CRISE DES MISSILES 13: LA CLEF QU'ON N'UTILISA JAMAIS: "AU DIRECTEUR : LE RECOLTE DE LA CANNE A SUCRE MARCHE BIEN"

Publié le par cubasifranceprovence

Ruben G. Jimenez Gomez

 

Les U-2 n'avaient pas recommencé à voler au-dessus de Cuba depuis le 29 août, quand les premiers emplacements de missiles antiaériens avaient été détectés, par crainte qu'ils soient abattus : le souvenir du cas de Powers, un pilote de U-2 abattu au-dessus de l'URSS le 1° mai 1960, était encore frais. De plus, pendant la majeure partie du mois de septembre et le début d'octobre , il fit mauvais temps à Cuba avec beaucoup de nuages sur l'Ile , ce qui empêchait ou rendait peu efficace la prise de photos aériennes du territoire et ce vol lui-même déjà approuvé, fut suspendu pendant plusieurs jours à cause des conditions climatiques.

 

Le sénateur Keating accusa le 10 octobre Cuba d'avoir construit 6 bases de missiles balistiques de moyenne portée . Ce même jour, un commando de l'organisation contre-révolutionnaire Alfa 66, résidant en toute liberté à Miami, attaqua le village de Isabel de Sagua, tuant et blessant plusieurs innocents.

 

Pendant ce temps, pour cette date, toutes les munitions nucléaires avaient été concentrées dans les régions de stationnement des troupes , gardées dans les dépôts prévus et sous haute protection. Avec ces événements se terminait l'étape la plus complexe et très périlleuse dans l'exécution de la sécurité technico-nucléaire de l'Opération « Anadyr » : le transport des munitions dans un territoire distant de 10 000 km de leurs bases permanentes et qui était soumis à des vols de reconnaissance aérienne nord-américains et à l'activité de leurs agents clandestins , pratiquement en état de guerre.

 

Les 36 têtes de combat nucléaires des missiles R-12, plusieurs dizaines d'entre elles pour les missiles aériens tactiques FKR et les 6 bombes pour les bombardiers légers IL-28, furent gardées dans une poudrière souterraine située non loin du village de Bejucal, quelques 20 km au sud de la ville de La Havane. Ultérieurement, les bombes aériennes furent transportées dans un endroit plus proche de l'aérodrome de San Julian, où elles pourraient être utilisées. Les 12 charges nucléaires des missiles « Luna » furent conservées dans la zone de Managua, alors qu'une partie des charges destinées au régiment de FKR stationné dans la province d'Oriente , également transportées sur le « Indiguirka » furent transportées par chemin de fer jusque là par le personnel de la base technique aérospatiale destinée à ce régiment. On installa cette base dans les quartiers d'une école militaire dans la petite ville de Mayari, alors que les charges nucléaires furent placées dans de vieilles structures en béton situées dans la Sierra Cristal.

 

Commença alors l'étape la plus importante pour la sécurité technico-nucléaire de l'Opération « Anadyr ». Son objectif consista en la vérification détaillée des charges de combat nucléaires à l'aide des moyens de mesure spéciaux , en les mettant ensuite en état de conservation et en les préparation à être utilisée au combat si le commandement supérieur l'ordonnait. Comme le but de la présence de l'arme nucléaire à Cuba était d'éviter le combat, les missions données à partir de ce moment-là furent de garantir la sécurité nucléaire , l'établissement d'un rigoureux régime d'accès aux munitions , qui exclurait la possibilité de réalisation d'actions non ratifiées , comme le camouflage multilatéral des entrepôts nucléaires pour éviter sa détection par l'ennemi.

 

Un des problèmes qu'il fallut résoudre, en relation avec la conservation des munitions nucléaires à Cuba , fut le climat car cette conservation requerrait une humidité relative inférieure à 50% et des températures inférieures à 20°C. Cependant, dans les ouvrages souterrains dans lesquels se trouvaient les charges nucléaires, la température , habituellement, n'était pas inférieure à 25° C et l'humidité se maintenait en permanence au-dessus de 80%.

 

Il fallut employer des substances spéciales pour absorber l'humidité qui, combinées avec l'emballage hermétique garantissaient un bas niveau d'humidité dans les conteneurs de conservation. Pourtant, le danger principal pour les munitions était représenté par l'existence de températures du milieu ambiant supérieures à 20° C alors que, tenant compte du réchauffement naturel du matériel nucléaire consécutif au processus spontané de division des noyaux atomiques, un grand réchauffement extérieur pourrait altérer l'ajustement physique du dispositif nucléaire en réduisant les délais de garantie pour son exploitation. En employant des équipements d'air conditionné et des caisses avec de la glace dans les locaux de stockage, on put y maintenir une température inférieure aux 20° C.

 

Des ouvriers spécialement affectés à cette tâche contrôlaient 24 h sur 24 les variations de température et d'humidité dans les dépôts, de façon qu'on puisse prendre au bon moment les mesures préventives qui permettraient d'éviter des conséquences désagréables. Ce fut un temps de grandes préoccupations et d'alarmes en général. Heureusement, il ne se produisit rien d'extraordinaire d'aucune sorte avec le matériel nucléaire qui resta à Cuba pendant 2 mois. La meilleure preuve qu'il ne se produisit de catastrophe d'aucune sorte avec les munitions nucléaires stockées est que les habitants des environs des points de conservation et leurs descendants sont sains.

 

Dans les bases techniques aérospatiales des régiments, les charges nucléaires devaient être conservées dans les ouvrages « 20-S », qui n'arriveront pas à être terminés et équipés à temps. Dans ceux-ci, les munitions aussi devaient être conservées pour une longue période, ainsi que l'équipement technologique et le matériel spécial. Les travaux réglementaires périodiques et leur préparation préliminaire pour l'emploi seraient réalisés si c'était nécessaire. Dans les abris situés directement dans les groupes de combat des régiments aérospatiaux , seule était prévue la conservation des munitions pour un court laps de temps , dès que la situation requerrait leur présence ici, dans le but de garantir que le temps de lancement soit celui qui avait été décidé de 2h et demie, à partir du moment où l'ordre de tirer serait reçu, après celui de 2h 10 mn dont on disposait pour la préparation finale des charges, leur transport jusqu'aux missiles , le levage sur celui-ci et leur mise en position verticale sur les rampes de lancement , après quoi il restait 20mn pour introduire les instructions de vol jusqu'aux cibles désignées et pour les approvisionner avec le combustible et l'oxydant nécessaires.

 

La Directive N°1 donnée par Raùl .

 

Comme coïncidence historique, ce 10 octobre 1962, date à laquelle on commémorait les 94 ans du début des guerres des Cubains contre la domination espagnole, le ministre des Forces Armées Révolutionnaires (FAR), le Commandant Raùl Castro Ruz, signa la Directive Opérationnelle N°1 pour assurer le déploiement stratégique des FAR au cas où se produirait une agression nord-américaine dans le but réel de transformer une autre fois le pays en colonie ou néo-colonie , cette fois dominée par la nouvelle métropole : les Etats-Unis.

 

La Directive établissait les missions de combat des armées, des armes et des types de forces armées lorsqu'on repousserait les débarquements navals et aériens de l'ennemi ainsi que les contre-attaques pour anéantir, dans un bref délai, les forces d'agression qui auraient pu débarquer. Le document précisait que les unités militaires occuperaient leurs positions défensives dans deux cas : Premièrement, si une attaque surprise se produisait. Dans ce cas il était prévu que les troupes permanentes et les élèves des écoles militaires, organisées auparavant en unités de combat, occuperaient rapidement les positions sur les côtes pour la défense des principales directions , avec la mission de combattre les débarquements navals et aériens de l'ennemi en rendant possible la mobilisation du pays. Dans la mesure où se mobiliseront les unités de temps de guerre, celles-ci substitueraient aux troupes permanentes pour défendre le littoral celles qui occuperaient le second échelon de la défense pour réaliser les contre-attaques dans les directions nécessaires. Deuxièmement, au moment de la mobilisation et du déploiement planifié des troupes. Dans ce cas, les unités du temps de guerre occuperaient directement la défense des positions du littoral, pendant que les permanents le feraient au second échelon.

 

Ce jour-là, de plus, le directeur de la CIA montra au président Kennedy des photos des emballages qui contenaient probablement des bombardiers légers bimoteurs à réaction de type IL-28 qui étaient sur le pont d'un bateau arrivé à La Havane récemment. Le président déclara qu'il fallait prendre des mesures drastiques contre Cuba et demanda qu'on le tienne informé.

 

Le 12 octobre, le commandement des avions U2 qui volaient au-dessus de l'Ile fut transféré de la CIA à l'Etat Major Conjoint et au Commandement Aérien Stratégique. Alors, à Cuba, 2 autres rampes de lancement du régiment stationné dans le centre de l'Ile étaient prêtes pour le combat et s'incorporaient à la garde de combat. Il y avait déjà 4 rampes prêtes pour faire feu quand l'ordre en serait donné.

 

Le lendemain, en répondant à des questions de Chester Boules, du Département d'Etat, l'Ambassadeur Dobrinin nia à nouveau toute tentative pour introduire des armes offensives soviétiques à Cuba. En même temps, les avions U-2 furent déplacés de la base de la Force Aérienne Edwards, en Californie, à la base McCoy, à Orlando, Floride, qui se trouvait plus près de Cuba. Ce même jour, à Moscou, le maréchal Malinovski , ministre de la Défense de l'URSS, rencontra le général Anatoli Gribkov, qui partirait le lendemain pour Cuba à la tête d'un groupe de hauts gradés pour aider les troupes à superviser la mise en œuvre des décisions du Gouvernement soviétique . Pendant la conversation, le général déclara ce qui suit :

 

« Aussitôt que les unités de missiles R-12 et R-14 sont prêtes pour le combat, vous devez me le faire savoir personnellement, seulement à moi, à personne d'autre. Votre mission est de superviser la préparation des troupes pour accomplir leur mission, mais surtout, vous devez vous assurer que les missiles sont prêts à entrer en action.

 

Souvenez-vous et répétez au camarade Pliev que les ordres que j'ai reçu personnellement de Nikita Khroutchëv sur l'utilisation des R-12 et R-14 et des missiles tactiques doivent être strictement et exactement exécutés. Cela signifie que les missiles peuvent être lancés seulement, je répète, seulement, sur ordre personnel du Chef Suprême : Nikita Sergueïevitch Khroutchëv (…)

 

S'il n'y a pas moyen de communiquer avec Moscou, Pliev peut utiliser les missiles tactiques à sa discrétion en cas d'attaque étasunienne et si les troupes débarquent réellement sur nos côtes. Cependant, il ne doit pas y avoir de problème pour déclencher ces missiles. (…)

 

Quand les unités aérospatiales seront prêtes, dites-le moi en utilisant cette phrase dont le véritable sens ne sera connu que de vous et de moi : « Au Directeur : la récolte de canne à sucre marche bien ».

 

La décision du Kremlin d'envoyer à La Havane du matériel militaire d'inspection de haut niveau était un signal d'alarme en relation avec la situation dans les Caraïbes. Ce qui préoccupait le plus la direction soviétique n'était pas tant le rythme de nos préparatifs de défense à Cuba, mais l'agressivité des termes employés à Washington par les membres du Congrès , de l'Administration et par le président Kennedy lui-même.

 

Ce jour-là, à Cuba, un bateau pirate attaqua avec des rafales de mitrailleuses un bateau de plaisance dans lequel voyageaient 4 Cubains, près de Cayo Blanco, à proximité de Cardenas, au nord de la province de Matanzas. Deux des Cubains furent blessés , enlevés par leurs agresseurs et amenés à Miami.

 

PRIS EN FLAGRANT DELIT

 

Le 14 octobre 1962, dans le programme « Questions et Réponses » de la chaîne ABC, McGeorge Bundy , conseiller Spécial du Président pour les Questions de Sécurité Nationale , nia toute preuve solide de l'existence d'armes offensives soviétiques à Cuba . Bien qu'alors on ne le sache pas, ce qu'il affirmait était faux depuis plusieurs heures . Il y avait alors une preuve solide de la présence des missiles de moyenne portée soviétiques à Cuba. La preuve était aussi solide que pouvaient l'être les rouleaux de photos pris par un avion de reconnaissance. C'était un dimanche et il faisait beau à Cuba, ce qui donna aux Nord-américains l'opportunité qu'ils attendaient depuis 5 jours. Aux premières heures de la matinée, un U-2 photographia, sur une trajectoire sud-nord, une bande de territoire occidental de l'Ile , mais pas n'importe quelle bande : précisément la bande suspecte, celle qui survolait la localité de San Cristobal , dans la province de Pinar del Rio. Les 928 photos du territoire cubain, prises pendant 6 minutes, apportèrent la première preuve irréfutable de la présence de missiles de moyenne portée à Cuba.

 

Quelques années plus tard, le commandant Fidel Castro déclarait à ce sujet :

 

« Les Soviétiques ont commis plusieurs erreurs tactiques et militaires. Une d'entre elles fut d'installer les missiles antiaériens et de ne pas les utiliser , laissant voler les avions de reconnaissance. On aurait du interdire de façon définitive tout vol de reconnaissance et on ne l'a pas fait. Ils étaient en train de construire des installations militaires stratégiques et ils ne les protégeaient pas de la reconnaissance aérienne. Ce fut une hésitation , un doute, faire les choses à moitié et faire les choses à moi, en toutes circonstances, coûte très cher. »

 

Et à la Conférence Tripartite sur la Crise d'Octobre qui eut lieu à La Havane en 1992, on signala entre autres choses :

 

« Pourquoi une question qui peut se poser est : pourquoi y a-t-il des missiles terre-air ici ? Que font-ils ? Pourquoi mettent-ils des missiles terre-air et permettent-ils aux avions U-2 de voler ? … Que serait-il arrivé si le U-2 n'était pas passé ? S'ils abattaient l'avion et qu'il ne photographiait pas (…) Ce fut une erreur politique indiscutable et je n'en accuse pas les militaires...parce qu'indiscutablement, ils avaient des ordres très stricts … sûr qu'ils avaient aussi l' ordre de ne pas tirer sur les U-2 pour des raisons politiques...il y eut des conceptions politiques erronées, des précautions excessives . A côté d'une audace indiscutable, une grande audace de Khroutchëv... »

 

Maintenant bien, était-il certain que les Soviétiques pouvaient abattre avec leurs missiles le U-2 qui prit les premières photos au-dessus de San Cristobal ?

 

La portée maximale du complexe SA-75 était de 34 km , distance limitée par le temps de vol pendant lequel le missile pouvait être dirigé. La couverture de la zone de San Cristobal , par exemple, où se trouvaient les 2 régiments de missiles R-12 était assez pauvre car on se trouvait presque à la limite des zones de destruction des groupes de Bahia Honda et de Mariel. C'était, si on veut, le défaut originel de la conception tactique.

 

Si le U-2 avait volé sur la trajectoire sud-nord, et si l'ordre de l'abattre avait été donné, celui-ci pouvait être exécuté par le groupe de Bahia Honda après qu'il ait photographié les emplacements des missiles de moyenne portée, car la trajectoire de vol pénètre dans sa zone de destruction à l'altitude de 21 km. La probabilité qu'il puisse abattre le groupe de Mariel était pratiquement nulle.

 

Maintenant bien, si les Nord-américains connaissaient déjà la situation de ces groupes de missiles, et si leurs spécialistes devaient avoir des notions suffisantes à propos de la réalité des possibilités de combat de ceux-ci et des dimensions de leur zone de destruction, ils auraient pu planifier le vol selon une trajectoire dans laquelle le U-2 puisse photographier la zone de San Cristobal et s'éloigner sans difficultés , en tirant profit du large corridor existant entre les zones de destruction des groupes de Bahia Honda, Santa Lucia et La Coloma à l'altitude de 21 km, qui même en cherchant à tirer des douzaines de missiles n'auraient pas pu l'abattre .

 

C'était la réalité. C'est dire qu'on n'avait pas la certitude de pouvoir interrompre le vol bien qu'on ait la volonté de le faire. Il est très probable que dans ce cas, ils seraient restés le bec dans l'eau.

 

Le lundi 15 octobre, une équipe d'interprétation et d'analyse appartenant au Centre National de Renseignement Photographique, identifia dans les environs de San Cristobal plusieurs objets semblables aux composants des emplacements de missiles de moyenne portée SS-4 (R-12 pour les Soviétiques) qui selon les Nord-américains, avaient déjà été observés en URSS pendant les vols des U-2. Au total, avec les photos du premier jour, on détecta dans la zone 3 emplacements avec 4 rampes de lancement chacun.

 

Des années plus tard, on sut que le colonel de l'Armée soviétique Oleg Penkovski, qui espionnait pour les Etasuniens depuis plus d'un an, leur avait remis un manuel balistique soviétique très secret avec l'aide duquel ils pourraient conclure que les éléments observés sur les photos correspondaient à des emplacements de missiles SS-4.

 

En regardant les photos publiées des prises du 14, on ne pouvait s'empêcher de penser : tant nager pour se noyer dans un verre d'eau. Avec tous les énormes efforts réalisés et les moyens de camouflage adoptés, les missiles avaient été découverts seulement un mois avant la date signalée par Khroutchëv pour révéler leur présence à Cuba. Et il faut dire que si les emplacements ne pouvaient être cachés aux photos aériennes, oui, il était possible de prendre des mesures pour rendre difficile leur identification et elles ne furent pas adoptées. Par exemple, si on ne pouvait pas camoufler les emplacements, ceux-ci pouvaient être déformés au moyen de constructions qui seraient faites par les forces cubaines dans les environs, sans garder aucune symétrie pour qu'elles se diluent dans le milieu ambiant . A Cuba, pour cela, il y avait assez de matériel et de brigades de construction de différentes sortes , avec la capacité de faire ainsi dans les environs de tous les emplacements. Si on avait mis en avant la nécessité et l'importance de cela, certainement on aurait affecté les moyens qu'il fallait pour y réussir car dans le pays , il n'y avait pas, à ce moment-là, de question plus importante.

 

Une autre possibilité : si les installations photographiées n'étaient pas prêtes au bout d'une dizaine de jours, que faire alors de tout ce matériel qui ne serait plus utile ? Ils servaient juste pour que ceux-ci les photographient et que le groupe puisse être identifié plus facilement . Je parle des élévateurs , des remorques pour les missiles, des équipements de fournitures et d'autres moyens observés et la question se pose : si ici ils n'étaient pas utiles pour le moment, pourquoi n'étaient-ils pas dispersés à d'autres endroits ou gardés sur des bateaux de machines agricoles ou d'autres sites apparents ?

 

Encore une autre possibilité : si le campement de tentes de campagne était un des principaux indices qui les démasquèrent, que faisait-il ici, à côté de l'emplacement ? On aurait pu l'installer dans un lieu plus éloigné, avoir le personnel indispensable pour le travail et les gardes sur l'emplacement et les transporter jusqu'au campement en camion quand c'était nécessaire. Cela aurait constitué une difficulté de plus , une de plus parmi plusieurs millions mais c'était une chose insignifiante en comparaison de tout ce qui avait mis en pratique pour garder le secret de l'Opération « Anadyr ».

 

C'est clair, il faut signaler que tout cela semble évident maintenant, 40 ans plus tard, quand on sait comment se sont déroulés les événements.

 

Ce jour-là se déroulèrent 2 nouveaux vols de U-2 au-dessus de la région occidentale de l'Ile . Pendant la nuit, Ray Cline, sous-directeur des Renseignements de la CIA , appela avec un téléphone non sécurisé Roger Hilsman, du Département d'Etat et Bundy et les informa, en utilisant un code secret, que des missiles de moyenne portée avaient été découverts à Cuba . Hilsman téléphona à Dean Rusk et Bundy décida d'attendre le matin pour alerter le Président. A minuit la preuve photographique de la présence des missiles à San Cristobal fut montrée au secrétaire à la Défense, Robert McNamara .

 

A ce moment-là, dans les zones proches de l'Ile se concentraient d'importantes forces nord-américaines sous prétexte de divers exercices et de diverses manœuvres , comme l'UNITAS III et le SWEEP CLEAR mais ce même lundi 15 commença l'exercice PHIBRILEX 62 , l'un des plus importants et dangereux pour Cuba. Cette-ci se déroula jusqu'au 30 octobre avec la participation de plus de 40 bateaux , 20 000 marins et 4 000 fantassins de marine et l'assaut amphibie de l'Ile de Vieques, à Porto Rico, transformée pour les besoins de l'exercice en la fictive « République de Vieques », pour faire tomber le tyran imaginaire « Ortsac » qui est le nom de Castro écrit à l'envers. Il ne fallait pas faire un gros effort pour déchiffrer le but caché de la manœuvre. Quand cet exercice militaire fut planifié, on n'avait pas de preuves de l'existence des missiles de moyenne portée à Cuba mais il ne faut pas oublier que pour la dernière phase de l'Opération « Mangouste », était prévue la possibilité d'une attaque militaire de l'Ile , précisément au mois d'octobre, quand on pensait que se produirait la « révolte populaire spontanée » attendue avec tellement d'impatience. De toute façon, l'exercice servit à couvrir le début de la mobilisation des troupes nécessaire dans la nouvelle situation.

 

Pendant que tout cela arrivait, à Cuba, un bateau pirate attaquait le village de Nueva Gerona, au nord de l'Ile des Pins. Pour sa part, après avoir terminé les vérifications , le colonel Beloborodov, chef de la sûreté technico-nucléaire de l'Opération « Anadyr », qui était confiant dans des résultats positifs, informa le ministre de la Défense d'URSS , le maréchal Rodion Malinovski et le chef de l'ATS, le général d'armée Pliev , que les munitions nucléaires étaient vérifiées et prêtes pour être employées au combat en cas de nécessité.

 

On en était là ce lundi 15 octobre que certains appellent le début du « Chronomètre d'Armaguédon » en référence aux événements des 13 jours suivants.

 

(A suivre)

 

(traduction Françoise Lopez)