Venezuela: Une croisade contre le para-militarisme et la contrebande
par Sofía Athanassopoulos
traduction Françoise Lopez
Pour beaucoup de Vénézuéliens, l'annonce du président Nicolas Maduro le 20 août dernier décrétant la fermeture de la frontière avec la Colombie dans l'état de Tachira était ce qu'on attendait étant donné l'augmentation inhabituelle de la contrebande aussi bien d'aliments que d'essence. A cela s'ajoute le problème persistant du trafic de drogues et du para-militarisme qui font augmenter les taux de délinquance dans la région.
Le président vénézuélien a pris cette décision après l'action du 19 août au cours de laquelle 3 soldats des Forces Armées Nationales Bolivariennes (FANB) ont été gravement blessés dans une embuscade paramilitaire dans la zone frontalière alors qu'ils réalisaient une opération anti-contrebande.
Ensuite, Maduro a décrété l'Etat d'urgence pour 60 jours dans 6 municipalités de l'état de Tachira, ce qui comprenait le déploiement le 1 500 militaires pour capturer les coupables de l'attaque des soldats vénézuéliens.
Depuis l'annonce de la fermeture de la frontière, on a capturé 32 paramilitaires et environ 1 100 Colombiens en situation irrégulière ont été déportés. Au moins 50 membres de la Garde Nationale Bolivarienne du Venezuela (GNB) et 110 fonctionnaires de police ont également été arrêtés pour leurs liens avec la contrebande d'essence et d'aliments.
Feu croisé
La situation a provoqué un violent feu croisé d'accusations entre les deux gouvernements qui a augmenté ces derniers jours. Maduro a proposé que l'Union Sud-américaine des Nations (UNASUR) débatte de ce sujet, une chose que Juan Manuel Santos a refusée.
Le président colombien avait essayé d'obtenir que le médiateur soit l'Organisation des Etats Américains (OEA) mais n'a pas obtenu les voix nécessaires pour convoquer une réunion des chanceliers de cet organisme.
Devant cet échec, Santos a annoncé qu'il recourrait à de nouvelles instances multilatérales pour "protéger les droits des ressortissants auxquels le Venezuela porte atteinte". Il a dit qu'il recourrait à la Commission Inter-américaine des Droits de l'Homme à Genève et à l'Organisation Internationale des Migrations.
Pour sa part, Maduro a déclaré: "J'ai appelé le président Santos à ce que nous ayons une réunion face à face et à ce que nous cherchions la vérité sur la base du dialogue, du respect, pas de la promotion de la haine qu'on encourage contre moi, que nous cherchions à canaliser et à résoudre ce problème à a racine."
Le président bolivarien a appelé à "établir une frontière de paix, de travail, libre de para-militarisme, de chantage, de guerre économique, de violence".
Frontière chaude
Venezuela et la Colombie partagent une frontière de 2.219 km qui s'étend sur 4 états vénézuéliens (Tachira, Zulia, Apure et Amazonas) et 7 colombiens (Guajira, Cesar, Nord de Santander, Boyacá, Arauca, Vichada et Guainia).
La contrebande d'extraction dans cet état frontalier s'est développée cette année dans le cadre de ce qu'on appelle la "guerre économique" que dénonce le gouvernement de Maduro, atteignant des niveaux incontrôlables et amenant comme conséquence la pénurie de produits de première nécessité qu'il est devenu très difficile d'acquérir pour la population vénézuélienne à cause du réseau de “bachaqueros”, des personnes qui se consacrent à l'achat systématique de produits très économiques au Venezuela et qui sont revendus en Colombie avec des bénéfices énormes.
Le 29 août, Maduro a étendu l'Etat d'Urgence à 4 autres municipalités de Tachira, ce qui fait 10au total et a ordonné la mobilisation de 3 000 militaires pour "nettoyer la zone du para-militarisme, de la criminalité, des enlèvements et du trafic de drogues", a-t-il assuré.
"Quand j'ai décidé de fermer la frontière jusqu'à Cucuta, ce jour-là avec ce point ferme et que personne ne va faire plier, s'est achevée l'histoire de 60 ans de douleur de la frontière du Venezuela. C'était faire justice aux peuples démunis du Venezuela et de Colombie”. Maduro a déclaré que sa patience a atteint ses limites avec la situation sur la frontière et a rappelé la réunion qu'il a eue il y a 1 an avec Santos pour envisager avec lui de combattre la contrebande. "Un an après, il n'a rien fait", a-t-il déploré.
Le président vénézuélien a assuré qu'il n'ouvrira pas la frontière vers le nord de Santander tant que le Gouvernement de Colombie n'aura pas interdit la vente de produits vénézuéliens qui entrent sur son territoire par la voie de la contrebande et tant qu'on n'en a pas fini avec l'attaque de la monnaie.
Réactions à la fermeture
En apprenant cette mesure, Santos l'a critiquée avec force, dit qu'elle était injustifiée et n'allait pas résoudre le problème de la contrebande et de l'insécurité dans cette zone. "Fermer la frontière cause des préjudices à beaucoup de gens d'un côté et de l'autre de la frontière et provoque beaucoup d’inconfort parce beaucoup d'innocents paient les pots cassés", a-t-il déclaré.
Le 26 août, la chancelière Delcy Rodríguez a rencontré son homologue colombienne Maria Angela Holguin à Carthagène et elles ont convenu d'une future réunion entre les ministres de la Défense des 2 pays. Holguin a déclaré que cette rencontre fut l'une des plus franches qui a eu lieu avec le Venezuela. Elle a reconnu que la contrebande "fait d'immenses dégâts à l'économie vénézuélienne" mais a demandé la prompte ouverture de la frontière.
Pour sa part, Rodríguez a rappelé que depuis le début du conflit armé en Colombie il y a presque 60 ans, le Venezuela a donné refuge à des millions de citoyens de ce pays déplacés par la violence. Le chiffre est estimé à plus de 5 000 000.
Pour le gouverneur de l'état de Tachira, la situation est très complexe, étant donné qu'il considère que la Colombie ne s'occupe pas de ces problèmes et que cette inaction dans la lutte contre la contrebande et le trafic de drogues a généré une économie qui gère 7 000 millions de dollars dans cette zone et sans rendre de comptes à personne. "Nous, nous nourrissons pratiquement 8,2 millions de Colombiens qui se trouvent dans les différents départements limitrophes avec le Venezuela. Et je ne sais pas pourquoi, nous, les Vénézuéliens, nous continuons à penser que c'est la faute de nos autorités. C'est uen situation binationale", a-t-il souligné.
Des solutions conjointes pour un problème humanitaire
Face à "ce qu'on appelle la guerre économique" que le gouvernement de Maduro a dénoncé en tous lieux et dont il affirme que c'est la cause de la pénurie de produits de première nécessité, de la contrebande et de la spéculation, une enquête réalisée récemment par le célèbre institut de sondages Hinterlaces révèle que 59% de la population vénézuélienne est d'accord avec la fermeture de la frontière.
Face à tous ces faits, le gouvernement colombien a accusé le Venezuela de violer les droits de l'homme en déportant des personnes. A ce sujet, le Défenseur du Peuple du Venezuela, Tarek William Saab, qui s'est rendu dans la zone limitrophe avec le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (ACNUR), Monica Sandri, a signalé que ni la Défense du Peuple ni l'ACNUR n'ont enregistré de cas de déportation de réfugiés et que les personnes rapatriées ont été celles qui ne possèdent pas de papiers ou dont on aprouvé les liens avec le para-militarisme et/ou la contrebande.
Pour Saab, que des millions de Colombiens choisissent d'être au Venezuela démontre que leurs droits en tant qu'êtres humains sont respectés, en plus de quoi ils jouissent de services gratuits de santé et d'éducation et de la possibilité d'avoir un logement digne et des aliments de base à des prix accessibles.
Le Défenseur a demandé au gouvernement de Santos de présenter un plan concret qui contribue à la paix et à la sécurité sur la frontière entre les deux pays et qui en finisse avec le para-militarisme, le trafic de drogues et la contrebande.
Source en espagnol:
http://www.avn.info.ve/contenido/venezuela-una-cruzada-contra-paramilitarismo-y-contrabando
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