochtone. Il y a eu des aborigènes qui n'étaient pas d'accord avec la conquête espagnole. Un des cas les plus emblématiques de rébellion fut celui du cacique Hatuey qui dirigea la résistance contre la domination espagnole dans l'est de l'île. Alors qu'il était emprisonné et avant d'être brûlé vif, ils lui ont demandé s'il voulait se convertir au christianisme pour aller au ciel et celui-ci a répondu: "Et les Espagnols vont au ciel?" Comme on le lui affirmait, le cacique a répondu: "Je ne veux pas aller là mais en enfer pour en pas être là où ils seraient et pour ne pas voir de gens aussi cruels." De cette façon, il devint le premier dissident de Cuba.

Pendant 30 ans de guerre, au XIX° siècle, les Cubains se sont battus pour l'indépendance de Cuba contre le colonialisme espagnol. Les mambis, comme les appelaient les patriotes cubains qui combattaient contre l'armée d'occupation, ont été des dissidents de la domination et de l'exploitation coloniale.

La protestation de Baragua: Le 15 mars 1878, eut lieu la rencontre historique entre le général Antonio Maceo et le général espagnol Arsenio Martínez Campos à Mangos de Baragua pour signer le Pacte de Zanjon, signé le 10 février 1878 par quelques dirigeants et militaires cubains et qui mettait fin à la guerre de 10 ans. Maceo a fait savoir à Martínez Campos qu'il n'était pas d'accord avec le pacte signé car avec celui-ci on n'obtenait ni l'indépendance de Cuba ni l'abolition de l'esclavage et que cet accord n'était rien de plus qu'une "reddition honteuse et inacceptable pour lui".

A l'occasion du centenaire de cette aventure historique, Fidel a fait ce commentaire "(...) avec la La Protestation de Baragua, l'esprit patriotique de notre peuple est arrivé à son point le plus haut, à son point culminant, est arrivé à son sommet et à ce que les drapeaux de la patrie et de la révolution, de la véritable révolution, avec l'indépendance et la justice sociale, se situent au plus haut niveau."

Nous, les Cubains et les Cubaines, avons très présent à l'esprit l'héritage historique d'Antonio Maceo. A cause de cela, nous continuons à déclarer que "Cuba sera toujours une éternelle Baragua" en nous déclarant en dissidence devant toute proposition de reddition.

De notre héros national, José Marti, qui a organisé la dernière guerre pour l'indépendance de Cuba envers la colonie espagnole, je ne raconterai qu'une anecdote qui démontre son esprit de dissidence et d'indépendance sans faille: il s'habillait toujours de noir parce qu'il disait qu'il "était en deuil de sa patrie".

A la fin du XIX° siècle, le 16 février 1896, pour châtier le peuple dissident de Cuba qui soutenait les patriotes qui se battaient contre le colonialisme espagnol dans la guerre de 95 et pour empêcher leur arrière-garde d'avoir l'approvisionnement nécessaire à ses troupes, le Gouverneur général espagnol, Valeriano Weyler, décréta la "re-concentration": la population des champs fut enfermée dans des villages et des villes. On a calculé qu'environ un quart de la population cubaine d'alors mourut de faim et de maladies à cause de la re-concentration. Ce fut l'un des coûts les plus importants de la dissidence cubaine envers le colonialisme espagnol.

Un des ancêtres des camps de concentration dont ont souffert ensuite les Européens lors de la Seconde guerre Mondiale.

En 1898, les Etats-Unis ont volé l'indépendance de Cuba avec leur intervention militaire et ensuite, en 1902, il sont imposé dans la Constitution de la République naissante l'amendement Platt qui leur donnait le droit d'intervenir militairement quand ils le considéraient comme nécessaire et à avoir des bases militaires (de cette époque date la base navale de Guantanamo en territoire cubain). Juan Gualberto Gómez fut l'une des voix dissidentes qui s'opposèrent à celui-ci.

Pendant l'étape néo-coloniale, les gouvernements se sont caractérisés par le fait de défendre les intérêts des Etats-Unis d'Amérique du Nord et de la bourgeoisie collabo. Des milliers de Cubains ont fait de la dissidence envers cet ordre établi: Julio Antonio Mella, Ruben Martínez Villena, Jesus Menendez et d'autres ont été les leaders de la dissidence du meilleur de notre peuple à ce moment-là.

Après le 10 mars 1952, quand Fulgencio Batista a usurpé le pouvoir de la république par un coup d'Etat militaire, la dissidence cubaine s'est organisée contre ce régime honteux. Fidel et la génération du centenaire ont organisé le mouvement du 26 Juillet et ont fait de la dissidence envers plusieurs théories de l'époque: on était sûr que le peuple ne pouvait gagner une lutte armée contre l'armée professionnelle et on était encore plus sûr qu'un petit pays ne ferait pas une révolution dans le voisinage d'une grande puissance. La révolution a triomphé le 1°janvier 1959 avec un coût de 20 000 patriotes dissidents assassinés par la tyrannie soutenue par le gouvernement des Etats-Unis. Lors de cette étape, certains des principaux dissidents de la dictature de Batista furent Abel Santamaria, Melba Hernandez, Fidel Castro, Mario Muñoz, Hayde Santamaria, Frank Pais, Pepito Tey, Raul Castro, Juan Almeida, Che Guevara, Ramiro Valdes, Camilo Cienfuegos, pour ne citer que quelques noms.

La révolution cubaine et sa dissidence permanente envers le capitalisme.

Dès le triomphe même de la Révolution, Cuba a commencé à développer une politique souveraine et indépendante, prenant des mesures qui tourneraient définitivement le dos à l'ordre de l'empire.

- Nationalisation des ressources naturelles, des raffineries de pétrole, du peu d'industries qu'elle avait, de l'entreprise du téléphone.

- 1° et 2° Lois de Réforme Agraire. Elimination des latifundios et remise de la terre à ceux qui la travaillaient réellement.

- Promulgation de la Loi de Réforme Urbaine par laquelle environ 80% des logements sont devenus la propriété de leurs occupants.

- Campagne d'alphabétisation et déclaration de Cuba en 1961 "premier territoire libre d'analphabétisme d'Amérique".

- Déclaration du caractère socialiste de la Révolution (16 avril 1961).

- Première défaite militaire de l'impérialisme en Amérique Latine (l'invasion organisée et financée par le gouvernement des Etats-Unis dans la baie des Cochons fut vaincue en 72 heures).

- Education gratuite et universelle.

- Déclaration du sport "droit du peuple".

-Lors de la Crise d'Octobre 1962 ou "Crise des Missiles", comme on l'appelle en Occident, bien que sous la menace nucléaire, Cuba n'a pas hésité et a maintenu sa position dissidente envers le système capitaliste mondial. A la résolution de la crise, elle a fait de la dissidence à propos de l'inspection en territoire cubain et de l'évacuation des missiles nucléaires. L'URSS a accepté que ses navires soient inspectés dans les eaux internationales.

- En 1963 : Cuba envoya des médecins en Angola et reçut un bateau de blessés et de malades algériens, mettant en place la première collaboration médicale de Cuba avec les pays du Tiers Monde.

- Coopération avec les mouvements de libération d'Amérique, d'Afrique, d'Asie.

- De 1975 a 1991: à la demande du gouvernement de la République d'Angola, des troupes internationalistes cubaines ont collaboré avec la défense de cette nation, en plus de collaborer sur des sujets civils. Cuba a fait de la dissidence envers la proposition nord-américaine d'abandonner cette collaboration en échange de meilleures relations avec ce pays.

Les combattants anti-terroristes Gerardo Hernandez, Antonio Guerrero, Fernando Gonzalez, Ramon Labañino et René Gonzalez ont été injustement sanctionnés par de longues condamnations. Pendant tout le temps de leur emprisonnement, ils ont fait de la dissidence envers les offres qui leur auraient fait trahir leurs idéaux, trahir leurs principes. Pour tous ceux qui considèrent qu'un monde meilleur est possible et nécessaire, ils sont une source d'inspiration parce qu'ils ont démontré que dans ce monde où certains pensent que tout ce que nous avons a un prix, eux nous ont démontré qu'on peut résister et vaincre. Ce sont des exemples suprêmes de dissidence envers le système consumériste de l'empire.

Avec ces noms glorieux qui ont ouvert la voie à l'indépendance, c'est le peuple de Cuba qui, malgré les difficultés, sort chaque matin pour construire un pays plus juste et plus prospère. Ce sont les ouvriers, les paysans, es médecins, les maîtres d'école, les chercheurs, les intellectuels, les sportifs... fiers de vivre dans un pays qui au lieu de lancer des bombes envoie des médecins pour sauver des vies et des maîtres d'école pour apprendre à lire. Et sur notre continent, nous ne sommes pas les seuls dissidents. A notre dissidence se sont joints le Venezuela, le Nicaragua, la Bolivia, l'Equateur et d'autres pays avec leurs présidents et leurs peuples dissidents envers ce qu'impose le Nord.

Les spécialistes en manipulation médiatique veulent nous vendre leurs pantins "dissidents" avec un autre nom: la "société civile". Les même salariés, qui ne représentent rien à Cuba, se vendent dans les espaces médiatiques manipulateurs et on leur ouvre la voie pour faire leur "show médiatique" . Ainsi, on cherche à occulter la véritable société civile cubaine, multiple et diverse, avec son histoire, ses réussites et ses propositions, unie avec les mouvements sociaux du monde qui luttent pour un avenir meilleur.

La véritable dissidence, c'est tout le peuple cubain.

Je terminerai par les mots prononcés par le général Raúl Castro Ruz à l'Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, le 1° août 2009, qui confirment que Cuba fut et sera toujours un pays dissident envers l'ordre impérialiste: (...) On ne m'a pas élu Président pour restaurer le capitalisme à Cuba ni pour brader la Révolution. J'ai été élu pour défendre, maintenir et continuer à perfectionner le socialisme, non pour le détruire. (...) Fermement unis, nous serons en cohérence avec l'héritage de la longue histoire de lutte de notre peuple, avec les enseignements de Fidel et notre engagement éternel envers ceux qui sont tombés.

La Havane, 31 mars 2015

*Pablo Luis González Justo est diplômé de Commerce International de l'Université des Sciences de l'Information de Cergy Pontoise, France, diplômé d'Ingénierie Mécanique Aéronautique de l'Université de l'Aviation Civile de Kiev, Ukraine, membre du Comité International pour la Libération des cinq et président de l'association française Racines Cubaines.

Source en espagnol:

Contrarrevolución http://www.cubainformacion.tv/index.php/contrarrevolucion/62119-la-verdadera-disidencia-cubana

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