Venezuela: LA DEMANDE DE DEVISES DU SECTEUR PRIVE NE CORRESPOND PAS A SON ACTIVITE ECONOMIQUE
Julio Pereira
Caracas, 13 novembre AVN – L'économiste Pablo Gimenez, coordinateur du Programme de Formation Spécialisée en Economie Politique de l'Université Bolivarienne du Venezuela (UBV) explique que la demande de devises du secteur privé ne correspond pas à son activité économique.
« Le secteur public (essentiellement à travers la vente du pétrole) produit 98% des devises et le secteur privé 2% mais il demande 40 000 millions de dollars, c'est à dire un chiffre astronomique, deux fois nos réserves internationales actuelles », a-t-il indiqué.
Il a expliqué que le secteur économique privé vénézuélien est essentiellement associé au secteur des services, de la banque, des intermédiaires financiers et au commerce d'importation. C'est ce qui le rend grandement dépendant des devises que génère la vente du pétrole.
« Non seulement il existe un haut degré de dépendance du secteur privé vénézuélien envers les devises que génère le secteur pétrolier public, (…) mais il y a (aussi) un processus de redistribution de la rente pétrolière qui conditionne et impulse tous les autres secteurs de l'économie », a-t-il signalé.
L'activité pétrolière représente 17% du Produit Intérieur Brut alors que le secteur privé en représente environ 70%.
« Mais il est vrai qu'une seule activité économique qui génère 17% du PIB est considérable. Mais cette activité génère environ 98% des devises d'exportation que produit l'économie. Quand nous disons que le Venezuela est un pays pétrolier, nous pensons tout d'abord que le principal employeur est le secteur public mais dans ce type de capitalisme très particulier, structurellement, c'est le contraire, le secteur privé est e principal employeur, c'est à dire qu'il emploie 80% de la population économiquement active et les 20% restants se situent dans le secteur public. »
Il a rappelé que dans les années 70, le Venezeula assumait un processus d'industrialisation par substitution d'importations qui aggrava cette situation de dépendance envers e capital transnational.
« Cela nous coûta très cher, surtout pendant le premier gouvernement de Carlos Andres Perez et le résultat est que les industries, leurs procédés, leurs machines, et leur technologie étaient enracinés dans la dépendance envers l'industrie transnationale. En plus de cela, ces industries étaient plus liées au marché mondial qu'aux industries vénézuéliennes. Les industries de Guyana, par exemple, avaient plus de relations avec le Canada, le Japon, l'Europe ou les Etats-Unis qu'avec l'état de Bolivar lui-même. L'acier produit en Guyana était destiné à l'industrie d'autres pays et pas à l'industrie vénézuélienne », a-t-il remarqué.
Gimenez rappelle que l'économie vénézuélienne aussi se caractérise par l'existence de groupes de monopoles qui ont une grande influence sur la fixation aussi bien des prix que des salaires des travailleurs.
« On dit que la responsabilité de l'inflation est essentiellement celle du gouvernement national et que les privés n'y ont aucune responsabilité et sont seulement vus comme des agents économiques qui adoptent les politiques que dicte le gouvernement mais si on fait une étude scientifique, on pourra noter que des différents produits de l'économie, seulement 36% sont fixés par le gouvernement et que les autres 64% le sont par le secteur privé », a-t-il indiqué.
De même, il a une forte influence sur la fixation des salaires que perçoivent les travailleurs des entreprises privées au-delà du fait que ce soit le gouvernement qui fixe le salaire minimum à travers un décret publié au Journal Officiel.
« L'inflation, finalement, devient un symptôme, un indicateur qui quantifie la situation économique. D'un côté, l'inflation est déterminée par la variation du niveau de prix (Indice National des Prix au Consommateur, Inpc) qui se calcule sur la base d'un panier de prix qui n'inclue pas tous ceux qui existent dans l'économie mais qui, quand il se construit, cet indicateur se déplace à toute l'économie et à toutes les régions du pays », a-t-il déclaré.
D'un autre côté, cette situation de l'inflation provoque le fait que certaines personnes se réfugient dans l'achat de biens qui peuvent être revendus ensuite comme des véhicules, des appartements ou d'autres actifs comme le dollar étasunien.
« Elle se transforme en une sorte de force centrifuge. Dans une économie inflationniste, ces bolivars finissent par servir à acheter ces actifs (dollars) et les prix finissent par être marqués par ce marché parallèle quand bien même tout dollar au Venezuela provient (principalement) de la rente pétrolière et au début a toujours été un dollar Cadivi. Le secteur privé ne produit pas ses propres dollars. C'est pourquoi un tel marché parallèle ne devrait pas exister étant donné qu'il ne produit pas les dollars qu'il demande ou qu'ils disent qu'ils veulent. »
En ce sens, il considère que toute mesure économique que le gouvernement envisage d'appliquer doit d'abord passer par l'analyse de la complexité de ce problème parce qu'un fort taux d'inflation produit des distorsions très lourdes sur l'économie, la fixation des prix, la consommation de biens et sur les mécanismes de production eux-mêmes.
Julio Pereira AVN 13/11/13
(traduction Françoise Lopez)