Cuba: LES HEROS DE NOTRE EPOQUE

Publié le par cubasifranceprovence

par Fidel Castro Ruz

traduction Françoise Lopez

Il y a beaucoup à dire de ces temps difficiles pour l'humanité. Aujourd'hui, cependant, est un jour d'un intérêt particulier pour nous et peut-être aussi pour beaucoup de gens.

Tout au long de notre brève histoire révolutionnaire, depuis le coup sournois du 10 mars 1952 organisé par l'empire contre notre petit pays, nous avons souvent été dans la nécessité de prendre des décisions importantes.

Quand il n'y avait pas d'autre alternative, d'autres jeunes, d'une autre nation dans notre situation complexe, ont fait ou ont essayé de faire la même chose que nous bien que dans le cas particulier de Cuba, le hasard, comme tant de fois dans l'histoire, ait joué un rôle décisif.

A partir du drame créé dans notre pays par les Etats-Unis à cette date, sans autre but que de freiner le risque des avancées sociales limitées qui pourraient amener des changements radicaux dans la propriété yankee qu'était devenue Cuba, notre Révolution Socialiste a vu le jour.

La Seconde Guerre Mondiale, qui s'est terminée en 1945, renforça le pouvoir des Etats-Unis en tant que première puissance économique et militaire et fait de ce pays - dont le territoire était éloignés des champs de bataille - le pays le plus puissant de la planète.

L'écrasante victoire de 1959, nous pouvons l'affirmer sans une once de chauvinisme, est devenu un exemple de ce qu'une petite nation, luttant pour elle-même, peut faire aussi pour les autres.

Les pays latino-américains, à quelques exceptions honorables près, se sont précipitées sur les miettes offertes par les Etats-Unis; par exemple, le quota de sucre de Cuba, qui pendant presque un siècle approvisionna ce pays pendant ses années difficiles, fut réparti entre des producteurs inquiets à propos des marchés dans le monde.

L'illustre général qui présidait alors le pays, Dwight D. Eisenhower, avait dirigé les troupes coalisées dans la guerre par laquelle ils libérèrent, malgré leurs puissants moyens, seulement une petite partie de l'Europe occupée par les nazis. Le remplaçant du président Roosevelt, Harry S. Truman, fut le conservateur traditionnel qui, aux Etats-Unis, a l'habitude d'assumer ces responsabilités politiques dans les années difficiles.

L'Union des Républiques socialistes soviétiques - qui a constitué, jusqu'à a fin du siècle dernier la plus grande nation de l'histoire dans la lutte contre la cruelle exploitation des êtres humains - fut dissoute et remplacée par une Fédération qui réduisit la superficie de ce grand Etat multinational de pas moins de 5 500 000 km carrés.

Une chose, cependant, ne peut être dissoute: l'esprit héroïque du peuple russe qui, avec ses frères du reste de l'URSS, a été capable de préserver une force tellement puissante qu'avec la République Populaire de Chine et des pays comme le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, elle constitue un groupe qui a le pouvoir de freiner la tentative de recolonisation de la planète.

Nous vivons en République Populaire d'Angola deux exemples illustrant ces réalités. Cuba, comme beaucoup d'autres pays socialistes et mouvements de libération, collabora avec elle et avec d'autres en combattant contre la domination portugaise en Afrique. Celle-ci s'exerçait de façon administrative directe avec le soutien de ses alliés.

La solidarité avec l'Angola était un des points essentiels du Mouvement des Pays Non-Alignés et du Camp Socialiste. L'indépendance de ce pays devint inévitable et était acceptée par la communauté mondiale.

L'Etat raciste d'Afrique du Sud et le Gouvernement corrompu de l'ancien Congo Belge, avec le soutien d'alliés européens, se préparaient soigneusement à conquérir et à se répartir l'Angola. Cuba, qui depuis des années, coopérait avec la lutte de ce peuple, reçut la demande d'Agostino Neto pour l'entraînement de ses forces armées qui, installées à Luanda, la capitale du pays, devaient être prêtes pour sa prise de possession prévue pour le 11 novembre 1975. Les Soviétiques, fidèles à leurs engagements, leur avait fourni du matériel militaire et attendaient le jour de l'indépendance pour envoyer les instructeurs. Cuba, pour sa part, envoya les instructeurs demandés par Neto.

Le régime raciste d'Afrique du Sud, condamné et méprisé par l'opinion mondiale, décide d'avancer ses plans et envoie des forces motorisées dans des véhicules blindés dotés d'une puissante artillerie qui, après une avancée de centaines de kilomètres à partir de sa frontière, attaquèrent le premier camp d'instruction où plusieurs instructeurs cubains moururent dans une résistance héroïque. Après plusieurs jours de combats soutenus par ces valeureux instructeurs avec les Angolais, ils réussirent à arrêter l'avance des Sud-africains vers Luanda, la capitale où avait été envoyé par les airs un bataillon des Troupes Spéciales du Ministère de l'Intérieur, transporté de La Havane dans de vieux avions Britania de notre compagnie aérienne.

Ainsi commença cette lutte épique dans ce pays d'Afrique noire tyrannisé par les racistes blancs dans laquelle des bataillons d'infanterie motorisée et des brigades de tanks, l'artillerie blindée et des moyens appropriés de lutte ont repoussé les forces racistes d'Afrique du Sud et les ont obligées à revenir à la frontière même de laquelle ils étaient partis.

L'étape la plus dangereuse de ce conflit ne fut pas uniquement cette année 1975. Elle survint approximativement 12 ans plus tard, dans le sud de l'Angola.

Ce qui semblait être la fin de l'aventure raciste dans le sud de l'Angola en était seulement le commencement mais au moins, ils avaient pu comprendre que ces forces révolutionnaires de Cubains blancs, mulâtres et noirs, avec les soldats angolais, étaient capables de faire avaler la poussière de la déroute aux soi-disant invincibles racistes. Peut-être étaient-ils confiants en leur technologie, leurs richesses et dans le soutien de l'empire dominant.

Bien que ça n'ait pas été notre intention, l'action souveraine de notre pays ne manquait pas d'avoir des contradictions avec l'URSS elle-même qui a tant fait pour nous dans des jours réellement difficiles, quand l'arrêt des fournitures de combustible à Cuba par les Etats-Unis nous avaient amenés à un long et coûteux conflit avec la puissante puissance du Nord. Ce danger écarté ou non, le dilemme était de décider d'être libres ou de se résigner à être des esclaves du puissant empire voisin.

Dans une situation aussi compliquée que l'accès de l'Angola à l'indépendance, en lutte frontale contre le néo-colonialisme, il était impossible que des différends ne surgissent pas dans certains aspects dont pouvaient découler des conséquences graves pour les buts fixés, que, dans le cas de Cuba faisant partie de cette lutte, elle avait le droit et le devoir d'amener au succès. Même si, à notre avis, quelque aspect de notre politique internationale qui puisse choquer la politique stratégique de l'URSS, nous faisions notre possible pour l'éviter. Les objectifs communs exigeaient de chacun le respect des mérites et des expériences de chacun. L'humilité n'est pas incompatible avec l'analyse sérieuse de la complexité et de l'importance de chaque situation bien que, dans notre politique, nous ayons toujours été très stricts avec tout ce qui concernait la solidarité avec l'Union Soviétique.

Dans des moments décisifs de la lutte en Angola contre l'impérialisme et le racisme se produisit une de ces contradictions qui découlait de notre participation directe à ce conflit et du fait que nos forces non seulement combattaient mais aussi instruisaient chaque année des milliers de combattants angolais que nous soutenions dans leur lutte contre les forces pro yankees et pro racistes d'Afrique du Sud. Un militaire soviétique était le conseiller du gouvernement et planifiait l'utilisation des forces angolaises. Nous divergions, cependant, sur un point certainement important: la fréquence renouvelée avec laquelle on défendait le critère erroné d'employer dans ce pays les troupes angolaises les mieux entraînées à presque 1 500 km de Luanda, la capitale, à cause de la conception propre à un autre type de guerre, rien de semblable à la guerre de guérilla à caractère subversif des contre-révolutionnaires angolais. En réalité, il n'existait pas une capitale de l'UNITA, et Savimbi n'avait pas un endroit où résister, il s'agissait d'un leurre de l'Afrique du Sud raciste qui servait seulement à attirer là les troupes angolaises les meilleures et les mieux équipées pour leur porter un coup à leur guise. Nous pensions par conséquent à ce concept qui a été appliqué plus d'une fois jusqu'à la dernière dans laquelle on demanda de frapper l'ennemi avec nos propres forces, ce qui donna lieu à la bataille de Cuito Cuanavale. Je dirais que ce long affrontement militaire contre l'armée sud-africaine se produisit à la suite de la dernière offensive contre la soi-disant "capitale de Savimbi" - dans un coin éloigné de la frontière de l'Angola, de l'Afrique du Sud et de la Namibie occupée - jusqu'où les vaillantes forces angolaises, en partant de Cuito Cuanavale, ancienne base militaire de l'OTAN désactivée bien qu'équipée avec les chars blindés les plus récents, des tanks et d'autres moyens de combat, commençaient leur marche de centaines de kilomètres vers la soi-disant capitale contre-révolutionnaire. Nos audacieux pilotes de combat les soutenaient avec les Mig-23 quand ils étaient encore dans leur rayon d'action.

Quand ils dépassaient ces limites, l'ennemi frappait fortement les valeureux soldats des FAPLA avec leurs avions de combat, leur artillerie lourde et leurs forces terrestres bien équipées, provoquant de nombreuses pertes en morts et en blessés. Mais cette fois ils se dirigeaient, dans leur poursuite des brigades angolaises, vers l'ancienne base militaire de l'OTAN.

Les unités angolaises reculaient sur un front de plusieurs kilomètres de large séparé par des brèches de plusieurs kilomètres. Etant donné la gravité des pertes et le danger qui pouvait découler de celles-ci, certainement le conseil du Président de l'Angola allait demander comme d'habitude qu'il fasse appel au soutien cubain et c'est ce qui arriva. La réponse ferme cette fois, fut qu'on n'accepterait cette demande que si toutes les forces et les moyens de combat angolais sur le Front Sud étaient sous commandement militaire cubain. Cette condition fut immédiatement acceptée.

Les forces se mobilisèrent rapidement en fonction de la bataille de Cuito Cuanavale où les envahisseurs sud-africains et leurs armes sophistiquées se lancèrent contre les unités blindées, l'artillerie conventionnelle et les Mig-23 avec comme équipage les audacieux pilotes de notre aviation. L'artillerie, les tanks et d'autres moyens angolais situés à cet endroit qui manquaient de personnel furent mis en état de combattre par le personnel cubain. Les tanks angolais qui, dans leur retraite, ne pouvaient vaincre l'obstacle du tumultueux fleuve Queve, à l'est de l'ancienne base de l'OTAN - dont un pont avait été détruit des semaines auparavant par un avion sud-africain sans pilote chargé d'explosifs - furent enterrés et entourés de mines anti-personnelles et anti-tanks. Les troupes sud-africaines qui avançaient se heurtèrent un peu plus loin à une barrière infranchissable contre laquelle elles se lancèrent. De cette façon, avec un minimum de pertes et des conditions avantageuses, les forces sud-africaines furent complètement vaincues sur ce territoire angolais.

Mais le combat n'était pas terminé, l'impérialisme avec la complicité d'Israël avait transformé l'Afrique du Sud en pays nucléaire. Notre armée courut pour la seconde fois le risque de devenir la cible de cette arme. Mais ce point, avec tous les éléments pour en juger correctement, doit être élaboré et peut-être pourrais-je l'écrire dans les mois à venir.

Quels sont les faits qui sont survenus ce soir qui ont donné lieu à cette longue analyse? Deux faits, à mon avis, d'une importance particulière:

Le départ de la première Brigade Médicale Cubaine pour l'Afrique pour combattre l'ébola.

L'assassinat brutal, à Caracas, Venezuela, du jeune député révolutionnaire Roberto Serra.

Deux faits qui reflètent l'esprit héroïque et la capacité des processus révolutionnaires qui se déroulent dans la Patrie de José Marti et dans le berceau de la liberté de l'Amérique, le Venezuela héroïque de Simon Bolivar et d'Hugo Chavez.

Combien d'étonnantes leçons renferment ces événements! Les mots peuvent à peine exprimer la valeur morale de tels faits, survenus presque en même temps.

Je ne pourrai jamais croire que le meurtre du jeune député vénézuélien soit l'oeuvre du hasard. Ce serait tellement incroyable, et tellement calqué sur la pratique des pires organismes yankees de renseignement, que la véritable cause en ait été que ce fait répugnant n'ait pas été commis intentionnellement, plus encore alors qu'il correspond absolument à ce que les ennemis de la Révolution Vénézuélienne avaient prévu et annoncé.

De toutes façons, la position des autorités vénézuéliennes d'envisager une enquête soigneuse sur ce crime me semble absolument correcte. Le peuple, cependant, exprime avec émotion sa conviction profonde en ce qui concerne la nature de ce brutal événement sanglant.

L'envoi de la première Brigade Médicale en Sierra Leone, signalée comme l'un des endroits les plus touchés par la cruelle épidémie d'Ebola, est un exemple de ce dont un pays peut être fier car il n'est pas possible en ce moment de faire quelque chose de plus honorable et glorieux. Si personne n'a eu le moindre doute sur le fait que les centaines de milliers de combattants qui allèrent en Angola et dans d'autres pays d'Afrique ou d'Amérique ont donné à l'humanité un exemple qui ne pourra jamais s'effacer de l'histoire humaine; on doutera moins encore du fait que l'action héroïque de l'armée en blouse blanche occupera une grande place d'honneur dans cette histoire.

Ce ne seront pas les fabricants d'armes mortelles qui connaîtront un honneur mérité. L'exemple des Cubains qui marchent vers l'Afrique puisse-t-il se répande aussi dans l'esprit et dans le coeur d'autres médecins dans le monde, en particulier de ceux qui possèdent le plus de ressources, qu'ils pratiquent une religion ou une autre, ou la conviction la plus profonde du devoir de la solidarité humaine.

La tâche de ceux qui vont au combat contre l'ébola et pour la survie d'autres êtres humains, même au péril de leur propre vie, est dure. Ce n'est pas pour cela que nous ne devons pas faire l'impossible pour leur garantir, à ceux qui accomplissent ce devoir, la plus grande sécurité dans les tâches qu'ils accomplissent et dans les mesures à prendre pour les protéger, eux et notre propre peuple, de cette maladie et d'autres maladies et épidémies.

Le personnel qui se rend en Afrique nous protège aussi, nous qui restons ici parce que le pire qui pourrait arriver est qu'une telle épidémie ou d'autres pires s'étendent sur notre continent, ou au sein du peuple de n'importe quel pays du monde où un enfant, une mère ou un être humain pourrait mourir. Il y a assez de médecins sur la planète pour que personne n'ait à mourir faute de soins. C'est ce que je voulais dire.

Honneur et gloire à nos valeureux combattants pour la santé et la vie!

Honneur et gloire au jeune révolutionnaire vénézuélien Robert Serra et à sa compagne Maria Herrera!

J'ai écrit cela le 2 octobre lorsque j'ai appris des deux informations mais j'ai préféré attendre un jour de plus pour que l'opinion internationale s'informe bien et demander à Granma de le publier le samedi.

Fidel Castro Ruz

2 octobre 2014, 20H47