"LES MENSONGES QUI TUENT" DANS A REALITE
Par Raùl Cazal
Caracas, 20 août AVN – La fiction est l'arme idéologique qu'utilise Hollywood pour que rien ne change aux Etats-Unis. Ses films montrent un pays qui est victime d'agressions étrangères ou extra-terrestres, de monstres – pas du tout mythologiques – et de catastrophes naturelles. Quand les personnages sont des agresseurs ou des envahisseurs, ses « héros » ont une justification : « la démocratie » et « la liberté ».
Il existe des histoires dans lesquelles il est difficile de déterminer qui est le héros. C'est le cas de Wag the Dog, dirigé par Barry Levinson et joué par Dustin Hoffman et Robert de Niro. Avec la participation de ces stars – qui ont fait de bonnes recettes – nous pourrions nous aventurer à dire que l'un est le mal et l'autre le bien. Mais ce n'est pas aussi facile quand la base de l'histoire est la construction d'un mensonge.
Le titre du film fait partie d'une expression familière qui est expliquée en détails après la présentation du générique : « Pourquoi le chien remue la queue ? Parce que le chien est plus intelligent que la queue. Si la queue était plus intelligente, elle bougerait le chien. »
«Faire bouger le chien » est la traduction littérale de « Wag the dog ». Dans certains pays d'Amérique Latine, il a été exploité sous le titre « Mensonges qui tuent » ou « Scandale à la Maison Blanche », en Espagne, sous le titre « Le rideau de fumée » et sa publicité l'a présenté comme « une comédie sur la vérité, la justice et autres effets spéciaux ».
C'étaient les années dans lesquelles internet était à peine à ses débuts et les effets spéciaux produits avec la nouvelle technologie généraient de la surprise et de l'admiration quand on découvrait en détails le processus de manipulation.
« Wag the dog » raconte l'histoire de l'engagement d'un super producteur de cinéma pour monter une guerre et ainsi sauver le prestige du Président des Etats-Unis qui est en campagne pour sa réélection. Ils inventent une guerre civile en Albanie et les Etats-Unis doivent intervenir pour sauver un compatriote attrapé par le régime. Il y a des chansons, des manifestations et un état de ferveur patriotique. Les citoyens implorent le Gouvernement de sauver le soldat, qui est finalement un assassin psychopathe détenu dans une prison de très haute sécurité. Les médias ont transformé une réalité à partir d'un mensonge pour des gens habitués à prendre pour argent comptant tout ce que l'industrie des médias lui montre.
L'ère des guerres.
Le cinéma étasunien, chaque fois que son gouvernement va entreprendre une croisade militaire met auparavant ses ennemis sur les écrans. Dans les films « inoffensifs » comme ceux de James Bond – pour n'en citer qu'un – nous pouvons détecter qui sont les futurs ennemis des Etats-Unis, bien que l'agent 007 soit un fidèle serviteur de la reine d'Angleterre et que la production soit anglo-saxonne.
En d'autres occasions, la réalité devance les débuts du film, comme ce fut le cas pour Dommage Collatéral, dont après l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center,on dut repousser la première, parce que personne ne croirait que le pompier Arnold Scharzenegger éviterait que des Colombiens fassent sauter un édifice. Ils s'étaient trompés d'ennemi mais pas d'édifice.
« Wag the dog » apparaît après que Bill Clinton ait gagné l'élection pour son second mandat et avant le scandale que suscita Monica Lewinsky et la participation des Etats-Unis, comme leader de l'OTAN, au bombardement du Kosovo. Tous les éléments de la fiction furent dépassés dans la réalité.
Certainement, parce qu'il existait d'éventuelles certitudes que la fiction soit la scène de la réalité étasunienne, dans les prix Globo de 1997, le film fut seulement mentionné comme candidat à la meilleure comédie, au meilleur acteur de comédie (Hoffman) et au meilleur scénario ; alors qu'Hoffman obtenait à nouveau l'Oscar du meilleur acteur et du meilleur scénario adapté de Hilary Henquin et David Mamet pour le roman Anericain Hero (Un héros américain), de Larry Beinart.
Ce fut l'année des prix pour « Mejor, impossible » (Jack Nicholson et Helen Hunt) et « Good Will Hunting » (avec Matt Damon, Robin Williams et Ben Affleck). Cependant, le metteur en scène Levinson avait déjà une carrière cinématographique significative, dans laquelle se détache « Buenos Dias, Vietnam » (« Bonjour Vietnam », 1987) dans lequel jouait comme acteur principal Robin Williams. Ce film n'avait pas demandé l'aide du Pentagone parce que ses producteur, Touchstone Pictures (filiale de Disney) savaient qu'on ne la leur donnerait pas.
« Nous ne demandons pas d'aide militaire. Nous savions que le scénario serait entaché d'antimilitarisme et que jamais le Pentagone ne nous accorderait sa collaboration », a raconté une source digne de foi à l'auteur d' « Opération Hollywood : La censure du Pentagone », David L. Robb. Le film fut tourné en Thaïlande et a reçu l'aide des Forces Aériennes de ce pays en échange d'un pot-de-vin.
« Les choses se sont faites sous la table. Il y a des façons officielles et extra-officielles de faire les choses. Nous avons obtenu qu'ils nous fournissent un tas d'hélicoptères étasuniens. Et pour cela, nous devions effectuer une série de paiements en liquide, ce qui heurtait de front la politique de Disney », a révélé la source qui a décidé de rester anonyme.
Le scénariste David Mamet aussi avait une trajectoire digne d'être mentionnée : « Le facteur sonne toujours deux fois » (1981), « Les intouchables » (1987) et « Hoffa » (1992). Après « Wag the dog », il écrivit « Ronin » et avec Steven Zaillian, « Hannibal » (2001). L'acteur William H. Macy le considère comme un écrivain incorruptible capable de réécrire les œuvres de William Shakespeare.
Le film de Levinson compte parmi ses références, D.W. Griffith, metteur en scène de « La naissance d'une nation » (1915) qui était chargé de recevoir les images de la Première Guerre Mondiale mais, en plusieurs occasions, dramatisa les scènes de batailles et laissa de côté les vraies.
Priorités imposées.
La guerre et les rumeurs vont la main dans la main. Pour cela, « Wag the dog » présente un intérêt particulier en tenant d'analyser les événements politiques. Le montage et la manipulation est une des premières caractéristiques des invasions actuelles, et aussi de celles du passé .
Prenons par exemple le président des Etats-Unis, George W. Bush balbutiant un discours en septembre 2001, monté sur les décombres des tours jumelles. Un des présents lui crie : « On ne vous entend pas ! » Le président se retourne et lui dit : « Alors, le monde nous écoutera ». Le dialogue fut sans doute préparé - transmis en direct par CNN et d'autres chaînes de télévision de ce pays – et devint la déclaration de guerre à un fantasme créé par celles-ci – « le terrorisme » - qui a amené à envahir les peuples d'Afghanistan et ensuite d'Irak. Sur ce dernier pays courraient des rumeurs disant que le gouvernement de Saddam Hussein avait des armes de destruction massive (nucléaires, chimiques et biologiques) et le Président se montra sur un bateau et accompagna les soldats le Jour d'Action de Grâce. Les armes de destruction massive n'étaient pas certaines et le paon était en toc.
Les médias hégémoniques se firent l'écho d'une guerre sans vérifier ce qui se cachait derrière elle. Vous, lecteur, suspectez que c'est pour le pétrole, que ce fut une guerre pour s'approprier les réserves de l'Irak. Alors bien, cela, les journalistes ne le suspectèrent jamais.
La seule réalité fut l'invasion et la mort que laissa derrière elle la croisade du Gouvernement des Etats-Unis contre ce qu'il considérait comme « l'axe du mal ».
« Les mensonges qui tuent » montre une société politique étasunienne corrompue capable de produire une guerre, de construire un candidat ou un président, d'utiliser les médias et les journalistes qui ne sont pas capables de vérifier l'information, encore moins d'enquêter sur ce qu'ils ne savent pas. De cette façon, ils influencent le public pour qu'il ait une opinion sur un thème déterminé. Aussi bien Levinson que Mamet prennent une chaire d'opinion publique avec une histoire fictive que l'on pourrait réduire à cette phrase : « Ce que tu penses est ce que pensent les pouvoirs factuels ».
Sur ce principe, on travaille avec la production de priorités (agenda setting), un des thèmes qui sont étudiés en matière d'opinion publique et montre comment , à travers les médias, s'imposent des sujets que le citoyen finit par discuter. C'est pour cela que « Wag the dog » fut exploité en Espagne sous le titre « Le rideau de fumée », plus direct, dans le but de le présenter au public pour qu'il pense ce qu'il faut voir dans ce film.
Mais pour imposer un thème, il faut le produire et derrière lui, il y a un système imbriqué pour générer une vérité officielle, un mensonge répété dont les gens finissent par croire qu'il est la vérité. Et ils le croient, non seulement à cause de la répétition constante à travers tous les médias mais parce que les fils invisibles avec lesquels on maintient ce mensonge sont pratiquement impossibles à démonter si ceux qui l'ont reçu comme une information valable ne sont pas capables de faire une lecture critique ou du simple fait de douter.
C'est pour cela que « Wag the dog » te convainc que ce que tu vois est la réalité, parce que la manipulation si sophistiquée avec laquelle ils ont réussi à produire l'empire étasunien avec son industrie culturelle finit par se refléter dans la réalité. Et finalement, les mensonges tuent.
Raùl Cazal AVN 20/8/13
(traduction Françoise Lopez)