CRISE DES MISSILES 7: EN OCCUPANT LES POSITIONS

Publié le par cubasifranceprovence

Ruben G. Jimenez Gomez

Le 26 juillet 1962, arriva au port de Cabañas, le « Maria Oulianova », premier bateau chargé de troupes soviétiques. Pendant les 5 jours qui suivirent, 9 autres bateaux marchands arrivèrent avec le personnel, l'armement et les moyens techniques des unités du premier escadron ; sur l'un d'entre eux, le « Latvia », qui arriva le 29, se trouvait la plus grande partie de l'Etat Major du Groupement des Troupes Soviétiques (ATS), c'est pourquoi à partir de ce moment, cet état major se consacra pleinement à organiser la réception et le transport des troupes qui arrivaient à leurs régions de stationnement.

 

Quand arrivait un bateau avec des troupes, le groupe de réception, désigné par le chef de l'ATS, allait à sa rencontre avec le commandant du port sur un canot cubain. Ils précisaient le plan de déchargement avec le capitaine et le chef du convoi militaire, les officiers et les conducteurs se familiarisaient avec les règles et les particularités du mouvement de véhicules par les routes de Cuba. Le chef du convoi militaire recevait des indications sur l'ordre de concentration et de protection du matériel technique dans la zone portuaire, la réalisation du trajet et l'organisation de la protection de la colonne pendant le déplacement, après quoi le bateau se dirigeait vers le débarcadère.

 

Cependant, il faut dire qu'au début , il y eut des incompréhensions car on n'avait pas établi de mots de passe pour les capitaines des bateaux et les représentants de l'ATS. Il en résulta que les premiers se virent obligés de refuser d'accomplir les indications concernant le changement de direction des transports jusqu'à d'autres ports, car ils n'étaient pas certains que ceux de qui ils les recevaient étaient des représentants du commandement. On raconte même le cas du capitaine du « Jimik Zelinki » qui, alors qu' un radeau cubain avec à son bord le groupe de réception s'approchait , ne l'accepta pas à son bord mais mit les voiles et abandonna la barque en pleine mer. Par chance, ce problème fut éliminé rapidement et de semblables incidents ne se produisirent plus.

 

Le territoire des ports était vérifié soigneusement avant de commencer le déchargement des bateaux , et ensuite on montait la garde affectée par les Forces Armées Révolutionnaires (FAR) cubaines. La protection directe des bateaux était réalisée par le personnel des unités qui arrivaient. Les ports étaient protégés pour la partie maritime, par les points de feu des Cubains et certains étaient surveillés par des garde-côtes, on utilisait aussi des hommes-grenouilles qui vérifiaient périodiquement la coque des embarcations et le fond de la baie , pour éviter les sabotages à l'aide d'explosifs. Les moyens techniques et les chargements qui étaient semblables à des produits de l'économie nationale étaient déchargés pendant les 24 h de jour, alors que les missiles , les chars, les canons et les autres équipements techniques militaires étaient déchargés seulement la nuit.

 

Le temps moyen de déchargement des bateaux fut de deux à quatre jours. Le déchargement se faisait dans des endroits isolés des ports et de là à leur lieu de concentration, où ils attendaient le bon moment pour former les colonnes et partir vers les régions de stationnement. En fonction de l'éloignement de ceux-ci, du type de chars et du caractère des charges à transporter, les colonnes étaient composées de 15 à 30 chars.

 

Au début, tous les transports se faisaient avec des moyens de transport cubains , ensuite, quand arrivèrent les moyens de transport des unités soviétiques, tous les transports commencèrent à être réalisés avec ceux-ci. Il faut signaler qu'on désignait des représentants du commandement cubain pour aider à résoudre les problèmes qui se présentaient pendant la route, pour garantir la sécurité du transport dans les régions de stationnement et pour apporter la coopération nécessaire jusqu'à mettre les unités en position de combat. On désigna aussi des détachements de soldats pour la protection des caravanes et pour la défense des zones extérieures. Les représentants de l'Etat Major Général cubain avaient un grand pouvoir sur les autorités locales, les entreprises de construction et de réparation des voies et avec les unités des FAR qui apportaient une aide appréciable pour résoudre les difficultés. Il faut souligner que les relations de travail des chefs et des soldats cubains avec les Soviétiques se caractérisaient toujours par un sentiment de sympathie réciproque, ce qui créait une ambiance très positive. Les chefs cubains du grade le plus élevé séduisirent rapidement tous les Soviétiques.

 

Avant que les colonnes sortent des ports, des postes d'observation et des embuscades composés d'effectifs cubains et soviétiques furent mis en place tout le long des trajets. Pendant le déplacement des colonnes avec les charges les plus importantes, on fermait les routes dans les secteurs dangereux, et à cette occasion, elles étaient surveillées par des véhicules avec du personnel armé. Pour les trajets de plusieurs jours,on choisissait au préalable les endroits pour passer la journée, ceux qui étaient protégés soigneusement par des troupes cubaines qui faisaient semblant d'être en manœuvres. Le stationnement des colonnes dans des endroits peuplés n'était pas autorisé.

 

Dans certains cas, le personnel de l'ATS qui accompagnait les colonnes revêtait l'uniforme cubain. Pendant le trajet, tous les ordres étaient donnés en espagnol. Il était rigoureusement interdit de prononcer les noms des grandes unités et des unités, ainsi que des grades militaires, en particulier en présence d'étrangers. Les ordres et les dispositions étaient transmis personnellement, sous forme verbale, ou par les officiers de liaison.

 

J'ai ici aussi les premières impressions d'un soldat qui arriva à ce moment-là : « A l'arrivée, nous regardions avec curiosité ce monde nouveau qui semblait paradisiaque, plein de gazouillis d'oiseaux  ; ainsi que la décontraction de la population locale, comme filmée au ralenti. Il était difficile de croire que c'était la terre héroïque pour la liberté de laquelle des milliers de nos compatriotes étaient prêts à sacrifier leur vie. Sur le chemin jusqu'à notre point de stationnement, la force des couleurs nous surprit : nous vîmes des palmiers, des arbres inconnus de nous et une mer de fleurs, en plus de Cubains aimables de toutes les couleurs, depuis le blanc et le blond jusqu'au noir bleu. Les filles étaient extraordinairement jolies et il était étrange de voir les Cubaines avec les bigoudis bien mis. Les Cubains ne se préoccupaient pas des moustiques, ils étaient habitués et immunisés, mais nous, ils nous dévoraient tout crus, surtout après la pluie. Leur nombre était incroyable, on aurait dit qu'ils étaient là, à attendre les Russes . »

 

« Peu à peu, nous nous habituâmes à voir les soldats cubains dans leurs uniformes tropicaux verts olive, amidonnés et bien repassés, avec leurs bottes hautes et lacées qui brillaient comme des miroirs ».

 

Le 30 juillet, la presse des Etats-Unis divulgua des déclarations concernant Cuba du sous-secrétaire d'Etat pour les Sujets Inter-Américains , Edwin Martin, qui furent faites au cours d'une interview pour la revue US News and World Report. Parmi ces déclarations, nous citerons les suivantes :

 

« Il n'y a pas de doute que la politique des Etats-Unis cherche en premier lieu à isoler Cuba et à éviter qu'elle puisse avoir un impact sur le reste de l'Amérique Latine (…) En coopération avec l'OEA et d'autres organismes internationaux, prendre des mesures pour donner au peuple cubain l'occasion de choisir le gouvernement qu'il veut , celui dont nous sommes certains que ce ne sera pas le communisme de Castro (…) Nous souhaitons nous défaire de Castro et de l'influence communiste soviétique à Cuba . »

 

Début août, étaient déjà arrivés deux régiments de missiles antiaériens, un de missiles aériens FKR , un autre d'infanterie motorisé et celui de missiles de la défense côtière, qui se trouvaient tous initialement dans la région occidentale ; arrivèrent, de plus, diverses unités de sécurité et des unités continuaient à arriver.

 

Pour sa part, le Commandant Fidel Castro étudiait le Projet de Traité Militaire entre l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) et Cuba ; à ce sujet, il a déclaré :

« Quand j'ai reçu le texte de l'Accord, il m'a semblé qu'il était écrit dans un langage erratique, impolitique, il lui manquait du tact et du soin. Bien sûr, j'ai commencé à le retravailler de ma propre main ; comme c'était quelque chose de très secret, nous ne voulions pas utiliser de dactylos ni de sténos. Je le ré-élaborai pour lui donner plus de fondement, plus de solidité, pour le rendre meilleur du point de vue politique. Il ne veillait pas suffisamment sur la souveraineté du pays . » En plus des corrections, il proposait aussi 3 variantes de titres :

 

« Accord entre le Gouvernement de la République de Cuba et le Gouvernement de l'URSS sur la collaboration militaire pour la défense du territoire national de Cuba en cas d'agression. »

 

« Sur la participation des Forces Armées soviétiques à la défense du territoire national de Cuba en cas d'agression. »

 

« Sur la collaboration militaire et la défense mutuelle. »

 

Il faut dire que les corrections introduites furent instructives sur divers aspects. En premier lieu, pour la minutie avec laquelle on maintenait les positions de principe de la Révolution Cubaine dans ce document d'une importance capitale pour les relations internationales de l'Ile ; ensuite, le souci d'éclaircir quelque doute que ce soit en ce qui concerne le respect de la souveraineté et de l'indépendance du pays et, pour finir, on faisait part de la vision politique que le Gouvernement de La Havane avait depuis le début du processus et qu'il maintint tout au long de celui-ci.

 

A cette époque, les mesures mises en route pour garantir le caractère secret de l'Opération étaient toujours pleinement en vigueur , celles qui avaient permis de conserver secrète son envergure ainsi que la quantité et la composition des troupes qui arrivaient. Il faut signaler qu'une de ces mesures était très impopulaire : l'interdiction de correspondre avec sa famille pendant la première étape du stationnement des troupes à Cuba. Elle était mal supportée par les soldats et les officiers bien qu'elle ait contribué à conserver le secret. Evidemment, malgré toutes les mesures prises, l'apparition d'une nouvelle technique militaire et d'un personnel inhabituel, ainsi que les difficultés qui se présentèrent pour le camouflage ne permirent pas de cacher complètement les troupes qui arrivaient. Des faits fragmentaires commencèrent à filtrer rapidement avec l'aide de la contre-révolution cubaine clandestine jusque dans les milieux de l'émigration et à travers ceux-ci, aux départements nord-américains correspondants.

 

Nous devons dire que depuis les premiers temps , on payait au personnel un salaire double en roubles et, sur cette somme, on leur remettait une petite partie en monnaie cubaine. Il est également juste de signaler que dans ces premiers moments, tout le personnel se trouvait dans un vide informatif : on entendait Radio Moscou avec beaucoup d'interférences ou on ne l'entendait pas, on ne comprenait pratiquement pas les journaux ni les émissions de radio en espagnol, et en plus le commandement suprême ne donnait pratiquement aucune information et on ne recevait pas les journaux d'URSS. Par chance, passé un certain temps, la direction politique de l'ATS commença à éditer un bulletin d'information qui était distribué dans les unités et les petites unités. Mais il y eut une autre déficience qui, si elle persista longtemps, eut pour résultat l'ironie qu'on avait beaucoup gaspillé pour transporter à Cuba une énorme quantité de matériel technique militaire complexe et plusieurs dizaines de milliers d'hommes, et cependant, il n'y avait presque pas de traducteurs. Par exemple, dans toute la division aérospatiale, qui arriva à compter pas moins de 10 000 hommes et dont les régiments avaient été déplacés dans les provinces de Pinar del Rio et de Las Villas avec le commandement, l'Etat Major et le magasin central de charges nucléaires dans la province de La Havane, il n'y avait qu'un traducteur à l'Etat Major, qui était stationné à Bejucal, l'antique Cité des Enfants du père Testé.

 

Le 8 août 1962, l'Assemblée des Chefs d'Etat Major et le Département de la Défense des Etats-Unis transmirent au Groupe Spécial Elargi (GEA), un document intitulé « Conséquences d'une intervention militaire des Etats-Unis à Cuba », pour que soit prise en compte dans la discussion l'adoption d'une des alternatives proposées par le général Lansdale le 25 juillet . Deux jours plus tard, le GEA décida de faire au président Kennedy la proposition d'approuver la variante B Elargie pour essayer de créer les conditions d'une subversion généralisée qui provoquerait la crise interne à Cuba tant attendue, ce qui établirait les bases d'une possible agression militaire de l'Ile . Cette Variante B Elargie n'était rien de plus qu'un truc , car cette alternative n'envisageait pas à l'origine l' agression militaire directe, c'est pourquoi on lui avait ajouté la dénomination d' « élargie » dans le but de l'inclure, en dernier lieu et si les circonstances le demandaient.

 

Précisément ce 10 août, le directeur de la CIA, John McCone, envoya un mémorandum au président Kennedy, dans lequel il expliquait qu'il croyait que les Soviétiques déploieraient des missiles balistiques de moyenne portée à Cuba. Monsieur le Directeur n'était pas déconcerté car ce même jour et très loin de lui, commençaient les opérations de chargement des convois ferroviaires qui commençaient à transporter le premier régiment de la division aérospatiale , équipé de missiles de moyenne portée et de portée intermédiaire, qui serait envoyé à Cuba. Le chargement à transporter pour un seul régiment aérospatial était de l'ordre des 11 000 tonnes ; pour réinstaller un régiment et une base technique aérospatiale , on avait besoin de 19 convois ferroviaires et pour leur transport par mer, il manquait 5 bateaux marchands et 1 de passagers.

 

Quand les unités arrivèrent sur leur lieu de stationnement , on leur donnait trois missions fondamentales : préciser ce qui était en rapport avec l'utilisation de leur armement dans le combat, préparer les positions pour les actions de combat et construire les campements militaires.

 

En premier lieu, on construisit les positions de lancement et techniques des missiles antiaériens, les missiles aériens tactiques FKR et les complexes de missiles côtiers « Sopka » lorsque ces unités arrivaient. Les groupes aérospatiaux antiaériens et les groupes techniques s'installaient sur des positions temporaires depuis celles qui garantissaient la disposition de combat permanent, ensuite commençait la construction et l'équipement des positions fondamentales , ce qui se prolongeait pendant 10 à 12 jours pour chacune et incluait les emplacements pour les rampes de lancement et les abris pour les batteries de radio, les radars et le personnel. Les régiments de missiles FKR se concentraient sur une base permanente et préparaient des positions de lancement dans les différentes directions où il pouvait y avoir des actions de combat ; le personnel des missiles côtiers préparaient aussi leurs positions de lancement.

 

Il faut signaler que tous ces travaux se déroulaient en maintenant les forces physiques et spirituelles des combattants dans une tension extrême, en travaillant sur un terrain rocheux, qui était celui qui prédominait et rendait les opérations difficiles, dans des conditions de chaleur et d'humidité et avec des pluies fréquentes et abondantes. Simultanément se construisaient les voies d'accès et les chemins internes aux emplacements, on ouvrait des tranchées et on était près de fils de fer barbelés ;on prêtait un grand soin à la pose d'obstacles et de barrières et à l'organisation de la défense autour des emplacements, car on n'écartait pas la possibilité d'avoir à lutter contre des groupes de saboteurs et de reconnaissance, ainsi que contre d'éventuelles attaques de groupes contre-révolutionnaires.

 

Bien que les unités de la division aérospatiale stratégique ne soient pas encore arrivées, on travaillait intensément à la préparation de leurs lieux de stationnement , ceux qui avaient été sélectionnés pour les trois régiments de missiles de moyenne portée (CAM) au nord de Santa Cruz de los Pinos-San Cristobal-Candelaria, province de Pinar del Rio (deux régiments), et à Sitiecito-Calabazar de Sagua, province de Las Villas (un régiment), pendant que les deux régiments de missiles de portée intermédiaire (CAIM) se trouvaient à Guanajay (plateau de l'Esperon) , province de Pinar del Rio, et Remedios-Zulueta, province de Las Villas.

 

Les équipes des FAR cubaines furent affectés avec ceux qui construisaient les nouvelles voies à toutes les zones de stationnement et amélioraient les chemins existant. De plus, on prêtait une attention particulière à l'état des ponts, petits et grands , de sorte qu'ils soient préparés pour le passage du lourd matériel technique aérospatial. Si on ne pouvait pas les renforcer où il fallait, on préparait des gués dans les environs, en renforçant les côtes et en pavant les lits des cours d'eau.

 

On réalisa aussi une reconnaissance détaillée des ports et on sélectionna ceux de Mariel et de Bahia Honda pour les régiments de la région occidentale , celui de Casilda pour ceux de la région centrale, et celui de Matanzas pour l'état major de la division aérospatiale et ses unités de sécurité.

 

CAMPEMENTS ET CONDITIONS.

 

En même temps, on préparait les campements pour le personnel. En tenant compte des propriétés du sol rocheux et des pluies fréquentes qui rendaient extrêmement difficile la construction rapide d'un nombre suffisant de refuges sous-terrains , on décida d'aménager les campements en commençant par utiliser, en particulier, des tentes de campagne.

 

Hormis la menace militaire toujours présente, l'environnement physique était vraiment hostile. Au début, les campements n'avaient aucune commodité d'aucune sorte et étaient un mélange de tentes de campagne, de remorques métalliques et de bois transformés en logement . On pouvait difficilement déterminer ce qui était le pire. Dans les tentes de campagne, pendant la journée, la chaleur était suffocante, même quand les bâches latérales étaient enroulés jusqu'au bout ; l'atmosphère à l'intérieur était simplement insupportable. Tandis que les remorques se réchauffaient tellement avec le soleil qu'elles étaient inhabitables même la nuit, quand il fallait se réfugier quelque part pour se protéger des essaims de moustiques . A cette heure-là, les remorques ressemblaient à des fours et dans les tentes de campagne , il n'y avait pas un souffle d'air , parce qu'on baissait les bâches latérales . De plus, les pluies fréquentes et abondantes inondaient tout, trempant les chambres, les vêtements et le sol, rendant impraticables les zones rurales dans lesquelles les stationnements des unités se trouvaient. Les gens étaient très affectés par les températures et l'humidité élevées ( cette dernière provoquait une transpiration terrible), ainsi que par les piqûres des insectes ; de plus , les plants de guao leur provoquaient des plaies sur la peau et de la fièvre s'ils entraient en contact avec eux. La nuit, il fallait dormir avec une moustiquaire pour échapper aux moustiques , mais dessous, la chaleur était infernale, c'est pourquoi beaucoup mouillaient les draps avant de se coucher bien que ceux-ci se détérioraient aussi rapidement que les matelas, mais cela améliorait un peu la situation pendant un moment, pendant qu'ils essayaient de trouver le sommeil. De toute façon, dans ces conditions, pendant le repos nocturne, le personnel n'avait pas le temps de réparer les dégâts physiques de la veille , c'est pourquoi la fatigue allait en s'accumulant. A cela s'ajoutait l'éloignement de son pays et la sensation latente d'être séparés de leur pays natal par un océan immense, l'interdiction de correspondre avec la famille et les amis, l'absence de journaux et la pénurie d'informations en général, en particulier pendant les premières semaines , l'attente du début des actions de combat à n'importe quel moment , dans un endroit où ils n'auraient nulle part où se réfugier et étaient pratiquement certains de ne pas survivre.

 

Tout cela ajouté aux échanges fréquents de coups de feu, non habituels pour eux, et à l'explosion de grenades dans des zones proches des unités, provoquées par des groupes ou des bandes contre-révolutionnaires ou par des confusions de la part du personnel qui montait la garde, en particulier la nuit ; passer la nuit dans des campements entourés de fils de fer barbelés et par des sentinelles de toute part. Même si ce n'était pas grand-chose, dans beaucoup d'unités, la pénurie d'eau potable ou d'eau en général, était aiguë.

 

Les conditions de cantonnement en campagne et aussi les particularités du climat se reflétaient sur la qualité de l'alimentation, l'état de santé et l'hygiène du personnel. En partant vers Cuba, les unités furent approvisionnées avec des produits alimentaires pour 45 jours ; cependant, beaucoup d'entre eux se détériorèrent rapidement sous l'influence de la température et de l'humidité : les céréales et les pâtes alimentaires devenaient poisseuses, la viande et le poisson séchés étaient affectés par la moisissure, ainsi que le pain ; les boîtes de beaucoup de conserves, en particulier de viande, de poissons et de produits laitiers se gâtaient, le chou aigre fermentait , le beurre fondait et même les cigares se détérioraient. Une des causes de détérioration massive des produits alimentaires résidait en ce que les unités n'avaient pas assez d'équipements de réfrigération pour les conserver.

 

A tout cela, il faut ajouter que pendant les premières semaines de séjour des troupes à Cuba, une situation sanitaire et épidémiologique défavorable se créa. Presque toutes les unités furent affectées par la dysenterie, et dans quelques cas , jusqu'à 40 à 50% des militaires passèrent par les hôpitaux de campagne. La vague de maladies aurait pu être liquidée au moyen du contrôle de l'état sanitaire existant dans les cuisines et les salles à manger, de la qualité des sources d'eau et de l'hygiène personnelle des militaires.

 

Cependant, indépendamment des circonstances adverses, l'esprit combatif, la discipline et la volonté du personnel étaient très élevés. Le personnel travaillait jusqu'à l'épuisement , en supportant de grandes surcharges physiques et accomplissait bien ses fonctions , sans que se produisent de manifestations de panique ni d'états dépressifs. En général, les chronogrammes établis pour mettre les unités en position de combat s'accomplissaient.

(A suivre)

(traduction Françoise Lopez)