CONFERENCE DE PRESSE de Bruno Rodriguez Parrilla (MINREX) le 8 mars 2012

Publié le par cubasifranceprovence

6eSOMMET DES AMÉRIQUES
 

(Traduction de la version sténographique du Conseil d’État)

Gustavo Machin. (modérateur).– Bonjour à toutes et à tous.

Le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez Parrilla accordera une conférence de presse. Je vous remercie de votre attention et, sans transition, je lui cède la parole.

Bruno Rodriguez.– Bonjour. Je tiens à adresser mes félicitations à toutes les journalistes qui se trouvent parmi nous.

C’est un plaisir d’être aujourd’hui avec vous. Je m’excuse de vous avoir prévenus si tard, mais vous avez certainement suivi les nouvelles d’aujourd’hui et d’hier, et vous comprendrez que nous avons tenté de nous réunir le plus vite possible, à présent que les événements le permettent.

« Comme vous le savez, nous avons eu le plaisir d’accueillir dans notre pays le président colombien Juan Manuel Santos, accompagné de son ministre des Affaires étrangères. Il nous a dit, d’une manière très respectueuse et cordiale, qu’il n’avait pas obtenu le consensus de l’hémisphère pour inviter Cuba au 6e Sommet des Amériques qui se tiendra le mois prochain.

Il a expliqué que la Colombie demandera que cette situation soit examinée au Sommet de Cartagena. Le président colombien a fait preuve de respect envers la position des pays qui jugent nécessaire la participation de Cuba à ces sommets. Il a signalé que c’est un problème qui est demeuré sans solution depuis des années, et il a formé des vœux pour que cette situation embarrassante ne se reproduise pas.

Je tiens à remercier la Colombie de ses démarches. C’est un pays auquel Cuba souhaite la meilleure des chances. Ce n’était pas une surprise : c’était la chronique d’une exclusion annoncée. Faisant preuve d’un total manque de respect pour la Colombie et pour l’Amérique latine et la Caraïbe, les porte-parole étasuniens avaient décrété dès le premier jour l’exclusion de Cuba.

Le vice-président Biden, la Secrétaire d’État Clinton, un sous-secrétaire et d’autres porte-parole du Département d’État avaient opposé leur veto avant même que la consultation n’ait lieu.

Le mépris et l’arrogance dont les États-Unis ont fait preuve ici constituent une offense à la dignité de la Grande Patrie de Bolivar et de ce que José Marti appela Notre Amérique.

Je tiens à dénoncer énergiquement cette exclusion de Cuba par le gouvernement des États-Unis. Cette exclusion est inacceptable et injustifiable ! Cette décision s’inscrit dans le cadre de la politique de blocus économique, politique et médiatique, qui est génocidaire, illégale et viole les droits de l’Homme des Cubains. Cette intention est exprimée très clairement dans le mémorandum de M. Mallory, en avril 1960 : le blocus a pour but de provoquer la faim et le désespoir, et de priver le gouvernement cubain du soutien du peuple.

Le blocus est un crime et une erreur qui durent depuis plus de 50 ans déjà.

Chers collègues :

Cuba n’a jamais demandé à être invitée à aucun de ces Sommets des Amériques. Ni aux précédents, ni à celui-ci. Nous nous sommes limités à répondre que si nous étions invités sur un pied d’égalité, et que si nous jouissions des mêmes droits que le reste des participants, nous réaffirmerions notre attachement aux principes et à la vérité, avec le respect que nous avons toujours démontré.

La position des pays de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique (ALBA) est unanime et ferme, en dépit des intrigues à ce sujet. Elle est unanime et ferme à exiger la levée du blocus de Cuba et la fin de l’exclusion de Cuba de tout mécanisme hémisphérique, y compris de ce Sommet dit des Amériques. Elle est unanime et ferme à exiger sans équivoque qu’il soit mis un terme à cette exclusion et que cette question soit traitée en profondeur au 6e Sommet de Cartagena. Elle est unanime et ferme à exiger le suivi, comme l’a déclaré publiquement le Comité politique ou la Réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ALBA, du résultat, hier, des consultations en cours.

Comme l’a signalé hier dans ses déclarations solidaires le président Hugo Chavez, c’est au Conseil politique de l’ALBA, sur l’instruction du Sommet des chefs d’État de l’ALBA, de faire en sorte que les ministres des Affaires étrangères continuent d’examiner cette situation, de coordonner leurs actions et de reprendre les consultations au sein de l’ALBA et auprès du reste des gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes, sans exception.

La position de Cuba a été exposée par le président Raul Castro le 4 février à Caracas, au Sommet des présidents de l’ALBA. Il a souligné que « Cuba ne l’avait jamais demandé, mais qu’elle appuyait la décision des présidents Rafael Correa, Evo Morales et d’autres présidents d’agir pour qu’un terme soit mis à l’exclusion de Cuba, une position que nous estimons très juste ».

Raul signalait : « Je tiens à vous remercier, en particulier le président Correa, le président Evo Morales, vous tous, pour ces déclarations… de vitale importance. Vous avez tout-à-fait raison. Nous n’avons jamais demandé l’adoption d’une mesure comme celle-ci, mais ce nest pas pour autant que nous n’allons pas soutenir cette mesure que nous considérons comme très juste ».

Comme chacun sait, ces sommets ont vu le jour à Miami, en 1994. C’était la plateforme politique pour la mise en œuvre de la Zone de libre échange des Amériques (ZLEA), le projet des États-Unis d’Amérique visant à concrétiser l’annexion économique de notre Grande Patrie.

En 2005, à Mar del Plata, les président Chavez et Nestor Kirchner, avec le soutien d’autres pays et de l’ensemble de Notre Amérique, ont enterré la ZLEA.

En avril 2009, à Port-of-Spain, le président Barack Obama avait promis une nouvelle politique vis-à-vis de l’Amérique latine et de la Caraïbe. Au sujet de Cuba, il avait dit vouloir donner un nouveau cap aux relations entre les USA et Cuba.

Que dira le président Obama à la prochaine réunion de Cartagena ? Ces sommets, à l’instar de ceux de l’Organisation des États Américains – tristement célèbres – ne servent qu’à permettre aux États-Unis d’exercer leur domination, comme le prouvent les événements les plus récents. Il est bon également de préciser qu’on a envisagé de tenir un segment à huis clos pendant le Sommet de Cartagena pour traiter de cette question.

Je dois vous dire que Cuba ne trouve aucun intérêt à cette démarche. Cuba trouve inacceptable que cette question soit traitée entre le gouvernement des États-Unis et l’Amérique latine en son absence.

L’Amérique latine ne l’accepte plus et construit un projet de souveraineté et d’intégration régionale que les États-Unis ne peuvent empêcher, même si l’on sait qu’ils tenteront de s’y opposer. Depuis la distance, rien ne pourra cacher la présence de Cuba à Cartagena, comme cela est arrivé en 2009.

Au sujet de la 1e Conférence panaméricaine de Washington, qui prit fin le 19 avril 1890, José Marti écrivait : « Après avoir examiné et jugé les antécédents, les causes et les facteurs de l’invitation, il est urgent de dire, parce que c’est la vérité, que l’heure est venue pour l’Amérique espagnole de déclarer sa seconde indépendance ».

Si cette exclusion peut servir à approfondir la conscience des peuples latino-américains et caribéens, à contribuer à l’action ferme et concertée de Notre Amérique, et à avancer résolument vers notre totale et définitive indépendance, elle est la bienvenue !

Ces jours-ci, nous, les Cubains, serons ici, confiants et sereins, à commémorer comme un symbole l’épopée de Playa Giron que, nous ignorons pourquoi, les conseillers du président des États-Unis, font coïncider une nouvelle fois avec le « Sommet incomplet des Amériques ».

Merci beaucoup.

Le modérateur. – Le ministre répondra à plusieurs questions sur le sujet. J’aimerais demander aux personnes qui ont des questions à poser de se servir des micros situés sur les côtés, de bien vouloir s’identifier, ainsi que l’organe de presse qu’ils représentent.

Andrea Rodriguez. (AP) – Bonjour, ministre.

Bruno Rodriguez Parrilla. – Bonjour Andrea. Félicitations !

Andrea Rodriguez. – Merci. Monsieur, on a parlé du consensus, et on a aussi dit qu’il n’y a pas eu de consensus pour que Cuba soit invitée. Mais il semblerait qu’il n’y ait pas eu de consensus non plus parmi les pays de l’ALBA. Pensez-vous qu’en ce qui concerne Cuba, cette situation spéciale qui s’est créée à Cartagena a rompu le consensus de l’ALBA, reléguant le président Correa à une position isolée ? Quel moment vivent les pays de l’ALBA à Cartagena ? Merci.

Bruno Rodriguez. – Je n’ai pas parlé du consensus. J’ai cité le président colombien, qui expliquait sa position sur cette question. Mais j’ai dit, et je le répète, que l’ALBA a une position solide et unitaire en ce qui concerne la levée du blocus exercé contre Cuba. C’est là l’essentiel. Et ce bloc maintient cette même position pour ce qui est de la cessation immédiate de l’exclusion de Cuba de ces mécanismes dits « hémisphériques » comme le Sommet des Amériques. Que l’ALBA maintient une position ferme et unanime – comme il est signalé dans la Déclaration de la Réunion des ministres des Affaires étrangères du 15 février –, en faveur de la concertation d’actions et la reprise de contacts une fois rendus publics les résultats de la consultation qui était en cours.

La position du président Correa bénéficie du soutien total de tous les présidents de l’ALBA, de l’ensemble de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique, pour que l’on mette fin à cette exclusion inacceptable, et, ce qui est plus important, pour une levée immédiate et inconditionnelle du blocus politique, économique et médiatique contre Cuba. Ces jours-ci les ministres des Affaires étrangères de l’ALBA continueront de concerter nos positions sur la façon dont ces questions devront être abordées au 6e Sommet de Cartagena.

Rosa Tania Valdés. (Reuter) – Bonjour. Ministre, nous aimerions savoir : au début, lorsque toutes ces revendications de l’ALBA en faveur d’une présence cubaine ont commencé, certains pays ont menacé de boycotter le Sommet si Cuba était exclue, comme cela s’est produit. Cuba demandera-t-elle aux pays de l’ALBA d’adopter une position dans ce sens ? Les pays de l’ALBA iront-ils ou pas au Sommet ?

Bruno Rodriguez. – Cette question n’est pas nouvelle, tout comme la position des pays de l’ALBA ne l’est pas non plus. Vous pourriez consulter la Déclaration du Sommet des présidents de l’ALBA qui s’est déroulée à Cumana en avril 2009, à la veille du 5e Sommet de Port-of-Spain. La position actuelle de l’ALBA est exactement la même que celle que ces pays avait adoptée à l’époque : une position solide, ferme, consistante dans le temps.

Comme l’a signalé le président Raul Castro le 4 février, Cuba n’aurait jamais demandé une mesure de cette nature, mais qu’elle l’appuyait fermement parce qu’elle jugeait juste et légitime la demande énergique du président Correa, qui fut appuyée par tous les présidents de l’ALBA, visant à mettre un terme à cette situation.

Nestor Pardiño. – Comment interpréter ce nouveau phénomène où un groupe de pays latino-américains font face aux États-Unis pour une question concernant Cuba ?

Bruno Rodriguez. – Cuba s’était déjà exprimée dans ce sens en 2009. Déjà dans les années 90 et face au tapage médiatique réalisé autour du Sommet de 1994 à Miami, Fidel avait demandé à quoi pourraient servir ces sommets. Cuba avait déjà été exclue. Fidel avait déclaré à l’époque : « Si ces sommets pouvaient servir à discuter des problèmes réels de l’Amérique latine et de la Caraïbe, des problèmes de la paix, du développement ou de la dette, des problèmes d’une relation juste et équitable, de l’accès aux marchés, des problèmes des subventions budgétaires qui détruisent les économies caribéennes… Par exemple, si on pouvait y discuter des problèmes réels du terrorisme, du trafic de drogue… Si les États-Unis et l’Amérique latine étaient placés sur un pied d’égalité pour discuter, ces Sommets pourraient peut-être servir à quelque chose, même si Cuba n’y participait pas. Mais ils ne serviraient à rien si c’était pour étendre la domination des États-Unis, pour étendre leur champ d’intervention et leur « droit d’ingérence » dans nos États. Si c’était pour étendre et approfondir cette relation de spoliation de nos économies et de nos ressources, il faudrait résister.

Aujourd’hui déjà, des années plus tard, la réalité est absolument claire, tout le monde sait, il n’y a plus aucun doute, après avoir enterré le ZLEA, à quoi servent ces sommets ; et l’exclusion de Cuba est probablement le symbole le plus notable et le plus évident que ces sommets sont faits à l’image et à la ressemblance de leur maître, le gouvernement des États-Unis, et qu’ils lui servent d’instrument de domination, d’une façon qui n’a rien de démocratique et au mépris de pays qui sont égaux, souverains et qui refusent d’être traités comme leur arrière-cour.

Patrick Hoffman. (CNN) – Bonjour. Comment allez-vous ? Si Cuba ne veut pas participer au Sommet, pourquoi certains pays de l’ALBA, certains présidents font-ils pression pour que vous soyez présents à cette réunion ?

Bruno Rodriguez. – Cuba a dit depuis 1994 que son exclusion de ces sommets est injustifiable, inacceptable. On nous a demandé si, au cas où nous étions invités, nous accepterions d’y participer. On nous l’a demandé en 2009. Cuba a toujours répondu que si elle était invitée sur un pied d’égalité et de droits, elle participerait au Sommet en défendant ses positions de principes en matière de politique extérieure, en faisant preuve de son attachement à la vérité et dans le plus grand respect.

Les pays de l’ALBA dénoncent une exclusion arbitraire et insoutenable propre à la guerre froide, une exclusion impropre aux temps modernes, impropre à la relation que les États-Unis disent vouloir construire aujourd’hui en Amérique latine et dans la Caraïbe, qui est différente de celle des années 90.

Roberto Hernandez. (Prensa Latina) – Bonjour, ministre. Y a-t-il une date ou un lieu pour une prochaine réunion de ministres des Affaires étrangères de l’ALBA ?

Bruno Rodriguez. – Pas encore. Nous sommes en contact. En fait, nous nous sommes contactés hier, et nous continuerons d’échanger nos impressions dans les prochains mois.

Sarah Rainsford. (BBC) – Bonjour. J’aimerais vous demander : quelle serait, d’après vous, la possibilité que Cuba soit présente au prochain Sommet, de quoi cela dépend-t-il et quelles sont les conditions ?

Bruno Rodriguez. – Je pense que nous comprenons tous qu’une éventuelle invitation à ce Sommet, comme l’a expliqué le président colombien, dépend du consensus. Nous savons tous ce que signifie « le consensus ». Dans ce cas précis il s’agit de l’autorisation de Washington, si bien que c’est une question qu’il faudrait poser au gouvernement des États-Unis. J’ignore ce que fera ce gouvernement. Jusqu’à présent, il n’a fait qu’appliquer une vieille politique dépassée, qui ne fonctionne pas et qu’il devrait revoir.

Je vous remercie de votre présence en cette matinée.

Merci beaucoup.