Venezuela: Il ne suffit pas d'avoir la majorité à l'Assemblée Nationale

Publié le par cubasifranceprovence

Ultimas Noticias, 10 janvier 2016

traduction Françoise Lopez

La Constitution ne prévoit pas d'amnistie pour des délits de violation des Droits de l'Homme et des crimes contre l'Humanité.

ÚN | Magdalena Rodríguez Bencomo.- Selon l'avocat constitutionnaliste Hermann Escarrá, "Il ne suffit pas d'avoir la majorité à l'Assemblée Nationale (AN), les procédures fixées par la Grande Charte doivent être suivies pour guider son action."

Dans une interview par téléphone accordée à Ultimas Noticias le jeudi 7 janvier dans la matinée, face aux déclarations des Forces Armées Nationales Bolivariennes (FANB) à propos du retrait des portraits du Libérateur du siège de l'Assemblée Nationale, Escarrá a expliqué sa position juridique sur divers sujets nationaux.

Quelle est votre vision et quelles sont vos attentes concernant la majorité obtenue par l'opposition à l'Assemblée Nationale?

Cette nouvelle situation doit être vue dans le cadre du déroulement normal de la démocratie, dans l'idée du pluralisme exprimée dans l'article 2 de la Constitution et, évidemment, dans le cadre des règles et des valeurs du processus constituant de 1999 et reflété dans la Constitution de la République. L'opposition obtient une majorité sans précédent qui lui donne, de façon générale, (j'oublie là le thème juridique des députés suspendus) toutes les majorités que prévoit le texte de la Constitution: la majorité de 30%, la majorité simple et la majorité absolue, la majorité des 3/5 et celle des 2/3 dépendra de ce qui se passe entre la Cour Electorale du Tribunal Suprême de Justice (TSJ) et l'Assemblée Nationale. Je le vois comme un événement normal en démocratie mais, évidemment, avec des conséquences politiques très importantes parce que maintenant, un secteur a toutes les majorités prévues dans la Constitution.

Dans ce contexte, que peut et que ne peut pas faire cette majorité de députés à l'Assemblée Nationale?

Au début, plusieurs porte-paroles de l’opposition ont dit qu'ils étaient en conditions pour remplacer le TSJ, le Pouvoir Citoyen, poursuivre le Président de la République, faire cesser le Gouvernement National. La vérité est que cela n'est pas rigoureusement certain. Les majorités doivent répondre aux normes de la Constitution qui ont plusieurs caractéristiques. La première est qu'elle ne peut pas se substituer aux magistrats du TSJ s'il n'y a pas une déclaration ou une enquête dûment menée au Pouvoir Citoyen qui devrait émettre une déclaration de faute grave pour qu'alors, puisse être soumis à la considération de l'Assemblée Nationale tout ce qui concerne l'éventuelle destitution des magistrats. De même, on ne peut affirmer qu'elle peut remplacer le Pouvoir Citoyen ou le Conseil National Electoral (CNE), entre autres raisons parce que celle demande une sentence du TSJ sur la commission présumée de fautes punissables ou d'irrégularités ou de fautes graves. Cela supposerait une procédure du TSJ et c'est après cette sentence, qu'on pourrait le soumettre à la considération du Parlement et appliquer la majorité correspondante. Cela nous fait penser que la Constitution veut avoir un système de poids et de contrepoids entre chaque pouvoir comme seul mécanisme possible pour maintenir l'autonomie des pouvoirs et non la distorsion des pouvoirs. Il suffit de dire alors qu'il ne suffit pas d'avoir les majorités, qu'évidemment, l'opposition a à l'Assemblée Nationale mais qu'il faut suivre les procédures prévues dans la Constitution.

En ce qui concerne le Président de la République, le président de l'Assemblée Nationale, dans son discours d'installation, a signalé qu'en 6 mois, ils travailleraient à ce que parte l'Exécutif et en particulier le Président de la République. Ensuite, ils ont ajouté qu'ils le feraient dans le cadre de la Constitution. La seule façon réalisable, possible, est celle que prévoit l'article 233 sur ce qu'on appelle les absences absolues: la mort, la démission, la destitution décrétée par le TSJ, l'incapacité physique ou mentale certifiée par un Ensemble de Médecins et une sentence du TSJ et l'abandon de poste, tout cela demandant l'intervention du TSJ en premier lieu et, en second lieu, de l'Assemblée Nationale, à l'exception de la mort et de a démission. L'autre aspect est que le referendum révocatoire n'est pas une initiative de l'Assemblée Nationale mais une initiative populaire comme le dit expressément la loi: quand, à la mi-mandat, il a été demandé par au moins 20% des électeurs inscrits, conformément à ce que prévoit l'article 72. Je crois qu'un peu plus de 3 millions d'électeurs devraient faire la demande devant le Conseil National Electoral qui la vérifiera et vérifiera les signatures et seulement ensuite, se ferait le referendum révocatoire. Au contraire, le Président de la République a 2 instruments importants: le referendum consultatif, prévu à l'article 71 de la Constitution pour des choses d'une importance nationale particulière et qu'il peut demander au Conseil des Ministres. L'autre voie qu'il y aurait face à une situation radicalisée est celle de l'amendement de la Constitution qui, lorsque c'est le Président de la République qui le demande au Conseil des Ministres, ne passe pas par l'Assemblée Nationale mais va directement au Pouvoir Electoral qui devra la soumettre à la consultation du peuple dans les 30 jours suivant sa réception officielle comme il est prévu dans l'article 341 de la Constitution. De sorte que les partis ont des institutions, des procédures, des principes, des garanties. Je suis de ceux qui croient, comme je l'ai dit au Haut Commandement Militaire, à la recherche de la paix, de a réconciliation, d'un ordre du jour national dans lequel il y ait des coïncidences à partir des différences et il y a 3 voies pour cela: le pacte de gouvernabilité qui dépend de a relation entre les partis et le Gouvernement mais qui comprendrait aussi l'Eglise, les chefs d'entreprises, les groupes sociaux, c'est à dire les représentants de tous les secteurs de al vie nationale pour obtenir un code de conduite basé sur la démocratie, le respect des droits de l'homme, la reconnaissance des partis. Et la troisième (sic) dans une situation beaucoup plus grave dans laquelle nous pensions qu'il n'y a pas de solution: la convocation du pouvoir d'origine du peuple pour réorganiser les règles du jeu soit en modifiant la Constitution soit en prenant des décisions essentielles pour la réorganisation de l'Etat de telle sorte que la Constitution, pour moi, est une prière pour la paix dans laquelle nous pouvons nous, tous les Vénézuéliens, nous rencontrer pour atteindre la concorde et la tolérance pour résoudre les très graves problèmes du pays.

Dans ce contexte, le président de l'Assemblée Nationale, Henry Ramos Allup, a appelé le Gouvernement au dialogue dans son discours d'installation. Croyez-vous que ce dialogue est réalisable en ce moment?

Le dialogue est toujours possible mais il faut qu'il soit sincère. Inviter au dialogue et auparavant, dire qu'en 6 mois, le départ du Président de la République doit être obtenu, est un acte très déplacé et très peu civique pour stimuler un dialogue véritable comme le pays l'exige. De toute façon, il a le droit d'envisager ce qui lui convient.

L'Assemblée Nationale a fait prêter serment à 3 députés d’opposition d'Amazonas sur lesquels pèse une mesure préventive de la Cour Electorale du Tribunal Suprême de Justice. Le Grand Pôle Patriotique allègue les actions de l'Assemblée Nationale, à partir de cet instant, sont entachées de nullité et sont en infraction. que pouvez-vous dire à ce sujet?

La vérité a été un acte de rébellion devant une sentence du Tribunal Suprême de Justice, il a dû espérer qu'on avance sur le fond de la sentence où il y aurait seulement 3 options:

- qu'il n'y ait pas de culpabilité, que les preuves présentées sur l'achat de voix et autres délits électoraux soient insuffisantes. Alors, ils seraient réintégrés immédiatement.

- qu'effectivement, il y ait des preuves suffisantes de la commission d'un délit punissable et alors ils ne peuvent pas être députés. alors, il y a une nouvelle élection. Par conséquent, cette précipitation, cette façon de gérer cette situation, leur faire prêter serment et ensuite leur dire de sortir, certainement entache de nullité non seulement les actes, les votes, les propositions parlementaires de ceux-ci mais aussi entache de nullité les actions parlementaires sans forme de loi et tout acte normal du Parlement à partir de là. Le seul qui a le pouvoir juridictionnel constitutionnel est le Pouvoir Judiciaire, pas le Pouvoir Législatif qui a la faculté de légiférer, d'enquêter et de contrôler l'administration publique et l'Etat. De plus, la doctrine de la Constitution stipule que quand l'autorité est usurpée, non seulement ses actes sont nuls mais qu'ils sont inefficaces, n'existent pas.

Et comment cette situation pourrait-elle être résolue?

Je cris que cela va dépendre du Tribunal Suprême de Justice à qui il va revenir maintenant de prendre des mesures, de mettre en ordre, de faire respecter et exécuter sa décision pour être garant de ses propres décisions pour sue l'Etat de Droit soit préservé. De telle sorte que, je présume, les cours correspondantes du Tribunal Suprême de Justice prendront les décisions n'importe quand.

En ce qui concerne l'amnistie, quelles sont les limites aux possibilités de l'Assemblée Nationale et quel est le pouvoir du Président pour la contester?

La première chose, c'est que, dans les règles d'ouverture, qui s'appellent ainsi, de la Constitution Nationale, dans l'article 7, il est prévu que tous les organes du Pouvoir Public sont soumis à celles-ci. Par conséquent, le Parlement doit respecter la Constitution de la République et l'article 29 signale expressément que quand il s'agit de délits comme ceux de crime contre l'Humanité ou de violation graves des droits de l'homme, non seulement on parle de leur imprescriptibilité mais il est dit que ces délits sont exclus de toute mesure qui amène à l'impunité comme la grâce ou l'amnistie. De telle sorte que si (la loi d'amnistie) s’applique à des personnes condamnées pour ces délits, elle viole directement l'article 29 de la Constitution. La responsabilité du Président alors est de mettre son veto à la loi, c'est à dire qu'il fait les objections concernant la Constitution et, en tout cas, il l'envoie à la Cour Constitutionnelle pour qu'elle se prononce sur la conformité de cette loi à la Constitution.

Je voudrais préciser, parce que j'ai été un des premiers à traiter ce sujet, nous, nous ne nous sommes référés à rien de particulier ni à aucune situation politique. Nous, ce dotn nous parlons, c'est de ce que dit la Constitution. Et elle dit que quand il s'agit de violation des droits de l'homme et de crimes contre l'humanité, ils ne peuvent pas prendre le chemin de l'impunité.

Motions de censure.

Sur les motions de censure que l'Assemblée Nationale peut approuver contre le Vice-président Exécutif et les ministres, Escarrá a déclaré clairement qu'ils "peuvent faire voter le Parlement après qu'aient été garantis les droits fondamentaux de défense, d'opportunité, d'assistance juridique, d'égalité, d'évaluation de la preuve, entre autres et une fois le vote effectué, il faudrait distinguer s'il s'agit du Vice-président et si dans la même période constitutionnelle, 3 motions de censure sont votées, le Président peut dissoudre l'Assemblée Nationale et dissoudre signifie qu'il y a d'autres élections.

L'approbation d'une motion de censure contre le Vice-président par au moins les 3/5 des députés implique sa destitution, c'est pareil pour les ministres. Mais nous oublions que toutes les actions sont sujettes au contrôle de leur constitutionnalité par le Tribunal Suprême de Justice pour savoir si le vote a été correct ou propre, politique ou intéressé et là, le Tribunal devrait intervenir."

En ce qui concerne la situation provoquée par la non publication au Journal Officiel des lois qui sortent de l'Assemblée Nationale, évoquée par le bloc au pouvoir, l'avocat et professeur d'université a expliqué que "la Constitution elle-même prévoit cette situation et il reviendrait à l'Assemblée Nationale d'exécuter le dernière phase de la loi et elle la publiera dans le Journal du Parlement qui a la même valeur en ce qui concerne les effets de la Constitution... Et je crois que c'est un exercice qu'il faudrait éviter parce qu'à la fin, l'Assemblée Nationale peut prendre cette décision et faire entrer en vigueur n'importe quelle loi."

Source en espagnol:

http://www.ultimasnoticias.com.ve/noticias/actualidad/politica/hermann-escarra-no-es-suficiente-tener-mayoria-en-.aspx#ixzz3wvIcBKxy

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