Venezuela: Clefs pour la controverse sur les institutions (le TSJ)
Gisela Brito/Resumen Latinoamericano/CELAG, 18 décembre 2015
traduction Françoise Lopez
Le scénario de controverse sur les institutions commence à prendre forme au Venezuela après la victoire de l'opposition regroupée dans la Table de l'Unité Démocratique (MUD) le 6 décembre dernier. Lorsque les députés élus prendront leurs fonctions le 5 janvier prochain, la MUD (109+3) aura la majorité absolue de 3/5 et la majorité absolue de 2/3 si les 3 députés indigènes la soutiennent.
Un acteur clef dans le scénario de bataille des institutions (qui commencera en 2016) est le Tribunal Suprême de Justice (TSJ), un organisme composé de 32 magistrats dont la désignation est faite par l'Assemblée Nationale divisée en 7 cours selon leur domaine de compétence (constitutionnelle - Politique et administrative - Electorale - Cassation civile - Cassation sociale - Cassation pénale ).
Pourquoi le TSJ est-il un organisme clef? Le point central est dans le processus de formation des lois qu'établit la Constitution Nationale. Dans son article 2141, la loi essentielle établit que la promulgation des lois qui émanent de l'Assemblée Nationale revient au Président dans un délai de 10 jours après les avoir reçues.
Une fois reçue une loi votée à l'Assemblée Nationale, il y a 3 possibilités pour le Président:
1) La promulguer.
2) Avec l'accord du Conseil des Ministres, demander à l'Assemblée Nationale de faire des modifications ou de lever la sanction de la loi. Dans ce cas, c'est l'Assemblée Nationale qui a la possibilité de prendre une décision concernant les observations faites, décision qui sera prise à la majorité absolue. Une fois qu'elle aura été à nouveau votée, le Président aura 5 jours pour promulguer la loi sans pouvoir faire de nouvelles observations.
3) Parmi les attributions du Président, le même article précise que s'il considère qu'une loi ou un article de loi est anti-constitutionnel, il peut remettre celle-ci à la Cour Constitutionnelle du TSJ dans les 10 jours qu'il a pour la promulguer. Dans ce cas, ce sera le TSJ qui aura le pouvoir de définir la constitutionnalité ou non de celle-ci. Aussi bien l'Assemblée Nationale que le Pouvoir Exécutif sont soumis à cette décision.
Avec ces mécanismes, le Pouvoir Exécutif pourrait limiter en partie le pouvoir de l'Assemblée Nationale s'il considère que ses décisions portent atteinte aux intérêts nationaux ou sortent des limites de la Constitution.
La désignation des membres du TSJ
En ce moment, il y a 12 sièges vacants au TSJ. Le premier conflit fort entre le parti au pouvoir et l'opposition portera sur la définition et la désignation de ces 12 magistrats. Le parti au pouvoir a convoqué des sessions extraordinaires de l'Assemblée Nationale sortante pour désigner ces juges pendant le mois de décembre. La première session lors de laquelle sera abordé ce point aura lieu le mardi 22 décembre prochain. Pour procéder à la nomination, la Loi Organique du Tribunal Suprême de Justice établit qu'il faudra les 2/3 des voix à l'Assemblée Nationale, une majorité que le parti au pouvoir ne possède actuellement pas. Cependant, l'article 382 de cette loi prévoit la désignation à la majorité absolue lors de la quatrième session plénière au cas où les 2/3 n'auraient pas été atteints lors des sessions successives.
Au cas où une fois installée la nouvelle Assemblée Nationale, l'opposition chercherait à avancer dans la destitution des magistrats ou à revenir sur leur nomination, ils pourraient s'appuyer institutionnellement sur ce qui est établi par l'article 265 de la Constitution qui stipule que: "Les magistrats ou magistrates du Tribunal Suprême de Justice pourront être destitués par l'Assemblée Nationale à une majorité qualifiée des deux tiers de ses membres après une audience accordée à la personne intéressée, en cas de fautes graves et qualifiées par le Pouvoir Citoyen dans les termes que la loi établit: "Le Pouvoir Citoyen (composé par le Défenseur du Peuple, le Parquet et l'Inspection Générale de la République) serait dans ce cas le pas préalable à la destitution des magistrats."
Cependant, pour cela, il faudrait un Pouvoir Citoyen proche de l'opposition vénézuélienne. Pour que cela arrive (pour changer l'actuel Pouvoir Citoyen), il faut une sentence du TSJ et ensuite l'approbation de l'Assemblée Nationale. Mais il faut prendre en considération que le TSJ actuel ne peut être destitué autrement que sur demande du Pouvoir Citoyen. Alors, en ce sens, pour tenter cette voie d'opposition, il y a un obstacle légal non résolu clairement.
En résumé, la constitution établit de cette manière des limites claires à tous les pouvoirs de l'Etat dans un régime de contrôles croisés. Personne n'a la possibilité de mettre à bas les institutions en vigueur à partir de l'une des institutions. Si l'opposition décide de rester dans les limites de la constitution et de se soumettre à celles-ci, un scénario tendu d'utilisation des institutions pour intervenir dans le jeu politique s'ouvrira, et ce semble que ce sera la caractéristique de la controverse politique en 2016. Cependant, cela ne peut être confondu avec le fait de croire que l’opposition, parce qu'elle a un large pouvoir à l'Assemblée Nationale, a la possibilité légale de gouverner de façon judiciaire.
On a toujours dénoncé le chavisme à cause du manque de respect de la division du pouvoir. Maintenant, par conséquent, c'est le tour de l'opposition elle-même de démontrer qu'elle est capable de respecter ce qu'elle a toujours demandé: en ce qui concerne la division des pouvoirs, du pouvoir de l'Assemblée Nationale mais aussi du Pouvoir Citoyen, du Pouvoir Electoral, de l'Exécutif et du Pouvoir judiciaire.
*Gisela Brito, Licenciée en Sociologie, est chercheuse au Centre Stratégique Latino-américain de Géopolitique (CELAG)
Notes:
1 Disponible sur
http://www.cne.gob.ve/web/normativa_electoral/constitucion/titulo5.php#c…
2http://www.derechos.org.ve/pw/wp-content/uploads/Ley-Org%C3%A1nica-del-T…
3http://www.cne.gob.ve/web/normativa_electoral/constitucion/titulo5.php#c…
Source en espagnol:
http://www.resumenlatinoamericano.org/2015/12/18/claves-sobre-la-disputa-institucional-en-venezuela/
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