Cuba: SANS SYMBOLES MAIS PAS SANS MAITRES
par Iroel Sánchez (La pupila insomne)
traduction Françoise Lopez
Ces derniers jours, j'ai visité une entité de notre pays pour réaliser une activité universitaire. Mes hôtes se sont sentis dans l'obligation de faire un geste envers moi et ils m'ont offert un almanach, non de leur institution mais d'une entreprise qui produit de la malbouffe. L'institution qui me recevait a une fonction très importante, je dirais vitale, pour Cuba et à cause de cela, dispose d'abondantes ressources mais ne possède aucun moyen pour promouvoir son identité alors que les fabricants de produits qui causent des dommages à la santé ont une puissante stratégie publicitaire qui dépasse les limites de leur entreprise.
Le journal Granma a publié récemment une plainte à propos de l'utilisation sur un omnibus de l'entreprise Viazul d'un autocollant avec un geste grossier, et la réponse correspondante. L'organe officiel du Parti Communiste de Cuba n'a pas profité de l'occasion pour pointer du doigt l'absence de stratégie de communication dans nos entités et de règles dans l'utilisation du matériel propriété de l'Etat, une absence de règles qui fait que les véhicules de service ou qui sont propriété publique mettent n'importe quelle sorte d'affiches, de produits audiovisuels et musicaux aussi grossiers que l'autocollant trop connu.
Mais l'écrivain Luis Toledo l'a fait en racontant sur Cubadebate une expérience, l'arrestation de l'enterrement d'une illustre éducatrice au cimetière de La Havane parce que le corbillard était décoré avec le drapeau états-unien. Il a déclaré que:
"la crainte des excès de contrôle et du dogmatisme ne doit pas nous transformer en orthodoxes du bordel et de l'irrévérence face à ce qui mérite l'ordre et le respect."
Mais le populeux coin des rues 23 et G, dans le Vedado de La Havane semble annoncer notre brillant avenir. Le restaurant Castillo de Jagua projette sur l'une des avenues les plus fréquentées de La Havane une maxi affiche d'une marque de bière avec une image semblable à celle qui a été le sujet du débat sur Internet pour son message clairement sexiste qui utilise la femme comme un objet. Je ne suis nullement puritain mais je pense qu'il serait bon que notre presse enquête sur les relations économiques qui se cachent derrière cette invasion grossière de l'espace public qui dépasse cent fois la taille du petit autocollant posé à l'arrière d'un bus.
Je pourrais continuer jusqu'à l'infini avec des anecdotes et des dénonciations mais je crois que gémir n'est pas la solution. Même le reflet superficiel de ces gémissements dans des médias dans lesquels les thèmes liés à la lutte idéologique trouvent peu de place, non pour censurer mais pour approfondir les causes et découvrir les responsables des vides et des carences.
Il est certain qu'il y a des considérations économiques mais la production symbolique est vitale dans la lutte idéologique contemporaine et l'économique n'est pas toujours ce qui est déterminant. Comme nous l'avons vu dans ce qui est arrivé dans les Forums autour du Sommet de Panama, détenir la vérité ne suffit pas et même les moyens technologiques pour la défendre ne suffisent pas si nous ne savons pas la traduire opportunément en images comme ont su le faire ici même nos frères vénézuéliens.
Pour en revenir à ce qu'un ami appelle ironiquement "l'industrie de la sottise", que ce soit un petit drapeau ou même des autocollants d'entités qui fournissent un service public, ou avec des motifs littéraires, il est impossible de s'en procurer à Cuba. Nos jeunes ne les aiment-ils pas? Il y a quelques années, l'accueil de pull-overs et d'éventails avec des vers et des peintures cubaines au Festival du Livre a démontré que si. Ou est-ce l'absence d'une stratégie qui stimule la présence de notre identité sur ces produits, règlemente leurs prix et dirige leur utilisation intelligente, ce qui nous manque?
A cela s'ajoute la pénurie chronique de personnages et d'histoires qui incarnent efficacement dans la fiction audiovisuelle les valeurs avec lesquelles s'identifie notre projet économique et social.
Il est possible qu'il y ait des camarades qui affirment " l'économie résoudra cela, il n'y a pas de temps ni de ressources à y consacrer". Mais nos adversaires, tellement promoteurs du libre commerce et qui possèdent l'économie la plus forte du monde - malgré ce qu'a dit Obama au Panama: "je ne suis pas contaminé par l'idéologie"- n' imposent pas leur idéologie par hasard. Wikileaks a révélé il y a quelques temps comment la Maison Blanche continue à charger Hollywood de produire le cinéma dont sa politique extérieure a besoin et avait divulgué auparavant comment l'un de nos illustres visiteurs états-uniens - le directeur de Google Ideas, Jared Cohen - a rencontré les membres de Bollywood - un centre de production cinématographique en Inde dont les films sont largement distribués dans le monde - pour leur offrir des fonds en échange de l'insertion dans leurs films de contenus qui servent les Etats-Unis.
Ici, leur Section des Intérêts - peut-être bientôt leur ambassade - invite certains producteurs qui prennent leurs distances avec les institution. Alors qu'elle refuse le visa d'autres jeunes, de jeunes cinéastes ayant l'aval de nos Ministère des Relations Extérieures et de la Culture. Nous semblons agir à l'envers quand notre télévision, si prodigue en diffusion de contenus états-uniens, oublie des séries critiques à propos de ce système comme “House of cards” ou “L'histoire non racontée des Etats Unis”.
Au dernier Conseil de l'UNEAC, l'écrivain Desiderio Navarro, celui-là même qui, il y a quelques mois, a alerté sur la publicité sexiste de l'entreprise Bucanero, a affirmé: "Nous ne devons pas laisser les relations entre Cuba et les Etats-Unis à l'improvisation ni à la naïveté" et le Premier Vice-président de notre pays, Miguel Díaz Canel, a déclaré que
"Que nous atteignions dans l'avenir la richesse économique ne servirait pas à grand-chose si les gens ne sont pas bien préparés dans le domaine humain, spirituel, sentimental, émotionnel, parce que, dans le cas contraire, comment sera répartie la richesse? Avec égoïsme, avec vanité, avec inégalité? Nous ne pouvons pas attendre que ce moment de prospérité arrive pour travailler dans ce sens, il faut s'y engager dès maintenant: travailler avec les sentiments, avec la culture, avec l'histoire".
Je me souviens que nos boxeurs dans les combats avec les Etats-Unis, il y a quelques années, avant de commencer le combat, allaient dans le coin opposé et offraient à leurs rivaux un petit drapeau cubain. Maintenant, lors de la récente visite à Cuba du gouverneur de New York, nous avons pu voir à la télévision que celui-ci a offert, lors de sa rencontre avec le camarade Díaz Canel, les casquettes des 2 équipes de base-ball de sa ville. Les images ne l'ont pas montré mais il est certain que de notre part, nous n'avons pas répondu avec un almanach qui promeut la malbouffe ou avec une affiche d'un couple de Cubains se frottant autour d'une bouteille de bière. (Publicado en CubAhora)
Source en espagnol:
https://lapupilainsomne.wordpress.com/2015/04/28/sin-simbolos-pero-sin-amo/#more-49057
URL de cet article:
http://cubasifranceprovence.over-blog.com/2015/04/cuba-sans-symboles-mais-pas-sans-maitres.html