A Cuba, CEUX QUI CULTIVENT NE MEURENT PAS DE FAIM
Sous le slogan “Ceux qui cultivent sont aussi ceux qui meurent de faim”, une coupole des ONG de coopération au développement belges lançait une campagne consacrée à la souveraineté alimentaire. Mais dans ce secteur également comme dans de nombreux autres, Cuba fait figure d’exemple. Explications de Marc Vandepitte, économiste belge.
Un très beau score
La campagne 11.11.11 de récolte de fonds pour le Sud s’attaque cette année à la faim dans le monde. Et l’on peut dire que c’est justifié : il y a actuellement entre 842 millions et 1,3 milliard de personnes qui souffrent de malnutrition dans le monde. A cela, il faut rajouter environ un milliard de gens qui manquent chroniquement de vitamines et minéraux (micronutriments) essentiels.
Le plus grand nombre des victimes de la faim se trouvent en Afrique et en Asie. En Amérique Latine et dans les Caraïbes, 47 millions de personnes souffrent de la faim. Cela représente 8% de la population de ces pays.
Dans cette région du monde, les cinq pays à compter proportionnellement le plus de victimes de la faim sont Haïti (50%), le Guatemala (31%), le Paraguay (22%), le Nicaragua (22%) et la Bolivie (21%). Si on retourne le tableau, Cuba (0,6%) arrive en tête, suivi du Mexique (2,1%), du Venezuela (2,7%), du Chili (3,7%) et de l’Argentine (4%).
Au niveau mondial, Cuba se classe deuxième au rang des pays en voie de développement comptant le moins de personnes souffrant de la faim, juste derrière le Kazakhstan (0,5%). Au niveau du nombre calories par personne, Cuba se classe d’ailleurs dans le peloton de tête, parmi les pays dits « développés », avec une très honorable 28e place sur un total de 176 pays.
Pas si simple
Atteindre un tel score pour un pays comme Cuba n’est pourtant pas chose aisée. En effet, la combinaison de la géologie et du climat cubain ne joue pas en sa faveur. Du point de vue de la capacité productrice du sol, la nature n’a pas réellement gâté l’île en comparaison d’autres pays latino-américains. Sans oublier que Cuba doit faire face au blocus économique le plus long de l’histoire mondiale. Enfin, avec la chute de l’Union Soviétique l’agriculture et l’approvisionnement de nourriture ont reçu un coup de grâce.
Ainsi, en quelques mois, l’importation de nourriture diminue alors de 65%, celle d’engrais de 77% et celle de pesticides de 60%. Il n’y avait plus de carburant, plus de pièces de rechange pour les tracteurs et autres machines agricoles. L’agriculture en est de ce fait complètement perturbée et l’approvisionnement alimentaire quasiment inexistant.
La consommation calorifique chute alors de 2800 à 1860 kcal, alors que la limite est généralement fixée à 2200 kcal par personne par jour. Les cubains vivent alors des jours extrêmement difficiles. Mais, à force d’acharnement et de conviction, ils se sont relevés et sont aujourd’hui parmi les meilleurs en termes de sécurité alimentaire en Amérique Latine.
Point faible
Cela ne veut évidemment pas dire qu’il n’y a plus de problèmes, au contraire. Le pays est ainsi encore trop dépendant de ses importations. Cela leur coûte la bagatelle de 1,5 milliard par an et pèse lourd dans la balance commerciale. En fait, depuis les années nonante, la part des importations continuent de grimper invariablement. Alors qu’elle représentait 500 millions de dollars en 1992, cette valeur a aujourd’hui triplé.
Depuis lors, l’agriculture cubaine a déjà subie pas mal de réformes. Le secteur agricole est ainsi le premier où des entreprises d’Etat ont été transformées, il y a de ça une dizaine d’années, en coopératives, qu’on appelle des UBPC. Par ailleurs, l’usufruit d’un certain nombre de terre est délivré à des familles et des terrains agricoles urbains sont développés à un rythme relativement élevé et avec de bons résultats. L’UNEP (le programme environnemental de l’ONU) fait d’ailleurs du modèle de potagers urbains cubains un exemple à suivre. Dans l’ensemble, les résultats sont donc plutôt positifs, même s’ils restent en dessous des inférieurs aux attentes des développeurs cubains.
Ainsi, la productivité reste faible, la bureaucratie trop lourde et les coopératives agricoles manquent encore d’autonomie. Malgré tout, le pays possède un potentiel important, et ce même, selon des experts cubains, dans la perspective d’exportations de produits agricoles. Une chose est ainsi sûre, il reste pas mal de pain sur la planche et, comme pour les autres secteurs de l’économie de l’île, pas mal de choses doivent encore évoluer.
Affaire à suivre sans aucun doute, donc.
Bronnen
Vandepitte M., De gok van Fidel, Berchem 1998.
Vanbrabant I. & Demuynck K., Cuba. La Révolution au cœur vert. ICS 2010.
Piñiero C., Cooperativas y socialismo. Una mirada desde Cuba, Havana 2012.
Pérez O. & Torres R. (ed.), Economía Cubana. Ensayos para una reestructuración necesaria, Havana 2013.
FAO, The State of Food Insecurity in the World, 2013, http://www.fao.org/docrep/018/i3434e/i3434e.pdf.
Global Hunger Index, 2013, http://www.ifpri.org/sites/default/files/publications/ghi13.pdf.
http://es.wikipedia.org/wiki/Per%C3%ADodo_especial
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_food_energy_intake