Cuba : MULTIPLES REPONSES CONTRE LE CANCER
Par Ivet Gonzalez
La Havane, 2 octobre - Un horizon d'espoir s'ouvre pour les patients atteints d'un cancer détecté à temps tandis que les cas diagnostiqués tardivement continuent à avoir des possibilités limités de guérison.
« A cause de cela, la réponse au cancer doit être intégrale », assure la bio-chimiste cubaine Adriana Carr, à propos de ce qui constitue la première cause de mort à Cuba depuis 2012 et un problème croissant en Amérique Latine et dans les Caraïbes, où on pourrait atteindre 1 million de décès par an en 2030.
Carr, du Centre d'Immunologie Moléculaire (CIM), le leader de la bio-technologie cubaine en ce qui concerne les produits contre le cancer, a conversé avec IPS à propos du rôle de la prévention, de la détection précoce et des thérapies de dernière génération pour la maladie fatale.
IPS : Comment l'industrie bio-pharmaceutique cubaine répond-elle à l'incidence actuelle du cancer ?
ADRIANA CARR : La priorité est de développer des moyens de diagnostic et d'améliorer les conditions de travail pour la détection précoce du cancer. Les pays qui ont réussi à diminuer les morts l'ont fait de cette façon.
L'industrie bio-pharmaceutique cubaine poursuit quatre stratégies pour perfectionner le diagnostic des tumeurs du colon et du rectum, de la prostate, du sein et du col de l'utérus, les plus fréquentes dans le pays et qui peuvent être détectées à temps.
Le but principal est d'amener beaucoup plus à la communauté les équipements et le personnel spécialisé pour réaliser des examens comme la mammographie et les examens de sang caché dans les selles (qui révèle un problème au colon ou au rectum).
IPS : Quelles autres difficultés comprend cette réponse ?
AC : Il s'agit de nouveaux produits pour augmenter le confort du patient soumis aux traitements conventionnels qui provoquent de nombreux effets indésirables.
C'est aussi une ligne stratégique, que de fabriquer des bio-similaires à ceux obtenus dans d'autres pays (dont le brevet est devenu caduc), parce que les acheter à l'étranger pour toute la population cubaine concernée coûte très cher.
Bien sûr, c'est l'obtention de médicaments bio-technologiques sûrs avec des effets anti-tumoraux.
IPS : Pourquoi est-il difficile de traiter les tumeurs avancées ?
AC : Le comportement de la maladie complique les traitements et la recherche de nouveaux médicaments.
On connaît plus de 200 sortes de tumeurs. Beaucoup sont prévisibles et détectables à temps mais d'autres non.
De plus, on a trouvé sur un même patient des tumeurs avec des caractéristiques différentes une fois que les métastases sont apparues (prolifération de la maladie dans le corps).
IPS : Quelles thérapies et mises au point récentes sont les plus efficaces contre le cancer ?
AC : Une fenêtre très prometteuse s'est ouverte avec l'immunothérapie qui stimule ou affaiblit le système immunologique pour affronter le cancer.
On a obtenu des vaccins thérapeutiques et des anticorps monoclonaux (substances produites en laboratoires, qui s'unissent aux cellules cibles spécifiques à la surface d'une cellule cancérigène) qui améliorent la qualité de vie et augmentent sa durée.
Ce sont les éléments les plus récents des combinaisons thérapeutiques, la forme actuelle et plus personnalisée des traitements oncologiques. Grâce à ces mises au point, on vit une évolution mondiale dans le traitement du cancer.
IPS : En quoi consistent les combinaisons ?
AC : Aujourd'hui, on obtient une meilleure survie quand on prescrit plusieurs des options existantes, comme la chimio, la radio, la thérapie hormonale et l'immunothérapie.
Pour cela, on a besoin de savoir beaucoup de choses sur l'impact spécifique des unions entre l'immuno et la chimiothérapie, par exemple.
D'une certaine manière, l'apport des vaccins thérapeutiques et des anticorps monoclonaux a un peu élargi l'éventail de traitements pour les cancers avancés.
IPS : Pouvez-vous donner un exemple ?
AC : Le CIM a le Nimotuzumab (anticorps monoclonal humanisé) qui peut être utilisé longtemps à cause de sa basse toxicité.
Il a été très efficace en améliorant l'espérance de vie des patients avec des tumeurs cérébrales, de la tête, du cou, de l' œsophage et du pancréas.
Un étude menée par des médecins, que nous réalisons en Italie, sur 20 enfants avec des néoplasies cérébrales, fait ressortir que la combinaison de l'anticorps avec la chimio et la radiothérapie obtient 50% de survie à deux ans. Le traitement conventionnel apporte seulement 5%.
IPS : Mais les médicaments à partir de l'ingénierie génétique sont très chers...
AC : Découvrir un nouveau médicament est aujourd'hui très coûteux parce qu'il faut accomplir des protocoles rigoureux.
Les produits les plus nouveaux élèvent le coût du traitement mais dans l'option de stabiliser les tumeurs pour plus longtemps. Malheureusement, beaucoup sont inaccessibles pour le monde en développement et une bonne partie de la population des pays riches. Augmenter l'accès à ces médicaments constitue un défi pour les systèmes de santé globaux.
Dans le cas de Cuba, on garanti aux patients ceux qui sont produits ici.
IPS : Dans quels domaines d'actions thérapeutiques limitées travaille le CIM ?
AC : Nous avons dans les différentes étapes d'essais des produits pour le pancréas et l'estomac, le mélanome (peau) et le sarcome (dans les cellules du tissu conjonctif) qui n'ont pas de traitement ou dont les traitements sont très limités.
Nous travaillons aussi sur le poumon, un des carcinomes les plus mortels et les plus fréquents, qui continue à être dans une situation thérapeutique précaire bien que le CIM ait enregistré les vaccins CIMAVAX-EGF et Vaxira pour les tumeurs à grosses cellules.
IPS : Combien de patients cubains bénéficient-ils des médicaments du CIM ?
AC : Plus de 7 000 patients cubains atteints de cancers ont été inclus, en 2012, dans des essais cliniques, alors qu'environ 2 500 malades reçoivent nos produits à travers le système de distribution cubain de médicaments.
Aujourd'hui, nous réalisons plus de 60 essais cliniques à Cuba et 17 à l'étranger, dont 5 sont multinationaux. A ces derniers participent le Mexique, l'Indonésie, Cuba, Singapour, l'Argentine, l'Uruguay et le Brésil (2013).
(traduction Françoise Lopez)