INTERVIEW DE Noslen Ocaña, TROISIEME SECRETAIRE DE L'AMBASSADE DE Cuba EN France
Réalisée par Françoise Lopez, le 12 octobre 2013 à Salon-de-Provence.
Françoise Lopez : Nous sommes au mois d'octobre et, comme chaque année, la résolution présentée par Cuba sur « la nécessité de lever le blocus de Cuba » va être soumise au vote à l'ONU. Les discussions sur ce sujet ont déjà commencé au cours de la 68° période de sessions de l'Assemblée Générale. De nombreux pays ont déjà plaidé en ce sens et chaque année, le vote qui a lieu sur ce sujet se rapproche un peu plus de l'unanimité.
Espérez-vous que cette résolution, votée à une écrasante majorité depuis plus de 20 ans, soit enfin appliquée ?
Noslen Ocaña : Sur ce sujet, on espère, comme toutes les années, un vote écrasant. Nous sommes conscients du grand soutien de la communauté internationale pour la résolution cubaine. Chaque fois, pendant la période de discussion à l'Assemblée Générale, il y a plus d'interventions de chefs d'Etat et de Gouvernement pour demander l'élimination du blocus de Cuba.
Malgré le grand appui international, on n'espère pas l'application de cette résolution car les projet votées à l'Assemblée Générale sont seulement des recommandations.
Le seul organe des Nations Unies dont les décisions ont un caractère contraignant, c'est le Conseil Permanent de Sécurité qui est composé par les Etats-Unis le Royaune Uni, la Russie, la Chine et la France.
L'organe le plus représentatif et le plus démocratique, c'est l'Assemblée Générale mais les décisions qu'on prend dans ce cadre, approuvées par la grande majorité des pays, ne sont pas contraignantes. Elles constituent seulement des recommandations. C'est ça qui détermine l'ordre international antidémocratique et injuste qu'on peut apprécier aujourd'hui dans le système des Nations Unies.
Françoise Lopez : Le commerce extérieur de Cuba est particulièrement affecté par le blocus et on lui reproche souvent son application extra-territoriale. Comment cela se traduit-il ?
Noslen Ocaña : On peut dire que tous les secteurs de l'économie cubaine sont affectés par le blocus. Il y a une persécution envers les transferts d'argent vers Cuba et depuis Cuba. Depuis l'entrée en vigueur du blocus, Cuba a perdu plus de 1 557 327 000 000 dollars. Avec l'administration Obama, on peut dire que l'application extra-territoriale s'est renforcée .
Les entreprises qui font du commerce avec Cuba continuent d'être menacées . Les entreprises étrangères ne peuvent pas vendre à Cuba un produit qui comprend plus de 10% de composants étasuniens.
Je vais vous montre des exemples:
Le Conseil Latino-américain des Eglises avait préparé au mois de mai 2013 sa VI° Assemblée Générale mais cette réunion a dû être reportée plusieurs fois parce que le Département du Trésor des Etats-Unis avait bloqué les fonds nécessaires à cette initiative. C'est une position hypocrite parce qu'en même temps, le gouvernement des Etats-Unis déclare toutes les années qu'à Cuba, il n'y a pas de liberté religieuse et on a vu comment ils ont essayé d'empêcher la réalisation de cette initiative à Cuba.
Un autre exemple sur l'application extra-territoriale du blocus. Une amende de 8 571 634 dollars a été imposée à la banque japonaise Tokio-Mitsubushi UFJ pour avoir réalisé des transferts de fonds vers Cuba.
Françoise Lopez : Y a-t-il eu des changements dans les relations de la France avec Cuba après l'élection de François Hollande ?
Il y a des échanges réguliers entre Cuba et la France. Au mois de janvier, Cuba a reçu la visite du Président du Sénat, Jean-Pierre Bel. Il y a des échanges au niveau économique qui sont déjà traditionnels. La France a voté chaque année en faveur de la résolution cubaine contre le blocus aux Nations Unies. Il y a aussi des accords entre le ministère cubain des relations extérieures et le ministère français des affaires étrangères qui permettent des échanges réguliers de délégations et un dialogue politique permanent dans un cadre de respect mutuel.
Françoise Lopez : Un autre sujet qui préoccupe particulièrement Cuba est le sort des 5 Héros cubains injustement détenus aux Etats-Unis depuis plus de 15 ans. La mobilisation internationale s'intensifie mais 4 des 5 sont toujours en prison. Où en est cette affaire actuellement?
Noslen Ocaña : Les 5 sont des combattants antiterroristes qui ont empêché l'exécution d'attentats à Cuba contre le peuple cubain. Le procès a été conduit au profit d'une petite minorité de la communauté cubano-américaine installée à Miami. Il y a des preuves que le Gouvernement américain a payé des journalistes pour créer une ambiance défavorable aux accusés pendant le procès. La famille des 5 continue à avoir des difficultés pour leur rendre visite et on a parfois des problèmes pour qu'ils reçoivent les visites consulaires auxquelles ils ont droit. La violation des droits des condamnés continue.
Il y a une forte mobilisation internationale : 10 Prix Nobel ont manifesté leur soutien à la libération des 5, des personnalités politiques, des chefs d'Etat, des députés, ont aussi manifesté leur soutien à cette cause. Les 5 Cubains n'étaient pas des espions. Pour faire de l'espionnage, il faut s'infiltrer dans les institutions du Gouvernement. Les 5 ont infiltré des groupes de Cubains radicaux qui planifiaient des attentats contre Cuba et non le Gouvernement ou les institutions de sécurité étasuniens. On n'ose pas imaginer que ces groupes mafieux puissent avoir un rapport quelconque avec le Gouvernement des Etats-Unis.
Françoise Lopez : Une Place des 5 de Miami a été inaugurée la mois dernier sur la Fête de l'Humanité, à Paris. Quelle est, selon vous, l'importance de cet événement ?
Noslen Ocaña : C'est une très bonne initiative pour faire connaître le cas des 5. Je voudrais profiter de cette question pour remercier Cuba Si France et le Parti Communiste Français pour avoir concrétisé cette idée. Nous savons que la Fête de l'Huma est très connue et très visitée chaque année. La grande majorité de la population française ignore tout des 5 et du procès injuste qui les a conduits en prison. Cette initiative a été une bonne opportunité pour les faire connaître du grand public.
Françoise Lopez : Fidel Castro a déclaré lors de la mort du Président Hugo Chavez que Cuba avait « perdu son meilleur ami ». Quelles sont actuellement les relations de Cuba avec le Venezuela ? Est-ce que quelque chose a changé et quoi?
Noslen Ocaña : Le niveau de relations entre Cuba et le Venezuela reste excellent. La coopération bilatérale continue, les médecins cubains et tous les projets pour le développement social continuent à s'appliquer. Il existe une relation spéciale avec le Président Nicolas Maduro et des liens très forts crées par Chavez et Fidel. Il est vrai que Chavez avait une force très particulière et un lien sentimental avec Cuba et le peuple cubain et cela sera irremplaçable mais on continue à travailler ensemble et à concrétiser les rêves de Chavez qui sont aussi les nôtres et les projets du président Maduro.
Françoise Lopez : On nous pose beaucoup de questions sur le traitement du cancer mis au point par Cuba et en particulier, beaucoup de gens veulent savoir si les patients français peuvent se procurer le Cimavax. Cela est-il possible et comment ?
Noslen Ocaña : Cuba a avancé dans l'industrie bio-technologique et sur le plan des médicaments contre le cancer mais, bien évidemment, tous ces médicaments ne peuvent pas être prescrits dans tous les cas. Chacun a une utilisation bien spécifique. On ne peut pas se procurer le Cimavax en France car il n'est pas enregistré dans ce pays. Pour bénéficier d'un traitement avec ce médicament, il faut tout d'abord faire effectuer des tests cliniques par des spécialistes à Cuba pour déterminer si le cas en question peut bénéficier de ce traitement.
Françoise Lopez : Cuba est sans doute le pays qui pratique le plus la solidarité internationale en envoyant des brigades médicales dans de nombreux pays. A Cuba Si France Provence, nous nous intéressons particulièrement à la Brigade Henry Reeve, créée par Fidel Castro au moment de l'Ouragan Katrina pour venir en aide à la population de la Nouvelle Orléans et refusée par George Bush, alors président des Etats-Unis.
Dans les actions internationalistes de Cuba, quelle est l'importance particulière de cette Brigade ?
Noslen Ocaña : C'est une Brigade qui nous permet de mobiliser des médecins très rapidement pour intervenir dans les cas de catastrophes naturelles, comme des ouragans ou des tremblements de terre. Elle est intervenue, en particulier, après des tremblements de terre en Haïti, et dans quelques pays latino-américains comme le Chili. Cela nous permet de sauver beaucoup de vies car chaque heure compte dans ces circonstances et les médecins qui la composent sont spécialisés dans les blessures particulières provoquées par les catastrophes naturelles et connaissent parfaitement les mesures à prendre pour éviter le développement d'épidémies ou de maladies générées par les conditions sanitaires qui suivent ces catastrophes. Ils sont aussi formés à intervenir dans des endroits particulièrement difficiles d'accès et habitués à s'adapter à toutes les conditions.
Françoise Lopez : Merci, Noslen Ocaña, d'avoir accepté de répondre à nos questions.
Salon-de-Provence, le 12 octobre 2013