Cuba: LE VOL FATIDIQUE DU CESNA 310C

Publié le par cubasifranceprovence

Le 6 février 1932 naissait Camilo Cienfuegos. Pour lui rendre hommage aujourd'hui, nous publions un récit de sa disparition paru le 8 octobre 2009 dans la revue "Bohemia".

Par Orfilio Pelàez

Occupé par l'éradication de quelques séquelles dues aux événements de Camaguey, Camilo doit se rendre plusieurs fois dans cette ville en à peine une semaine.

Aux premières heures de ce 28 octobre 1959, il se résout à décoller de nouveau vers la même destination avec l'unique objectif de finir de régler quelques détails en lien avec la mise en place d'un nouveau quartier de commandement qu'il a nommé dans cette province. L'idée est d'être rentré à La Havane pour la fin d'après midi du même jour.

Une coïncidence empêche Manuel Cabezas d'accompagner son cher chef dans ce qui sera sa dernière mission. « J'étais déjà dans l'avion et peu avant de décoller le commandant Felix Torres arrive pour parler de quelques chose avec Camilo, cela retarde le départ de 10 à 18 minutes. Dans cet intervalle arrive le camarade Senen Casas, qui demande au héros de Yaguajay qu'il lui permette de faire le voyage à ses côtés, car il avait besoin d'être à Santiago de Cuba le plus vite possible. »

« Camilo se tourne vers moi et me demande de descendre de l'avion, que je profite de la journée pour réparer l'embrayage de la voiture. « Attend moi à partir de cinq heures » furent les dernières paroles qu'il m'a dites », précise Espinosa, alors chef de l'escorte du héros de Yaguajay.

Juste après avoir pris congé du nouveau quartier de commandement installé à Camaguey, à six heures et une minute du soir, le légendaire commandant quitte l'aéroport Ignacio Agramonte à bord d'un Cessna 310 C de couleur rouge et blanche, immatriculé FAR-53. Son escorte, le sergent Felix Rodriguez et le pilote, le premier lieutenant Luciano Fariñas l'accompagnent.

Le temps passe et l'appareil n'arrive pas à destination. Devant un retard si important, Manuel Espinosa commence à s'inquiéter. Il appelle Osmany Cienfuegos, qui le rassure : « « Le maigre » peut être n'importe où, ne t'inquiète pas ».

La matinée du 29 octobre déjà bien avancée, une des voitures qui transportait habituellement Camilo arrive de Camaguey. Espinosa va à la rencontre des occupants de l'auto, et tous expriment leur angoisse de n'avoir aucune nouvelle du sort de l'avion.

Quelques heures plus tard, la disparition de Camilo Cienfuegos est annoncée publiquement. Guidée par les principaux dirigeants révolutionnaires, commence alors une intense recherche de l’aéronef, en mer et par les airs. Au bout de deux longues semaines de tension, toute Cuba est suspendue aux opérations aériennes et navales qui fouillent chaque mètre carré en terre et en mer, à la recherche de tout indice qui pourrait apporter un éclaircissement sur le probable destin du commandant au chapeau.

Osmin Fernandez, chef de l'expédition pour Camilo, rappelle pour Bohemia les détails vécus dans ces funestes jours. « J'ai participé de manière directe aux opérations de recherche et je peux affirmer qu'absolument tous les moyens disponibles du jeune état révolutionnaire furent mis en œuvre. Tous les endroits où aurait pu tomber l'avion furent passés au peigne fin, y compris les plus éloignés et inaccessibles, prenant en compte n'importe quelle observation ou détail apporté par les pêcheurs, les pilotes, les résidents des zones côtières au cours de quasiment 15 jours. Mais jamais il n'apparut. »

Selon les rapports des équipages d'autres avions, il semblerait que le FAR-53 entra dans une forte tempête qui arrivait du sud et qui obligea le pilote Luciano Fariñas a dévier du cap habituel, prenant une direction plus au nord, ce qui créait un risque supplémentaire en rallongeant le temps de vol sans disposer du carburant nécessaire pour faire face à cette situation.

50 ans se sont écoulés et dans la mémoire de Osmin les amers souvenirs de ces tristes journées restent présents. « Tout indique que l’avionnette, parce qu'en réalité c'était cela, une avionnette bien fragile, a disparu dans le fracas d'une tempête ; n'ayant pas techniquement la possibilité de se tirer d'affaire à cause du manque d'instruments de vols nécessaires. Il a pu également tomber par manque de combustible dans les profondeurs de la mer. Ce qui est sûr c'est que l'on ne retrouva jamais rien de l'avion. »

Camilo, souligne Osmin, voulait être le plus tôt possible à La Havane, et la fougue naturelle de son caractère a pu lui faire prendre la décision de décoller, alors qu'il savait que la nuit était déjà en train de tomber.

Comme déclara Fidel le 28 octobre 1989, la cause directe de cet accident fut le problème causé à Camaguey par les éléments anticommunistes. A cause de cela il dut voyager plusieurs fois dans cette province. Audacieux comme il l'était, il ne tenait compte ni du jour, ni de la nuit ni du temps, et il partit vers la capitale dans un petit avion.

Au cours de ce demi siècle l'ennemi a propagé toute sorte de calomnies, laissant penser que Camilo aurait été assassiné ou disparut de manière intentionnelle, à cause de problèmes et de rivalités avec les plus grands dirigeants de la Révolution. Mais rien ne réaffirme mieux sa ferme loyauté à Fidel et aux idéaux de justice sociale et de liberté pour lesquels il lutta, que le rôle majeur tenu par l'inoubliable seigneur de l'avant-garde dans la dénonciation et le combat contre la conjuration réactionnaire survenue à Camaguey il y a maintenant 50 ans.

Revue Bohemia ; 8 octobre 2009

(traduction Geoffrey Gautier)

Cuba: LE VOL FATIDIQUE DU CESNA 310C