Cuba: Les prix sur les marchés agricoles: que disent les paysans?

Publié le par cubasifranceprovence

Par: José Raúl Concepción Llanes, Oscar Figueredo Reinaldo, Rafael Arzuaga (Cubadebate, 25 janvier 2016)

traduction Françoise Lopez

Ill faut s'accrocher le porte-monnaie aujourd'hui, à Cuba, pour se procurer des aliments sur les marchés agricoles. Les prix très élevés de la majorité des produits irritent presque tous les consommateurs et suscitent beaucoup de questions. Combien de temps durera cette absurdité? Quelle sera la limite du déséquilibre entre les coûts et le pouvoir d'achat moyen dans le pays? Ce sont seulement 2 des questions qui attisent le débat en ce mois de janvier à propos, d'un côté, de la pénurie dans la plupart des points de vente et de l'augmentation des prix des rares produits disponibles comme la tomate et le taro, par exemple.

Si certaines productions ont augmenté en 2015, cela ne s'est pas répercuté sur le coût pour la population qui loin d'avoir diminué, augmente dangereusement.

La croissance obtenue, cependant, n'a été satisfaisante à aucun moment de l'année parce que si elle se traduit par une augmentation des quantités, des variétés et des qualités de légumes et de nourriture disponibles dans toutes les sortes de gestion de vente (marché d'Etat, marche d'offre et de demande, loués à des coopératives, à compte propre et marché EJT) la diminution des prix n'a pas été obtenue.

Et cela peut faire penser que la source du phénomène est précisément l'endroit où on sème, prend soin et récolte les aliments, un point de vue que ne partagent pas les associés de la Coopérative de Crédits et de Services (CSS) Antero Regalado, de Güira de Melena, dans la province d'Artemisa, selon ce qu'a constaté récemment Cubadebate.

Depuis 2013, pour diminuer le nombre d'intermédiaires et faire baisser les prix des produits agricoles, on a mis en place un nouveau système de commercialisation directe à partir des provinces d'Artemisa et de Mayabeque vers La Havane. Cela permettrait de transformer la commercialisation pour la rendre plus dynamique, efficace et flexible.

"Au début peut-être mais ill y a un bon moment que ce n'est plus ainsi. A propos de ce qui s'est produit à La Havane au début de cette année, je ne crois pas qu'on ait profité de ce qui s'est dit à l'Assemblée Nationale pour retenir la production dans les champs et faire augmenter les prix. Il me semble que c'est une bonne mesure de limiter les prix à La Havane parce que jusqu'où vont aller les prix des produits? Aujourd'hui, il est impossible pour le peuple, un retraité par exemple, d'acheter une livre de taro à 12 pesos ou de tomate à 25. Je crois que la cause du problème n'est pas dans les champs. Ici, ce qu'on sème, on le récolte ou on le perd et tout ce qu'on a pu récolter, on le sort du champ" a déclaré Abelardo Álvarez Silva, président de la CCS.

Pour l'usufruitier Horacio Báez González, la situationd ans la première quinzaine de 2016 est aussi la conséquence des déficiences de ce système de commercialisation.

"Je pense que c'est arrivé parce qu'ils ont arrêté les camionnettes particulières car c'est un des principaux moyens de transporter les marchandises à La Havane puisqu'ACOPIO ne résout pas le problème. Aujourd'hui, il travaille si peu qu'il ne satisfait pas les besoins de la population. Nous, par exemple, il nous transporte seulement 30% de ce que nous produisons, les 70% qui restent, nous devons chercher des moyens de les sortir du champ. Dans ce cas, ce peut être les fameuse camionnettes qui provoquent ensuite un prix élevé parce que je vends, par exemple, al tomate à 100 pesos le quintal - je gagne 20 à 30 pesos - et cependant quand elle arrive sur les étals, elle doit supporter le prix et de cette façon, celui qui ne touche pas la terre gagne", a-t-il précisé.

Approvisionner ou ne pas Approvisionner?

Selon José Puente Nápoles dans son livre "La commercialisation des Produits Agricoles", "l'approvisionnement d'Etat, bien qu'il ait souffert et soit passé par différentes phases et modalités d'organisation tout au long de ces années a eu son transport propre et spécialisé, des magasins, des usines d'exploitation, de conditionnement et des marchés... Cependant, parmi les désavantages ou les insuffisances de ce système, il y a: des déficiences dans l'organisation et d'autres qui ont empêché de recueillir la production au bon moment et de grandes pertes à cause des baisses et des détournements de produits..."

La plupart des paysans plaide pour qu'ACOPIO revienne tenir un rôle important dans le commerce des productions mais sans les vices et les déformations qui ont caractérisé cette activité avant 2013.

"Nous voulons modifier le système actuel de commercialisation et en rétablir un qui surmonte les difficultés que présentait ce mécanisme. Parmi les principales insuffisances du système antérieur, il y avait beaucoup de cultures qui n'étaient pas fournies et à cause de cela, beaucoup de petits légumes (radis, haricots, hibiscus) qui n'étaient pas semés parce que l'Etat ne les achetait pas. De plus, à des moments pics de la récolte, cette entreprise devenait un cimetière de produits, surtout à Güira", a déclaré Álvarez Silva.

Le président de la CCS et d'autres associés ont été d'accord sur le fait "qu'il y avait des impayés car il y en avait tant que le paysan le vendait à l'Entreprise de Cultures Variées qu'il y avait des délais de 3 ou 4 mois."

De plus, "l'emballage et le pesage n'étaient pas clairs ni la qualité des produits au moment du paiement. Dans la plupart des cas, nos produits entraient sur les points de vente comme produits de seconde ou troisième qualité.

Pour Yamila Sarduy Martínez, présidente de la filiale provinciale de l'Association Nationale des Petits Agriculteurs (ANAP), après le réajustement du système de commercialisation, il y eu des aspects "positifs et négatifs".

"A mon avis - dit-elle - plus positifs que négatifs. Par exemple, c'est un pas en avant que les coopératives puissent participer directement aux marchés agricoles de La Havane. Actuellement, nous en administrons plus de 60 dans la capitale qui ont fait que les productions ne soient pas perdues dans les champs et soient commercialisée à des prix accessibles sur cette sorte de marchés.

"Comme aspect négatif, il y a que pour ces coopératives qui achètent des produits au Trigal (marché de gros), le coût de ces produits augmente et affecte surtout la population qui en est le destinataire final. Pour cette année 2016, toutes les conditions ont été créées pour qu'ACOPIO fonctionne à nouveau et pour approvisionner mieux les Marchés Agricoles d'Etat."

S'il s'agit de prix...

Pour appliquer une procédure unique de formation des prix des matières premières non subventionnées conformément au marché international et établir le prix unique de toutes les destinations, on a établi en 2015 de nouveaux tarifs pour stimuler la production agro-alimentaire.

Par la Résolution No. 236/2015, le MFP a fixé les prix minimum des matières premières, du matériel et des instruments agricoles pour toutes les productions agro-alimentaires du pays qui sont vendues par les entreprises de commercialisation du système d'agriculture non sucrière ainsi que les impôts qui seront payés.

"De façon générale, je crois que les prix sont bons, ce qui est mal, c'est la qualité qu'établit ACOPIO. Ce livret par lequel elles sont gérées au moment d'établir la qualité du produit n'est pas conforme au moment que nous vivons et au besoin du peuple d'avoir de la nourriture. Mais les prix en général sont bons, il est clair qu'ils stimulent la production", conclut Antonio Hernández Morera, patron de la Finca Las Ninfas.

Avec la formation des nouveaux prix, des productions comme la tomate, le café, le riz, le lait et la viande de porc seront stimulées.

Selon ce qu'ont déclaré les spécialistes du Minsitère de l'Agriculture à la Table Ronde, les impacts les plus importants sur les prix des matières premières ont été:

- on a réduit de 30% à 60% les prix de ce qui avait été approuvé sans subventions.

- on a éliminé les subventions du budget de vente des matières premières.

- le prix du combustible a augmenté de 3 pesos.

- la relation entre la diminution du prix des matières premières et l'augmentation du prix du combustible est favorable à la diminution des prix.

- acceptation générale des échanges qui se sont faits dans tout le pays avec les producteurs bien qu'on ait besoin d'explications complémentaires dans le cas du prix du lait en relation avec sa qualité.

Alors s'impose un éclaircissement sur le fait que les prix de vente décrits jusqu'à présent ne s’appliquent que quand les accords sont passés avec ACOPIO.

Généralement, les aliments ne sortent pas du champ si chers. Les prix ici n'ont rien à voir avec ceux de la ville. Par exemple, le taro coûte 3,10 ou 3, 20 pesos et là-bas, à La Havane, il se vend jusqu'à 18 pesos. C'est absurde, abusif. Comment si vous produisez ici pour un prix, votre produit va-t-il arriver au consommateur avec un autre si élevé? Avec ces mécanismes que subissent les prix des produits, nous, les paysans, nous n'avons rien à voir", assure le petit agriculteur Horacio Báez González.

Le président de la CCS Antero Regalado considère que "les prix de ce qui est commercialisé aujourd'hui à La Havane, sont dus à ce qu'il y a encore trop d'intermédiaires dans la chaîne de distribution. Aujourd'hui, le produit sort à un prix du champ et quand il arrive à La Havane, il a 5, 6 et même 10 fois la valeur avec laquelle il est sorti du champ".

Abelardo pense que "nous avons toujours maintenu bien bas les prix des produits et conformément au coût de production des aliments de façon générale."

"Cependant, il n'est un secret pour personne qu'à La Havane, le prix augmente de façon effarante à cause des intermédiaires, je répète, et aussi à cause de l'insécurité des moyens d'Etat qui s'occupent de la commercialisation bien que ce soit aussi de la responsabilité de certains paysans qui ne respectent pas le plan de production et de vente et essaient alors de vendre leur récolte à d'autres endroits", a-t-il assuré.

Un autre groupe de paysans croit qu'on pouvait prévoir que les prix allaient être élevés à ce moment-là parce que le climat "n'était pas de notre côté" car en septembre et en octobre, on n'a pas pu cultiver certains légumes qui devaient être récoltés à la fin de l'année et alors, la demande sut bien plus forte que l'offre.

"C'est de ça qu'ont profité les gens sans scrupules" mais même ainsi, "la façon dont les prix ont augmentés est injuste et criminelle", ont-ils assuré.

Álvarez Silva croit que "les pluies de décembre et de janvier quand, pendant presque une semaine, il n'a pas cessé de pleuvoir, ont retardé les récoltes, qui n'ont pas pu être sauvées, c'est clair, c'est pourquoi on a perdu des produits comme la tomate, l'ail, l'oignon".

Matières premières: quand le compte n'y est pas

S'il est bien certain qu'actuellement, les prix des matières premières dont les paysans ont besoin sont moins élevés que l'année dernière, la qualité de celles-ci ne permet pas de meilleurs rendements. Les producteurs affirment qu'elles ne sont pas garanties à temps ni dans les quantités nécessaires.

"Les matières premières ne nous arrivent pas à 100%, certaines arrivent à 10%, d'autres à 30% et nous avons besoin que toutes les ressources arrivent dans nos mains et avec la qualité requise pour obtenir la super-production qu'on demande. Nous voyons que cela se résout par d'autres voies. Nous savons qu'elles arrivent dans le pays mais nous, les paysans, nous ne les recevons pas comme il faut et si nous les recevions, la production serait multipliée par deux parce que, je dis une chose, le paysan travaille pour tenir ses engagements et pour maintenir sa famille honnêtement, sans désir de lucre,mais il a besoin de ce qui lui est dû. Dans ce cas, les sur-accomplissements seraient au maximum", déclare Idarmi Ponce Musivae, copropriétaire de la Finca Las Delicias.

Grosso modo, Julián González Rodríguez, maître de la Finca San Francisco et Antonio Hernández Morera, propriétaire de la Finca Las Ninfas disent la même chose.

"Nous recevons ce qu'on appelle un paquet technologique, qui vient en vérité de la Période Spéciale. Engrais, pétrole, pesticides ... mais ce n'est pas ce qu'il nous faut pour que le paysan produise plus que ce qu'il produit. Il arrive que les produits soient là mais ils arrivent par l'intermédiaire de revendeurs, non par le canal qu'ils devraient suivre. C'est une déficience contre laquelle l'Etat doit prendre des mesures", argumente González Rodríguez.

Et Hernández Morera suppose que "quand les matières premières ne sont pas là à temps ou sont incomplètes, qu'elles n'atteignent pas le cycle de vie de n'importe quel produit, ce doit être pour des raisons éloignées de la volonté des personnes responsables de les faire arriver ... pour des raisons ponctuelles, de transport ou peut-être un chèque qui n'est pas payé à temps..."

Cependant, il est fréquent que "bien que ces ressources arrivent à temps, ce n'est pas ce dont nous avons besoin. Nous sommes convaincus que l'Etat destine d'importantes ressources à l'agriculture et qu'elles arrivent dans le pays mais par d'autres voies, elles ne nous arrivent pas directement. Ici, personne n'a de fabrique de poison ni de puits de pétrole ni de fabrique d'engrais non plus, vrai? Et alors?

Le président de l'ANAP précise que "jusqu'à présent, par exemple, les matières premières pour la production n'arrivent pas à la date fixée et il n'est même pas arrivé 100% de ce qui avait été commandé. Gelma a une responsabilité en cela mais cette entité dépend aussi de ce que peut acheter le pays. En plus, nous avons des problèmes de conditionnement, surtout dans le spics de récolte comme celle de la tomate ou de la goyave."

GELMA, une organisation d'entreprises approuvée au mois de novembre 2013 pour commercialiser la majorité des matières premières, des équipements et des prestations de services techniques spécialisés dans le secteur de l'agro-alimentaire du pays doit favoriser l'exécution du plan d'achats de cet organisme depuis et vers les formes de production pour assurer les processus de production planifiés.

Son but est de s'approcher des unités de production en éliminant les intermédiaires et en passant de l'assignation administrative à des méthodes économiques et contractuelles.

En fermant le cercle: où vont les produits?

Le marché El Trigal, premier marché de gros de ravitaillement en produits agro-alimentaires du pays a commencé à fonctionner La Havane, Artemisa et Mayabeque le 18 décembre. Les personnes naturelles et juridiques peuvent y venir et les producteurs peuvent y acheter et y vendre.

On a aussi la possibilité de relier directement les unités de production agro-alimentaires et l'approvisionnement des marchés pour qu'elles participent plus à l'établissement du prix de gros.

"C'est l'idéal, que le paysan puisse vendre ses produits directement au consommateur mais nous savons qu'on ne peut pas le faire partout. Nous, nous avons 2 marchés agro-alimentaires à La Havane sur lesquels nous offrons 15 à 20 produits à des prix accessibles. Quand la tomate se vend jusqu'à 25 pesos, sur notre marché, elle reste à 6. La patate douce reste toute l'année à 1 peso alors que dans d'autres unités, elle se vend à 3,50 la livre et pas seulement à La Havane. Ici, dans la même municipalité, elle s'est vendue de cette façon.

"Nous vendons à Tulipán et Panorama et aussi à 50 et 51 à Marianao bien que ce ne soit pas encore les prix que nous souhaitons. Il y a des produits que nous allons chercher dans d'autres unités de production et cela fait augmenter le prix parce qu'alors, il ne dépend pas de nous. Mais dans cette coopérative, on discute tous les mois les prix des produits à vendre sur le marché et nosu sommes prêts à faire le nécessaire pour satisfaire le peuple", assure Abelardo Álvarez Silva, Président de la Cooperative de Crédits et de Service (CCS) Antero Regalado.

En ce qui concerne l'expérience de la vente et de l'achat à Trigal, il a commenté:

" Trigal est une entité qui a été créée dans le but très positif de cocnentrer toutes les productions en provenance d'Artemisa et de Mayabeque pour qu'ensuite, elles soient distribuées à La Havane. Mais réellement, ma coopérative n'a rien à faire avec Trigal ni au début ni maintenant. Cet établissement a cessé d'être ce pour quoi elle a été créée et est devenue un antre de perdition de toutes les façons. Les prix prix sont abusifs, c'est aujourd'hui une affaire de nombreux vendeurs à leurs comptes pour s'enrichir et où les productions sont déviées vers d'autres destinations qui ne sont pas les destinations recommandables", signale Álvarez Silva.

Source en espagnol:

http://www.cubadebate.cu/especiales/2016/01/25/precios-en-el-agromercado-que-dicen-los-campesinos-fotos-video-e-infografia/#.VqXVUoRQkRE

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