Cuba: Etats-Unis contre Etats-Unis?
traduction Françoise Lopez
Edmundo García interviewe le Professeur José Gabilondo de l'Ecole des Lois de FIU-Miami, le 27 août 2015.
EDMUNDO GARCIA: Professeur, le président Obama devra le 14 septembre prochain décider s'il prolonge ou pas les sanctions contre Cuba sous ce qu'on appelle la loi sur le commerce avec l'ennemi, un statut qui vient de 1917 et auquel John F. Kennedy a recouru pour mettre en place l'embargo économique contre Cuba. Depuis lors, chaque année, les présidents des Etats-Unis respectifs ont ratifié cette situation. A votre avis, dans l'état actuel des relations entre Cuba et les Etats-Unis, croyez-vous que le président Obama va le ratifier ou pas?
Prof. JOSE GABILONDO: Bon, dans le contexte actuel, il y a un problème et c'est que la loi exige que le pays qui est sanctionné de cette manière soit un pays ennemi ou qu'il y ait une urgence nationale. Et je crois que la question n'est pas s'il doit ou non signer mais s'il peut ou non signer et il me semble que dans la définition de ce qu'on considère comme un pays ennemi, Cuba ne l'est pas. Maintenant, cela ne signifie pas que ce soit la seule base de l'embargo, il y a plusieurs sources indépendantes d'autorité légale qui soutiennent différentes parties de l'embargo. Mais à moi, il me semble que le président ne peut pas continuer à invoquer cette loi de 1917.
EG: Il serait très symbolique que le président Obama soit le premier depuis Kennedy qui ne signe pas la prorogation pour 1 an de plus.
Prof. JG: Plus que symbolique, ce serait très bien parce que ce serait le commencement d'une renonciation officielle de la part de l'exécutif de l'embargo contre Cuba qui relève essentiellement du pouvoir exécutif. Obama est un homme très qualifié, il a beaucoup fait, il n'a pas peur de faire des changements radicaux. Je crois que l'histoire va le reconnaître come un président sous lequel le pays a fait un tour. Son administration a fait énormément de choses, je vois sa politique tellement ouverte avec Cuba comme un autre exemple de son style de travail qui est de prendre des problèmes sérieux, de ne pas avoir peur d'affronter des problèmes bien polémiques et de changer l'histoire.
EG: Professeur, l'administration du président Eisenhower commet l'erreur d'organiser un coup d'Etat contre le président légitime du Guatemala Jacobo Arbenz sans qu'il y ait un blocus, un embargo, une situation anormale. Le Guatemala n'était pas une menace politique, ce à qui déplaisait Arbenz c'était la United Fruit Company à cause des mesures populaires qui étaient prises. Quand Kennedy arrive à la présidence, l'invasion de la Baie des Cochons, de Girón, avait déjà été préparée par l'administration Eisenhower. Kennedy a-t-il pris la décision de sanctionner Cuba pour que soit évitée, en l'envahissant, la situation diplomatique qui a été créée par Eisenhower à cause de l'absence de justification du coup d'Etat contre Arbenz?
Prof. JG: Je ne comprends pas bien la question.
EG: Ce que je veux dire c'est que le Guatemala reçoit le coup d'Etat en étant parfaitement intégré à un système panaméricain conçu par les Etats-Unis. Il n'y avait pas de raison internationales apparentes pour organiser un coup d'Etat au Guatemala et cela a amené des problèmes diplomatiques à l'administration Eisenhower. Kennedy en sanctionnant économiquement Cuba n'aurait-il pas cherché à essayer de justifier l'invasion?
Prof. JG: Peut-être, parce que Kennedy ne s'est pas basé sur cette loi de 1917 mais sur le Foreign Assistance Act de 1961. Et ce fut la base d'origine de l'embargo, avec un ordre exécutif. Et je crois qu'il avait un engagement avec cela, en partie parce qu'il en avait hérité et nous étions encore pendant la guerre froide et même les éléments les plus progressistes du pays souffraient de cette mentalité de confrontation.
EG: Professeur, prochainement, Cuba reviendra présenter une résolution contre le blocus aux Nations Unies. Laissez-moi simplifier la question: Les Etats-Unis pourraient-ils voter contre les Etats-Unis?
Prof. JG: Bon, je crois que ce serait très intéressant et c'est probable parce que quand nous parlons des Etats-Unis, nous devons distinguer la politique de l'exécutif et la politique du congrès et pour la première fois en un demi-siècle, l'exécutif et le congrès ne sont pas d'accord et cela va soylever plusieurs questions juridiques. De telle sorte que je crois que ce serait un acte très courageux: et aussi le fait que les Etats-Unis fassent cela m'intéresse. La seule chose que je n'ai pas encore vue c'est qu'Obama et son administration rejettent le blocus dans sa totalité. Jusqu'à présent, ce qu'ils ont dit, c'est qu'ils ne le soutenaient pas totalement...
EG: Mais il a aussi demandé qu'il soit levé. Le Secrétaire d'Etat Kerry a demandé au congrès de lever le blocus de Cuba. Obama aussil'a demandé, qu'il soit levé complètement.
Prof. JG: Oui, il l'a demandé mais à mon avis, le président n'a pas encore fait tout ce qu'il peut faire, tout ce qui reste dans sa marge de manoeuvre. Laissez-moi vous expliquer un peu, il faut voir la façon dont la Constitution, aux Etats-Unis, répartit la compétence dans les affaires étrangères et ce que font la Constitution et la tradition juridique de ce pays, c'est qu'elles partagent le pouvoir en ce qui concerne les affaires étrangères, elles le divise entre le congrès et le président. Le président est le principal, celui qui exécute et le congrès a un rôle bien moindre et ce qui s'est passé avec Cuba, c'est que, depuis Eisenhower et Kennedy, l'embargo s'est déroulé sous le pouvoir exécutif. Ce qu'a essayé de faire le congrès en 1991 avec la Loi Torricelli et en 1996 avec la Loi Helms-Burton, ça a été de geler cet embargo parce que le congrès savait déjà qu'un jour viendrait où l'exécutif et le législatif ne seraient plus en harmonie et pour prévenir cette possibilité, ils ont dit: "Bon, nous allons le codifier". Mais il y a un problème et c'est que le congrès n'a pas la même compétence en cette matière que le président, de sorte que bien qu'ils croient qu'ils ont gelé l'embargo avec cette codification, il reste un doute sur le point jusqu'auquel ils peuvent le faire. C'est un défaut de la Constitution mais personne n'en fait beaucoup de cas parce qu'on savait qu'alors le président et le congrès continuaient d'être en harmonie. Mais à partir du 17 décembre 2014 (même depuis avant), cette harmonie n'existe plus. Que signifie cela? Donc, que nous avons parlé jusqu'à présent du fait que nous espérons que le congrès états-unien lève l'embargo mais à moi, il me semble que ce n'est pas sûr: Si le président Obama rejetterait officiellement toute l'autorité exécutive qu'il a utilisée pour justifeir les régulations de l'OFAC (Office of Foreign Assets Control (Bureau de Contrôle des Actifs Etrangers)) qu'il continue encore à faire, la seule chose qui resterait serait la version législative de l'embargo. Et qu'est-ce que c'est? Car la vérité qu'on ne sait pas...
EG: Professeur, et comment le président pourrait-il faire ce que vous dites? Avec une lettre aux agences fédérales?
Prof. JG: Bon, d'abord, il faut comprendre que l'OFAC est une officine qui appartient au Département du Trésor qui fait partie du cabinet de l'exécutif. Obama nomme les dirigeants et eux font la politique. De sorte qu'il pourrait indiquer unilatéralement: "Regardez, nous faisons cette politique, l'OFAC doit changer la régulation". Dans ce pays, il y a une loi qui s'appelle Loi de Procédure Administrative qui dit quand les agences de l'administration font ces changements, ce que devrait faire l'OFAC, c'est dire: "Regardez, nous avons décidé de réformer les régulations en ce qui concerne Cuba parce qu'il n'y a aucun soutien exécutif pour l'embargo, c'est le moins que nous puissions faire, constitutionnellement parlant pour respecter la loi". Maintenant, je ne connais pas la réponse à cette question mais je sais que c'est le critère qu'il faudra appliquer et ce que j'imagine, c'est qu'on pourrait faire un argument du fait que le congrès n'a aucune compétence, de sorte que l'embargo qui reste après la décision exécutive serait moindre. Maintenant, qui peut utiliser cet argument? Bon, au début, une partie privée pourrait le faire ou un chef d'entreprise qui dise que la partie constitutionnelle de l'embargo imite la possibilité de faire des affaires avec Cuba.
EG: Alors, revenons-en au fait, pourquoi l'OFAC aussi bien que le Trésor, aussi bien que le Département d'Etat, aussi bien que la mission des Etats-Unis devant les Nations Unies, ce qu'ils représentent, c'est le président des Etats-Unis, ce sont des instruments que possède le président pour mener à bien sa politique, ils ne représentent pas le pouvoir législatif. Pourrions-nous voir, sans précédent jusqu'à présent (parce que comme vous l'avez dit vous-même, la politique des Etats-Unis envers Cuba est "sans précédent" parce qu'il faut tout examiner), les Etats-Unis votant contre les Etats-Unis, comme je l'ai déjà dit? Parce qu'il y a 3 options: ils votent contre la résolution de Cuba, en faveur de celle-ci ou ils s'abstiennent. Certainement, à Washington, ils pensent aussi à cela. Je sais que vous n'avez pas une boule de cristal mais comment croyez-vous que voteraient les Etats-Unis?
Prof. JG: Je crois que la meilleure option pour les Etats-Unis est de s'abstenir et repousser la prise de position ferme. Il me semble qu'ils ne peuvent pas voter en faveur de l'embargo comme ils l'ont fait auparavant et il me semble aussi qu'ils ne sont pas prêts à profiter de toute l'autorité qu'ils ont et à découvrir les limites de cette autorité parce qu'en réalité, au sujet de Cuba, tout est exceptionnel. Cuba est son propre précédent, toutes les politiques concernant Cuba sont leur propre précédent. Et la question provoque à son tour cette autre question: Qui a autorité, par exemple, pour légiférer sur tous les critères qui manquent pour la levée de l'embargo? Je crois que la réponse est: "l'exécutif", le congrès ne peut pas le faire... De toute façon, cette question n'a pas été importante jusqu'à présent.
EG: Mais d'autre part, ce qui est clair, c'est que celui que représente le Département d'Etat, l'opinion qu'il faut déplacer l'ambassadrice devant l'ONU Samantha Power est l'opinion du président des Etats-Unis. Alors, je me demande à nouveau, plus parce que je le souhaite que parce que je raisonne en analysant le problème, si une abstention est possible et mieux encore: un vote des Etats-Unis contre leur propre embargo est-il possible parce que le président Obama l'ordonne?
Prof. JG: Cela se pourrait parce que ce qu'on a remarqué dans ce processus, c'est qu'il a été plein de surprises. Ou bien Obama n'a pas discuté avec le congrès ce qu'il a annoncé le 17 décembre, il n'a pas consulté ceux qui allaient être critiques envers sa politique, simplement, il l'a fait et je crois que la classe politique qui soutient l'embargo a appris ce qui s'est passé le 17 décembre après. CDe sorte que nous pourrions avoir une surprise bien que j'aimerais éclaircir quelque chose. Les agences de l'administration représentent le président mais une fois qu'elles se sont engagées dans une régulation, elles représentent aussi cette régulation jusqu'à ce qu'elles la changent. De sorte qu'en dernière instance, c'est le président qui dirige, d'une certaine façon qui tient la plume pour signer les décisions politiques mais une fois qu'ils se sont engagés et ils sont engagés dans les régulations des actifs cubains, ils doivent continuer avec ces normes jusqu’à ce qu'ils les changent.
EG: Jusqu'à ce qu'elles soient changées par qui? Par le président ou par le congrès?
Prof. JG: Par les agences et les officines elles-mêmes parce que ces régulations, c'est l'OFAC qui les émet sur la base d'une direction qui vient du président.
EG: Par conséquent, c'est le président qui change les règles du jeu.
Prof. JG: Oui, je crois qu'il a déjà changé les règles du jeu mais il me semble qu'il pourrait faire encore plus. On ne sait pas jusqu'où il pourrait aller et c'est quelque chose qu'il faudrait résoudre dans un tribunal fédéral, qui aurait le dernier mot concernant les limites du rôle du congrès. Le président veut éviter ce débat et certainement, il cherchera à trouver une solution plus diplomatique mais concernant la loi du commerce, la guerre que fait le président, ce n'est pas avec Cuba mais avec le congrès.
EG: Cela pourrait-il arriver jusqu'à la Cour Suprême?
Prof. JG: Théoriquement oui. Il pourrait arriver quelque chose de semblable à ce qui s'est passé avec la loi fédérale contre le mariage gay, où il est arrivé un moment où l'administration a dit: "Bon, c'est la loi mais si quelqu'un l'attaque, nous n'allons pas la défendre plus parce que nous pensons qu'elle n'est pas conforme à la Constitution." De sorte que je crois qu'Obama ne va pas le faire en ce qui concerne Cuba, il ne va pas répéter cette position parce que c'est un acte qui coûte politiquement aux Démocrates mais il pourrait faire la même chose.
EG: Ce qui pourrait arriver dans les semaines qui viennent va être intéressant parce qu'il y a déjà un ensemble d'interprétations. J'imagine que les avocats du président doivent être en train d'affiner une stratégie concernant la façon dont il va gérer ces problèmes. Vous le croyez?
Prof. JG: Absolument. Je crois qu'ils ont certainement analysé jusqu'où ils peuvent aller avec l'autorité que leur donne la Constitution en reconnaissant que ces questions sont des questions auxquelles la réponse n'est pas facile. Dans les sujets de politique extérieure, il y a beaucoup de points d'interrogation mais oui, ils analysent jusqu'où ils peuvent aller et il me semble qu'ils n'ont pas encore atteint cette limite, ils pourraient faire plus. Le président est prudent sur ce sujet.
EG: Mais leur temps est compté parce que l'heure de la vérité1 leur tombe dessus, comme nous disons, nous, les Cubains.
Prof. JG: C'est sûr mais je crois que dans le calcul concernant ce sujet, l'élection de l'année prochaine entre en ligne de compte ainsi que les effets que ces changements concernant Cuba peuvent avoir sur le Parti Républicain parce qu' Obama est un grand stratège qui, en plus d'améliorer la politique extérieure des Etats-Unis donne un autre coup au Parti Républicain qui ne sait comment faire face au 17 décembre 2014 d'une manière efficace parce qu'il me semble que chaque jour, il va être plus difficile pour les Républicains de soutenir l'embargo.
EG: En plus, il y a une partie des Républicains qui réellement ne soutient pas l'embargo.
Prof. JG: Une grande partie parce qu'il va contre tout le secteur libéral, tout le secteur du marché libre qui s'oppose à l'embargo et aussi la partie du Parti Républicain qui s'identifie avec la Chambre de Commerce.
EG: Et j'ajouterais un troisième facteur, les véritables Républicains conservateurs parce que le conservatisme continue à être un des piliers du Parti Républicain. Les Républicains conservateurs n'approuvent pas les politiques d'ingérence du gouvernement dans la vie des citoyens, dans les entreprises.
Prof. JG: Absolument mais le Parti Républicain a traversé par des crise pendant les 10 dernières années et je crois que cette élection en particulier est un autre chapitre d'une crise dans laquelle le parti a à décider si on va aller vers l'aile la plus conservatrice, socialement parlant, ou si on va essayer de se renouveler d'une certaine manière et jusqu'à présent, il ne sait pas comment se renouveler ou se reproduire.
EG: Croyez-vous qu'avec son propre héritage, le président Obama soit en train d'aplanir le chemin à a Hillary Clinton?
Prof. JG: C'est intéressant parce que nous devons savoir si Biden va être candidat parce qu' Obama est plus loyal envers son vice-président qu'envers Hillary. On ne sait pas encore si Hillary va être la candidate, jusqu'à présent, nous pensons qu'il va en être ainsi mais entre le scandale des courriers électroniques et l'intérêt de Biden, je crois qu'on ne doit pas être sûrs qu' Hillary va être la candidate.
EG: Selon Luis Almagro, son secrétaire général, Cuba en viendra à s'intégrer à l'OEA. Moi, je n'ai entendu aucune parole de Cuba qui montre son intention de s'intégrer à ce mécanisme. Voyez-vous Cuba dans l'OEA?
Prof. JG: C'est une bonne question, moi aussi, je me le demande et non seulement à l'OEA, aussi en ce qui concerne la participation de Cuba au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale parce que, par exemple, les réformes de politique monétaire dans lesquelles s'est engagé le Parti Communiste de Cuba dans ses "Grandes Lignes", tous ces changements seraient beaucoup plus faciles si Cuba pouvait fairepartie des organismes internationaux parce que cela aiderait. Mais même les Cubains ont fait leurs calcule et une raison quelconque, ils n'ont pas mentionné cela. Maintenant, quand nous avons dit que tout à Cuba est exceptionnel, cela peut être un autre exemple de l'exception cubaine, que peut-être Cuba va attendre ou repousser un moment son incorporation dans ces organismes. Pour moi, c'est très significatif parce qu'il faut comprendre que le marché international a changé depuis le triomphe de la Révolution Cubaine et le reste du monde a vécu ce qui s'appelle "le consensus de Washington", cet ensemble de politiques de Ronald Reagan, de Margaret Thatcher et d'organismes internationaux qui, d'une certaine manière, ont restructuré le marché mondial mais Cuba n'a pas participé à cela. Cuba a pu "maintenir comme soutenable une situation insoutenable" et il est curieux que Cuba continue encore comme un pays non aligné parce qu'elle ne s'est pas incorporée au régime néo-libéral. Pour moi, il va être très intéressant de voir comment Cuba réagit et si elle trouve une certaine façon de réorganiser ses engagements socialistes dans un monde plus difficile. Nous allons voir, parce qu'il y aussi beaucoup de sympathie globale envers Cuba, la grande majorité des pays veulent que Cuba s'intègre souverainement, comme n'importe quel pays.
EG: Selon une source digne de confiance, les Etats-Unis se seraient engagés à aider dans le domaine de l’énergie t du gaz les pays d'Amérique Centrale et des Caraïbes et l'"agent de change" pour ces négociations serait Cuba. Bien que cela ne soit pas confirmé, je vous demande quand même votre sentiment sur cela. Croyez-vous cela possible?
Prof. JG: Absolument et ce serait une autre surprise, à la fois prévisible parce que Cuab serait une sorte d'"agent de change" naturel: elle est à côté des Etats-Unis et en même temps, elle a des liens avec tous ces pays et elle n'est d'aucune façon un agent de lapolitique néolibérale des Etats-Unis. Cuba a une certaine légitimité pour agir en tant qu'intermédiaire dans une région où il y a comme une nouvelle gauche dans plusieurs pays, ce qui met Cuba en position non seulement d'être un intermédiaire mais aussi d'être un leader. Cela va être très intéressant, j'imagine que cela viendra avec le temps, le gouvernement de Cuba à beaucoup de choses à envisager. Du temps au temps.
EG: Professeur, dites-moi quelque chose sur Donald Trump.
Prof. JG: L'ironie est que Donald Trump est l'idéal de ce qu'ont promis les Républicains il y a longtemps. Tous ces hommes politiques Républicains ne se sont pas arrêtés de dire que ce qui est bon, c'est l'entreprise, ce qui est mauvais, c'est l'Etat, qu'il manque un qui entrepreneur qui n'ait rien à voir avec le gouvernement et celui-ci, c'est Trump. D'une certaine façon, il est le seul qui réunit les critères qu'ils considèrent comme importants, c'est cela, l'ironie. Il y en a beaucoup qui ont honte du succès de Trump. Je le crois quand il parle, en retour, il est difficile de croire les autres.
EG: Croyez-vous que Trump pourrait conserver cette pointe et devenir le candidat Républicain? Est-ce que ce ne serait pas comme offrir la présidence aux Démocrates?
Prof. JG: Je crois que c'est improbable parce que c'est un candidat anti-institutionnel et tout l'appareil du Parti Républicain va être contre lui parce qu'ils le tolèrent mais il n'a pas le soutien du parti. Trump, ce qu'il va faire, c'est aider à provoquer une division parce qu'il représente les anti-latinos, l'Amérique profonde, celle qui ne veut pas traiter avec d'autres pays, il représente très bien cette partie. Je doute qu'il soit le candidat mais il va aussi enlever du soutien à celui qui serait le candidat Républicain.
EG: en supposant qu'il réussisse à postuler, que ce soit comme Républicain ou comme Indépendant, quels états de l'Union croyez-vous qu'il gagnerait?
Prof. JG: C'est une question intéressante. Au moins dans le nord-est. Il ne va gagner aucune côte. Si Jeb Bush n'était pas là, il gagnerait au moins le Texas parce que bien que Trump soit new-yorkais, il a une sensibilité très texane. Aussi certains états dans ce qu'on appelle "la ceinture de la haine" dans le sud, l'ancienne partie esclavagiste, plus conservatrice mais au final non, parce qu'ils iraient vers le candidat officiel du parti Républicain.
EG: Jeb Bush s'est dégonflé, il ne rêve pas, il est tombé dans les sondages. Est-ce que c'est une stratégie ou n'a-t-il plus de combustible?
Prof. JG: Il faut voir aussi avec son caractère, il n'a pas le caractère aussi belliqueux et aussi agressif, il essaie parfois de briller et ça ne lui réussit pas. Ce qui est arrivé aux Républicains, c'est qu'ils sont devenus plus violents entre eux. Je crois que Bush est comme trop gentleman pour diriger les autres candidats. Il faut voir ce qui s'est passé avec la culture des campagnes politiques. Dans les années 70 et 80, les Républicains ont aidé à introduire ce qu'on appelle en anglais “rat politic”, l'idée était d'identifier les défauts, de donner des arguments ad hominem et ils s'en sont servis contre les Démocrates mais ils se sont habitués à cela et maintenant ils l'utilisent les uns contre les autres. Et c'est pour cela qu'il y a ce degré ahurissant d'opportunisme dans le parti Républicain. Ils l'ont créé et ce qui est terrible, c'est que beaucoup aiment ça. Dans cette ambiance, Jeb Bush n'est pas aussi agressif que les autres.
EG: Et pour Marco Rubio, je ne vois pas d'opportunité ni même comme candidat de solution.
Prof. JG: Je l'ai écouté parler une fois parce qu'il était l'orateur d'une remise de diplômes à la Faculté de Droit et moi, je n'ai pas aimé ce qu'il a dit et franchement, il m'a fait peur mais il m'a fait peur parce que je me suis dit: "Il est comme un Bill Clinton de droite", il savait comment retourner les mots, il cherchait à être drôle et si tu n'écoutais pas ce qu'il disait, il semblait agréable. Si cette année n'est pas son année, elle viendra, il a beaucoup de temps pour se préparer.
EG: Réellement, ce qui se dit, c'est que lui, ce qui l'intéresse, c'est d'être reconnu, de récolter des fonds et de se lancer pour être gouverneur de Floride quand Rick Scott s'en ira.
Prof. JG: Et je crois qu'il sent que le président, ça peut être lui, comme le rêve américain sur le plan politique. Ce qui arrive aussi, c'est que ces campagnes peuvent être aussi très rentables. S'ils tu ne gagnes pas les élections, tu peux écrire un autre livre, tu peux postuler pour un autre poste ou chercher un programme de télévision. Pour les Républicains, il est très rentable de participer à cette entreprise politique.
EG: Professeur: Bernie Sanders; Hillary Clinton et Joe Biden.
Prof. JG: Il y a moins d'aspirants Démocrates que Républicains et je crois qu'il faut voir la loyauté des Démocrates envers leur parti. Il y en a beaucoup qui pourraient se présenter mais seraient ridicules et ils ne vont pas le faire. Chacun est très différent. A moi, il me semble que Bernie Sanders n'a aucune possibilité. Si c'était pour un bureau à New York ou dans le Massachusetts oui parce qu'il représente une vision très libérale mais sans possibilité. Bien qu' Hillary ait tenu jusqu'à présent en tant que candidate, j'ai l'impression que Biden va postuler et va être le candidat.
EG: Le candidat du parti?
Prof. JG: Je crois que oui. Si aujourd'hui, j'avais à choisir, je dirais que cela va être Biden parce qu'il a de la personnalité, il va avoir le soutien du président, il a énormément de relations et, autre facteur qui n'est pas un facteur juste, ce qui est sûr, c'est qu' Hillary Clinton lutte contre plus de préjugés que Biden.
EG: Mais ce serait la fin de la carrière politique d'Hillary Clinton.
Prof. JG: Bon, ça pourrait l'être. Je ne sais pas si elle accepterait d'être candidate à la vice-présidence avec Biden comme président. Nous allons voir, cela dépend de ce que décidera Biden à ce moment-là.
EG: Mais les chiffres de Biden sont très bas.
Prof. JG: Parce qu'il n'a rien fait pour être dans la compétition. Très consciemment, la semaine dernière, il y a eu cette réunion avec la sénatrice Warren du Massachusetts. C'est comme la première fois qu'on note qu'il entre en action dans cette intention. IL respecte aussi l'avantage d'Hillary Clinton. C'est aussi comme s'il faisait un tour pour voir comment il peut déclarer sa candidature d'une façon qui ne soit pas aussi agressive contre Clinton.
EG: C'est qu'il y a 3 secteurs qui soutiendraient Clinton: les hispaniques, les afro-américains et les femmes. Et après que le premier afro-descendant l'ait obtenu, ce serait symbolique d'être la première femme à arriver à la présidence des Etats-Unis.
Prof. JG: Ce serait merveilleux pour le féminisme parce qu'il me semble que ce qui se passe maintenant aux Etats-Unis, c'est que concernant la situation sociale et sexuelle, il y a beaucoup de progrès mais le droit des femmes à l'avortement est très attaqué, que d'une certaine manière nous sommes en train de revenir à la situation antérieure au cas Roe vs. Wade qui a légalisé le droit à l'avortement. A moi, il me semble que le sujet du droit des femmes est très important et je crois que Biden le soutiendrait aussi. Mais oui, ce serait un symbole magnifique d'avoir une femme à la Maison Blanche.
1La meilleure traduction serait "Quand les ânes déchargent" comme on dit en Provence.
Source en espagnol:
https://lapupilainsomne.wordpress.com/2015/08/27/ee-uu-vs-ee-uu/
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