CRISE DES MISSILES 19: LES TENSIONS AUGMENTENT, LA GUERRE MEDIATIQUE SE DECHAINE
Ruben G. Jimenez Gomez.
Mardi 23 octobre.
A l'aube, les unités dépendant de la division aérospatiale stratégique étaient déjà prête au combat. Le régiment de missiles de moyenne portée du centre pouvait effectuer techniquement le lancement des missiles 2 heures et demie après en avoir reçu l'ordre , mais les têtes de combat pour leurs missiles se trouvaient dans l'entrepôt central , près du village de Bejucal, dans la province de La Havane, à plus de 300 km. A cause de cela, il fallait en réalité 20h entre l'ordre et le lancement. Le régiment stationné à Candelaria-San Cristobal et un des groupes de combat stationnés à Santa Cruz de los Pinos-San Cristobal, bien que tous les travaux d'ingénierie ne soient pas terminés, étaient pratiquement prêts à remplir leur mission de combat, leurs différentes rampes de lancement ayant des délais différents pour effectuer le lancement des missiles de moyenne portée selon leurs conditions concrètes. Ces 2 régiments étaient à 80 – 100 km de l'entrepôt central de charges nucléaires .
Ce jour-là, arriva au port de Mariel le bateau marchand Divnogorsk avec une partie du personnel et de la technique spéciale de sécurité de l'un des régiments de missiles de portée intermédiaire R-14. Pendant ce temps, dans le port de La Isabela arrivait le navire Alexandrovsk qui transportait les têtes de combat nucléaires des missiles R-14 et ce qui manquait pour les missiles aériens tactiques FKR. Le déchargement commença à la nuit. A ce moment-là, le Groupement des Troupes Soviétiques à Cuba comptait déjà environ 43 000 hommes.
Pour sa part, le Gouvernement d'URSS, dans la matinée de ce 23 octobre, donna des instructions au ministre de la Défense, le maréchal Malinovski, pour mettre en totale disposition de combat les Troupes Aérospatiales Stratégiques, les Troupes de la Défense Antiaérienne, les Forces Aériennes, les Forces Sous-marines et les Troupes de Garde-frontières et pour mettre en alerte les autres forces. Dans les pays membres du Traité de Varsovie, on prenait des mesures similaires.
Le Comité Exécutif du Conseil de Sécurité National des Etats-Unis se réunit avec le président Kennedy à 10 h du matin, à la Maison Blanche . D'après ce que raconte Robert Kennedy : « Les esprits étaient très tendus. Le sentiment qui régnait n'était pas de joie mais peut-être de relaxation . Le premier pas était fait, et nous étions encore en vie. »
Le directeur de la CIA, John McCone, informa que jusque là, les troupes soviétiques dans le monde n'avaient pas été mises en état d'alerte et qu'il n'y avait aucune information faisant état de quelque mouvement militaire extraordinaire de leur part. A Cuba, on ne permettait d'entrer sur les bases de missiles qu'à leur propre personnel.
Le président Kennedy donna l'ordre de faire les préparatifs nécessaires pour le cas où un blocus de Berlin se produirait. On discuta aussi en détails de ce qu'on ferait si l'un des U-2 était abattu et on décida que, dans ce cas et avec l'autorisation du Président, on détruirait la base de missiles antiaériens qui l'aurait abattu ou une base voisine, si on ne pouvait pas établir avec exactitude laquelle avait agi. Le secrétaire à la Défense déclara que l'attaque se déroulerait dans les heures suivant le moment où on aurait connaissance de la destruction de l'avion. Le Président se montra très préoccupé par la possibilité d'une erreur et dit que, avant de répliquer, on devrait bien faire la preuve de l'attaque contre les avions. Il convint avec le secrétaire à la Défense de préparer la Division 101 Aéroportée à entrer immédiatement en action si nécessaire. Il voulait s'assurer que toutes les mesures indispensables avaient été prises pour le cas où les Soviétiques réagiraient militairement et déclara qu'une attaque contre leurs installations pourrait provoquer, en retour, une attaque contre nos aérodromes. Il signala que si la riposte des Russes rendait inévitable une action militaire limitée ou l'invasion, il ne faudrait pas perdre un seul jour pour s'y préparer. A la fin de la réunion, le Président approuva 6 vols de reconnaissance à basse altitude pour obtenir plus de photos des emplacements des missiles soviétiques.
Les premiers vols de reconnaissance à basse altitude au-dessus des positions soviétiques et cubaines commencèrent à partir de 11 h et demie du matin.
Les médias d'information de masse étasuniens entreprirent une assourdissante campagne publicitaire contre l'Union Soviétique et Cuba. On montrait des reportages qui expliquaient que 25 bateaux marchands soviétiques se dirigeaient vers l'Ile et que 90 bateaux de guerre nord-américains allaient à leur rencontre et les recevraient en haute mer. On divulguait des rumeurs sensationnelles disant qu'on avait détecté des sous-marins soviétiques près du littoral cubain et que le Président avait donné l'ordre de les surveiller attentivement et de protéger les porte-avions et autres bateaux. On disait que ces sous-marins étaient poursuivis par des destructeurs, avions et hélicoptères qui, sur un ordre, pourraient lancer les charges de profondeur. Dans les périodiques et les revues, commencèrent à apparaître des données du rayon d'action des missiles soviétiques installés à Cuba, on énumérait en détails les villes qui pourraient être atteintes et détruites par ces missiles et on calculait les pertes potentielles attendues dans la population des Etats-Unis. Dans le pays, comme une boule de neige, la panique grandit. Beaucoup d'habitants du sud des Etats-Unis abandonnèrent leur maison et partirent vers le nord ou en direction de l'ouest, avec l'espoir de sortir du rayon d'action des missiles . Beaucoup remplissaient les églises dans le but de prier pour que la guerre n'éclate pas et les ventes d'aliments en conserve, de biscuits et d'autres produits qui ne se détériorent pas rapidement montèrent en flèche tandis que les constructeurs ou vendeurs d'abris antiatomiques, de tous moyens de protection, de médicaments pour donner les premiers soins et d'autres plus sophistiqués faisaient leur beurre .
LA REACTION DES « CAPTIFS ».
En même temps, à Cuba, la phase principale de la mobilisation du pays pour se préparer à la guerre s'achevait. En peu de temps, on avait mobilisé 54 divisions d'infanterie (5 d'entre elles permanentes , 9 réduites et 40 de temps de guerre) ; 4 brigades ( 1 de chars et 3 d'artillerie) ; 17 bataillons indépendants ( 10 pour la lutte antidébarquement, 6 de création d'obstacles et 1 de chars) ; 6 groupes d'artillerie réactive (lance-missiles multiples) et 3 groupes indépendants de mortiers de 120 mm ; 20 unités navales de la Marine de Guerre Révolutionnaire ; 118 batteries d'artillerie antiaérienne ( 100 de canons et 18 de mitrailleuses ) et 47 avions de combat.
Le peuple répondit à l'appel de la Révolution avec vaillance, fermeté et dignité. Jamais auparavant, on n'avait senti si proche le danger de l'agression militaire directe . Pourtant, la pays se préparait tranquillement à affronter et à résister de pied ferme au blocus total, aux attaques aériennes limitées ou massives et à l'invasion. Toutes les ressources de la nation furent mises à la disposition de la défense de la Patrie menacée. Partout, il y avait des gens armés de fusils, de mitrailleuses, de pistolets et de revolvers de toutes sortes et de tout âge, depuis les sous-mitrailleuses soviétiques PPSH , les fusils tchèques, belges et étasuniens, automatiques, semi-automatiques et mécaniques , jusqu'à n'importe quoi. Sur toute la côte, on ouvrait des tranchées, occupées par des soldats et des miliciens, on plaçait des canons, des chars et d'autres armes, tandis que par les routes et les chemins, se déplaçaient d'interminables colonnes de troupes cubaines qui se dirigeaient dans toutes les directions. Dans les villes avaient lieu des meetings de masse et on organisait de nouvelles unités de miliciens avec les volontaires de la dernière heure. Sur les édifices, on avait placé des étoffes et des cartons avec des consignes et des slogans : « La Patrie ou la Mort ! », « Nous vaincrons ! », « Cuba oui, les Yankees, non ! », « Tous aux armes ! » et autres. Sur les chemins et les ponts, y compris sur les canalisations de l'aqueduc, sur l'Autoroute Centrale, étaient placées des sentinelles pour éviter les actes de sabotage.
Dans l'Ile, il n'y avait aucune panique, la télévision et la radio fonctionnaient normalement, les journaux et les revues étaient publiés régulièrement, on appelait le peuple au travail dévoué, à la vigilance, à l'accomplissement et au dépassement des plans de production dans l'industrie et l'agriculture. Malgré la situation alarmante et le danger imminent, l'ordre et la tranquillité régnaient dans le pays. Chacun s'occupait de ses affaires. Partout, il y avait des gens en uniformes, souvent armés. En plusieurs endroits de La Havane et d'autres villes, étaient disposées des batteries antiaériennes. Sur les fameuses plages, s'ouvraient des trachées de centaines de kilomètres de long. Le peuple et son armée restaient très unis. Pendant ces journées, la vie culturelle et sociale du pays ne fut pas interrompue. Au contraire, les gens se livraient à une intense activité. Les cinémas, les clubs, les théâtres et les installations sportives fonctionnaient activement. Le Ballet National de Cuba , avec à sa tête Alicia Alonso, qui donna des représentations dans les tranchées, remporta un grand succès.
Dans des moments aussi critiques, le peuple cubain montra sa traditionnelle ferveur patriotique. Des milliers de personnes de tout âge s'enrôlèrent dans les Milices, dans les organisations de masse ou se présentèrent dans les hôpitaux pour donner leur sang. Des centaines de milliers d'hommes, de femmes et de jeunes accoururent dans les usines et les champs pour remplacer les travailleurs mobilisés et contribuer à maintenir la production. Dans les villes, avaient lieu d'énormes manifestations, le peuple commentait l'agression nord-américaine et le pays se transformait en un grand camp militaire.
Ce jour-là, Khroutchëv envoya une lettre à Kennedy, elle avait le même caractère dur et décidé que celle qu'il avait reçu du Nord-américain et dans celle-ci, il fit remarquer, entre autres, les choses suivantes :
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Il qualifiait les mesures prises par les Etats-Unis de sérieuse menace pour la paix et pour la sécurité des peuples.
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Il considérait la déclaration de la veille comme une franche ingérence dans les affaires intérieures de la République de Cuba, de l'Union Soviétique et d'autres états.
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Il signalait que la Charte de l'ONU et les normes internationales ne donnaient le droit à aucun Etat de contrôler des bateaux dans les eaux internationales.
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Il ne reconnaissait pas aux Etats-Unis le droit de contrôler les armes que Cuba considérait comme essentielles pour le renforcement de sa capacité défensive.
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Il confirmait que les armes qui étaient à Cuba, indépendamment de la classe à laquelle elles appartenaient, étaient exclusivement destinées à des actions défensives, dans le but de protéger Cuba contre l'attaque d'un agresseur extérieur.
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Il exprimait le désir que le Gouvernement des Etats-Unis serait prudent et renoncerait aux actions envisagées la veille, qui conduiraient à des conséquences catastrophiques pour la paix dans le monde.
Il déclarait aussi que l'Union Soviétique ne donnerait pas l'ordre aux capitaines des navires qui se dirigeaient vers Cuba d'obéir aux ordres des forces navales nord-américaines. Il ajoutait que s'il y avait des tentatives pour intercepter les bateaux soviétiques « nous nous verrions obligés, pour notre part, de prendre les mesures que nous jugerions nécessaires et adéquates pour protéger nos droits. Pour cela, nous ferions tout le nécessaire. »
Ce jour-là, le commandant Fidel Castro reçut un message de Khroutchëv dans lequel il considérait que les déclarations faites la veille par Kennedy constituaient une ingérence insolite et un acte de provocation insolent et qualifiait les actions entreprises par le Gouvernement nord-américain d'actes de piraterie, perfides et agressifs. La direction cubaine interpréta ce message comme une volonté évidente de l'Union Soviétique de ne pas céder devant les exigences étasuniennes. A ce sujet, Fidel déclara plus tard : « Jamais l'idée d'un retrait ne nous traversa l'esprit (…) cela ne nous semblait pas possible. Khroutchëv, qui est celui qui sait de combien de missiles et d'armes nucléaire il dispose (…) nous envoie cette lettre (…) Nous , de loin, nous nous disons (…) les choses sont claires, et nous nous consacrons à notre travail. »
La Force de Frappe Charlie, appartenant à la 1° Division Blindée, commença son déplacement de Ford Hood. Dans la soirée de ce mardi, le Commando Aérien Stratégique avait déjà établi la garde dans l'espace de la 8° partie des B-52, avec 66 avions qui portaient des armes nucléaires et avaient le plan pour attaquer des cibles déterminées en Union Soviétique si on le lui ordonnait.
Le 23 octobre, le Conseil de Sécurité de l'ONU se réunit également pour écouter les remarques des représentants des trois nations impliquées. Le premier à s'exprimer fut le représentant nord-américain. Adlai Stevenson prononça un long discours tentant de présenter le blocus comme une mesure d'autodéfense. Il accusa Cuba de recevoir des armes stratégiques sur son territoire et l'URSS de ne pas avoir rendue publique sa décision de les envoyer. Il présenta un projet qui demandait le démantèlement et le retrait immédiat des armes « offensives », l'envoi d'un corps d'observateurs de l'ONU dans l'Ile et la réalisation de négociations entre les Etats-Unis et l'URSS pour éliminer la menace existante. Ils cherchaient à ignorer Cuba : c'était une façon de l'humilier.
Parla ensuite le représentant cubain qui affirma que l'Ile s'était vue contrainte de s'armer devant les agressions répétées des Nord-américains et nia que les armes de Cuba soient une menace pour ses voisins, s'ils n'avaient pas l'intention de l'agresser. Il critiqua l'attitude des Etats-Unis d'adopter d'abord des actions militaires et ensuite, de recourir à l'ONU. Il déclara la que le fait que les Etats-Unis étaient la seule nation qui possédait une base militaire à Cuba , contre sa volonté, et, à la fois, l'accusait parce qu'elle permettait à l'Union Soviétique de déployer des troupes amies sur son territoire, était une contradiction choquante. Il mit en avant la position de principe de ne permettre aucune sorte d'inspection du territoire cubain et demanda le retrait immédiat des forces nord-américaines, l'arrêt des activités de provocation à Guantanamo, des attaques pirates et de toutes les mesures interventionnistes sur les sujets intérieurs à Cuba, ainsi que des violations des espaces aériens et maritimes de l'Ile.
Pour sa part, Valerian Zorin, le représentant soviétique, signala que les Etats-Unis avaient commis un acte sans précédent dans les relations entre Etats qui n'étaient pas en guerre et avait mis en danger la navigation de nombreux pays, en violant ouvertement les prérogatives du Conseil de Sécurité, seule entité qui puisse autoriser la réalisation de tout acte coercitif. A la fin de son intervention, il demanda la condamnation des actions entreprises par les Nord-américains, que les Etats-Unis reviennent sur leur décision d'inspecter les bateaux des autres Etats dans les eaux internationales, que cesse toute interférence sur les sujets intérieurs à Cuba et que les trois pays établissent des contacts pour normaliser la situation et éliminer la menace de guerre.
Simultanément aux débats du Conseil de Sécurité, se réunirent les représentants de 45 nations, principalement les membres du Mouvement des Pays Non-Alignés, pour encourager des activités dirigées vers le règlement de la Crise. Au cours de cette rencontre, fut désigné un Comité pour qu'un contact soit établi avec le Secrétaire Général par Intérim de l'ONU, U Thant, et le persuader d'assumer le rôle de médiateur entre les parties.
L'OEA LEGITIME LE BLOCUS.
Pendant ce temps, dans la matinée de ce jour-là, l'Organe de Consultation de l'OEA s'était réuni, à la demande de Washington, pour discuter une résolution qui soutiendrait le blocus. Dans la soirée, celle-ci fut approuvé par 19 voix pour, personne contre et 1 abstention, celle de l'Uruguay. La résolution exigeait le démantèlement immédiat et le retrait des armes de capacité offensive de Cuba et recommandait que les Etats membres, en se basant sur les articles 6 et 8 du Traité de Rio, prennent les mesures individuelles et collectives, y compris l'usage de la force armée, pour éviter que Cuba puisse continuer à menacer la paix et la sécurité du continent.
Robert Kennedy raconte que « ce fut le vote de l'OEA qui donna une base légale au blocus. Sa volonté de suivre les directives des Etats-Unis (…) changea notre position de celle de hors-la-loi qui agit en violant la loi internationale à celle d'un pays qui agit en accord avec 20 alliés et protège légalement sa position. »
Cependant, le conseiller juridique du Département d'Etat, Abraham Chayes, déclara que Kennedy avait refusé de signer la proclamation et n'avait pas ordonné le blocus naval jusqu'à ce qu'un accord de l'OEA ait été obtenu, pour avoir, de cette façon, une base pour sa décision mais des spécialistes des questions juridiques contestèrent la mesure. Par exemple, Quincy Wright, professeur à l'Université de Colombia et vice-président honoraire de la Société Américaine de Droit International, déclara dans un séminaire qui s'est tenu en 1963 qu'il avait été malheureux que les Etats-Unis établissent la « quarantaine », parce qu'ils recouraient à une action unilatérale et de force qui ne correspondait pas avec leurs obligations envers la Charte de l'ONU, conformément à laquelle il fallait résoudre les différends par des moyens pacifiques et ne pas utiliser la force ou menacer de l'employer dans les relations internationales. Cette action, ajoutait Wright, était incompatible avec l'article 2, paragraphe 4, de la Charte de l'ONU et ne pouvait pas s'appliquer à l'URSS, par aucune des exceptions qui figuraient dans la même Charte ou par des traités ou par des résolutions de l'OEA. Cette dernière n'était valable que pour les Etats américains et non pour l'Union Soviétique. De plus, la « quarantaine » était contraire aux obligations des Etats-Unis, contractées en signant la Charte de l'ONU, de résoudre les différends internationaux par des moyens pacifiques (article 2, paragraphe 3) et de soumettre tous les différends non résolus au Conseil de Sécurité à d'autres organes de l'ONU (articles 35 et 37). Il est vrai que ce problème fut présenté devant les Nations Unies mais seulement après que l'action unilatérale ait été proclamée.
Au crépuscule, le président Kennedy envoya une nouvelle lettre à Khroutchëv, lui demandant de respecter le blocus établi légalement par vote de l'OEA et déclarant que les Etats-Unis ne désiraient faire feu sur aucun bateau soviétique et ajoutant, pour finir : « Il importe que nous soyons tous les deux prudents et que nous ne fassions rien qui soit susceptible de rendre le contrôle de la situation plus difficile qu'il ne l'est actuellement. »
A 18H, eut lieu une nouvelle réunion du Comité Exécutif du Conseil de Sécurité Nationale étasunien, pendant lequel on apprit qu'un nombre extraordinaire de messages chiffrés avaient été envoyés aux bateaux soviétiques qui se dirigeaient vers Cuba. Ensuite, furent discutées en détails les règles à suivre par la Marine pour intercepter un bateau marchand dans la zone du blocus, règles qui incluaient de leur tirer dessus, au timon et aux hélices, s'ils refusaient d'être inspectés. Le président était préoccupé par la question de l'abordage des navires, si les Russes opposaient une résistance, car il pouvait se produire un dur combat et de nombreuses pertes. Le secrétaire à la Défense déclara que dans ce cas, les bateaux ne devaient pas être abordés mais remorqués à Jacksonville ou à Charleston. Bien sûr, le président Kennedy demanda ce que nous ferions si après tout ce travail, on découvrait que les bateaux transportaient des aliments pour les enfants. Tous furent d'accord sur le fait qu'on devait seulement intercepter les bateaux qui transportaient de façon évidente, du matériel militaire.
Avec ces actions, le Gouvernement des Etats-Unis ignorait la Convention de Genève sur la Haute Mer, de 1958, souscrite aussi par ce pays, dans laquelle il est dit que : « ...un bateau de guerre qui rencontre un bateau de marchandises étranger en haute mer n'a pas le droit de le soumettre à une inspection. »
Plus tard, le directeur de la CIA informa que des sous-marins russes se dirigeaient vers les Caraïbes, c'est pourquoi le Président donna l'ordre à la Marine de donner la priorité à la localisation des sous-marins et d'adopter les plus grandes mesures de sécurité pour la protection des porte-avions et des autres navires.
A 19H06, le 23 octobre, le président Kennedy signa la dite « Proclamation 3504 », dans laquelle on déclarait que la « quarantaine » de Cuba serait effective à partir de 14 h le 24 octobre (heure de Greenwich). La « zone d'interception » des bateaux était fixée à la distance de 500 miles des côtes cubaines, ce qui était fait dans le but que les avions cubains ne puissent agir efficacement contre les bateaux de guerre nord-américains. A ce moment-là, se trouvaient dans l'Atlantique 21 bateaux avec des chargements du Ministère de la Défense de l'URSS. A posteriori, nous dirions que 5 d'entre eux arrivèrent sans encombres aux ports cubains pendant que les 16 autres rentraient aux ports de la Mer Baltique ou de la Mer Noire. Selon la « Proclamation 3504 », les matériels suivants étaient déclarés interdits : « Missiles sol-sol, avions bombardiers, bombes, missiles sol-air et missiles téléguidés, têtes nucléaires pour toutes les armes précitées, équipement mécanique ou électronique pour le soutien ou le fonctionnement des articles précités, et toute autre sorte de matériel qui serait dorénavant signalé par le secrétaire à la Défense dans le but de l'efficacité de ce Décret. »
(A suivre)
(traduction Françoise Lopez)