CRISE DES MISSILES 5: UNE REUNION HISTORIQUE ET UNE DECISION DE DERNIERE HEURE
Ruben G. Jimenez Gomez
Le commandant Raùl Castro Ruz arriva à Moscou le 2 juillet 1962, à la tête d'une délégation de haut niveau. Le but de la visite était d'avoir des conversations avec Nikita Khroutchëv et Rodion Malinovski pour examiner les bases de l'accord qui serait passé entre les deux pays.
Raùl rappela le critère et les arguments du Commandant en chef Fidel Castro, de rendre public l'accord militaire cubano-soviétique comme acte souverain entre deux états. Cependant, la partie soviétique insista pour garder l'opération secrète , chose impossible à réussir étant donnée son envergure et le survol systématique de Cuba par les avions espions nord-américains .
Le 7 juillet, le maréchal Malinovski informa Khroutchëv que le Ministère de la Défense était prêt pour commencer l'Opération « Anadyr » et celui-ci approuva officiellement le Plan de l'Opération. Le commandement et l'état major du Groupement des Troupes Soviétiques à Cuba avaient déjà été formés pour ce moment-là et on supposait que serait désigné comme chef de celui-ci , le lieutenant général Pavel Dankevitch, 44 ans, commandant de l'armée aérospatiale qui avaient servi de base à la création de l'état major du Groupement et de la division aérospatiale stratégique. Une rencontre fut planifiée, entre Khroutchëv et le commandement du Groupement qui devait ensuite partir à Cuba par un vol spécial.
A la réunion participaient , en plus du maréchal Malinovski et du colonel général Ivanov, le colonel général Davidkov, les lieutenants généraux Dankevitch et Grechko et les majors généraux Dementiev, Garbuz et Abashvili. En arrivant, Khroutchëv salua ceux qui étaient présents par un mouvement de la main et commença son intervention. Il parla environ quarante minutes : ému, énergique, convaincant, accompagnant son intervention de gestes, captivant par sa sincérité, sa logique et sa véhémence, selon ce que rapportèrent certains des participants à la réunion.
Nikita Sergueievitch commença son intervention en disant : « Nous, au Comité Central, avons décidé de semer des épines sur le chemin des Etats-Unis , installer à Cuba nos missiles pour qu'ils ne puissent pas bouffer l'Ile de la Liberté. Nous avons l'accord de la partie cubaine. Le but de cette opération est un : aider la Révolution Cubaine à résister , la protéger contre l'agression des nord-américains. La direction politique et militaire de notre pays, soupesant multilatéralement toutes les circonstances, ne voit aucun autre chemin pour empêcher l'attaque de l'Amérique du Nord qui, selon nos informations, se prépare intensément. Quand les missiles seront installés, ils comprendront que s'ils veulent châtier Cuba, il faudra qu'ils aient affaire à nous ». Khroutchëv souligna avec insistance dans son intervention que le Gouvernement soviétique ne pensait pas à provoquer un conflit nucléaire ou à utiliser la place d'armes de Cuba pour tirer un coup nucléaire préventif contre les Etats-Unis , il répéta qu'ils ne voulaient pas la guerre, que la question de l'utilisation des moyens nucléaires en cas de situation de crise ou d'intervention nord-américaine à Cuba serait décidée par Moscou et seulement par Moscou. Et il ajouta : « Etre préparés, mais non frapper », en signalant ensuite : « Nous ne les envoyons pas à la guerre,elle n'aura pas lieu , sinon pour défendre la Révolution Cubaine, pour que les Nord-américains sachent qu'il existe des forces pour les affronter.
Ensuite, Khroutchëv expliqua pourquoi ils s'étaient décidés à réaliser toute l'opération en secret et dit que s'ils réussissaient à s'accrocher à Cuba, les Nord-américains se verraient obligés de s'adapter aux événements, à cause de cela les troupes à Cuba devraient maintenir une disposition combative élevée et la volonté de mettre l'agresseur en déroute. Il déclara qu'avec les Cubains , on avait passé un accord qui serait rendu public sans faute quand les missiles seraient installés et ajouta que l'Amérique du Nord ne reconnaît que la force, c'est pourquoi il fallait garantir le caractère de secret absolu du déploiement rapide des troupes , en particulier des complexes aérospatiaux.
Soudainement, en se dirigeant vers les participants, Khroutchëv demanda :
« Qui est le conseiller principal de Fidel ? »
Il se planta devant le major général Alexei Dementiev, et l'interrogea :
« Qu'en pensez-vous, on pourra garder secrète l'installation de nos missiles à Cuba ?
- Non, Nikita Sergueievitch, ce n'est pas possible » fut la réponse.
« Pourquoi ? » demanda alors le Premier Ministre.
Alors, le général Dementiev expliqua avec précision et des arguments bien fondés son point de vue général sur le problème, attirant l'attention sur le fait que le paysage cubain ne cachait pas le matériel aérospatial . Il expliqua que les régions de lancement choisies étaient des plaines toutes plates, sans grandes forêts, dans lesquelles il n'y avait nulle part où cacher un missile. Quand Dementiev exprima ce point de vue , le ministre de la Défense le poussa du pied sous la table, essayant d'interrompre ses manifestations ultérieures. Le fait était que l'envoi des missiles à Cuba était soutenu par Malinovski lui-même. Mais en l'honneur du conseiller militaire qui connaissait bien la situation cubaine, celui-ci maintint fermement son point de vue , bien qu'il comprenne que dans ce problème, il allait contre, en plus, l'idée de Khroutchëv lui-même. Et a la fin de cette analyse, il conclut :
« Le plus probable est qu'on arrive à amener les missiles secrètement , mais il ne sera pas possible d'équiper les positions de lancement et encore moins d'y maintenir les missiles pour un temps prolongé sans que l'ennemi ne le voit. »
A en juger par sa réaction,les arguments du général Dementiev produisirent une sérieuse impression sur Khroutchëv et bien que celui-ci n'ait pas renoncé à l'idée de transporter les missiles jusqu'aux portes des Etats-Unis, il regarda Malinovski et dit pensivement :
« Il faut réfléchir. »
En réalité, l'observation de Khroutchëv signifiait seulement la modification du plan de transport des unités, de sorte que, quand elles arriveraient à Cuba, les unités aérospatiales stratégiques seraient mieux protégées.
Ensuite, Nikita Sergueievitch demanda au lieutenant général Dankevitch de parler brièvement de sa personne, de son passage par le service militaire. Il l'écouta attentivement, sans poser de questions et quand celui-ci eut terminé, dit de façon inattendue pour tout le monde :
« Nous , nous le penserons toujours. Ne vous en offensez pas. »
Plus tard, on a su qu'à ce moment-là, quand cette rencontre se produisit, le général d'armée Issa Alexandrovitch Pliev, qui jusque là était le commandant de la Région Militaire du Caucase Nord, avait été encore appelé au Kremlin. Ce même jour, Khroutchëv rencontra le général Pliev, approuva sa nomination comme commandant du Groupement des Troupes Soviétiques à Cuba et signa le document dans lequel était désigné le commandement de celui-ci, le départ vers Cuba fut ajourné jusqu'au 10, pour que le nouveau chef puisse se mettre à jour.
Apparemment, il était adéquat de mettre un commandant de troupes générales, avec une expérience et de l'autorité, à la tête d'un Groupement de plusieurs milliers d'hommes qui était quelque chose hors du commun, et dans la composition duquel se trouvaient de grandes unités et des unités de différentes sortes des Forces Armées . Parmi les candidats à cette charge , se trouvait le nom du général Pliev, célèbre chef militaire de la Grande Guerre Patriotique, décoré deux fois du titre de Héros de l'Union Soviétique, qui possédait une expérience considérable dans le développement d'actions de combat avec manoeuvres. Dans la période qui a suivi la guerre, il avait commandé avec succès une armée et une région militaire.
De cette façon, le commandement du Groupement était composé ainsi :
Commandant en chef du Groupement – Général d'armée Issa Pliev ;
Premier substitut du commandant – lieutenant général Pavel Dankevitch ;
Chef de la Direction Politique – major général Pavel Petrenko ;
Chef d'état major – lieutenant général Pavel Akindinov ;
Substitut du commandant et chef du Groupe de Spécialistes Militaires Soviétiques à Cuba – major général Alexei Dementiev ;
Substitut du commandant pour la Défense Antiaérienne – lieutenant général Stepan Grechko ;
Substitut du commandant pour les Forces Aériennes – colonel général Viktor Davidkov ;
Substitut du commandant pour la Marine de Guerre – vice-amiral Gueorgui Abashvili ;
Substitut du commandant, ingénieur principal – major général Viktor Slizniev ;
Substitut du commandant pour l'Arrière-garde – major général Nicoaï Pilipenko ;
Substitut du commandant pour la Préparation au Combat – major général Leonid Garbuz.
Le 10 juillet, la concentration des unités du premier échelon dans les ports d'embarquement avait été pratiquement réalisée et on commençait à charger les troupes et les armes dans les bateaux. En général, le processus de chargement des bateaux marchands s'effectuait de façon organisée aux endroits établis, bien qu'il faille signaler qu'il requérait une précision et une coordination exceptionnelles dans ce qui était en relation avec l'arrivée des bateaux et des troupes dans les ports désignés , car la plus petite erreur ou e pus petit retard interrompait le chronogramme tendu élaboré.
La technique de combat était chargée dans les magasins des bateaux, pendant que sur les ponts étaient placés les moyens communs de transport, le matériel agricole ou d'autres branches de l'économie, comme les citernes d'essence et d'huile, les postes de soudure, les remorques avec des charges diverses, les petites caisses, les moyennes et les autres. Beaucoup de ces objets étaient peints de différentes couleurs, au lieu du vert réglementaire , pour qu'ils ressemblent à du matériel économique. Les équipements spéciaux qui ne rentraient pas dans les magasins étaient recouverts avec des planches , pour qu'ils aient l'air de faire partie de la superstructure du bateau ; pour éviter l'exploration par les moyens infrarouges , les planches étaient recouvertes de lames métalliques et celles-ci étaient peintes.
Le 10, le général Pliev se rendit à Cuba en avion avec le commandement du Groupement et une partie du groupe avancé de reconnaissance. Ils volèrent sous la couverture de spécialistes de l'aviation civile. Quand Khroutchëv, en présence du maréchal Malinovski et du colonel général Ivanov, leur donnèrent les dernières instructions, surgit la question de l'utilisation des armes nucléaires tactiques ; Nikita Sergueievitch resta pensif quelques instants et ensuite, accorda à Pliev le droit de les employer à sa discrétion pour défendre l'Ile, soulignant que ce serait au cas où il ne serait pas possible d'établir de communication avec Moscou, qu'il devait très bien examiner la situation existante et seulement alors, prendre une décision ; que dans un cas aussi sérieux, il ne devait pas y avoir de hâte. Cette autorisation fut donnée oralement, de façon non officielle. La façon dont a été relatée la prise de cette très importante décision dans ce qui a été publié à ce sujet, comme si personne ne s'était rendu compte jusqu'à ce moment-là de ce qu'il faudrait faire, laisse l 'impression qu'on improvisait.
Khroutchëv insista, de plus, en parlant au général Pliev, sur le fait que seule Moscou pouvait décider qu'on tirerait avec des armes nucléaires sur des cibles situées sur le territoire continental des Etats-Unis , un acte qui provoquerait, presque certainement, une réponse nucléaire totale de la part de Washington. Cependant, il est évident que le dirigeant soviétique voyait d'un autre œil les armes nucléaires tactiques qui seraient utilisées sur le champ de bataille. Il pensait sans doute qu'avec leur courte portée et leur faible puissance, elles ne constituaient pas un grand risque de provoquer des représailles de grande envergure. De toutes façons, on ne pouvait pas considérer qu'il n'y avait pas une possibilité élevée que quelque explosion nucléaire que ce soit qui se produirait à Cuba pendant un combat contre les forces nord-américaines puisse provoquer une réponse nucléaire, et pas seulement contre les Soviétiques qui se défendraient à Cuba.
A LA MER !
Le 12 juillet 1962, les premiers bateaux prirent la direction des côtes encore inconnues. Pour tous, il était clair que cette action constituait une aide armée , mais personne ne savait avec certitude à qui on la prêtait. Le temps moyen de chargement des bateaux marchands avait été de 2 – 3 jours , en journées de 24 heures. Dans cet intervalle, le personnel posa de nombreuses questions aux membres des groupes d'opérations sur la destination et les objectifs du voyage, on leur expliquait la variante usée des exercices stratégiques avec transport de troupes et d'armement par la mer jusqu'au nord lointain, mais ils n'étaient pas satisfaits et demandaient : « Alors pourquoi ils ne nous ramassent pas les cartes du parti , de la jeunesse et les papiers militaires ? » Les capitaines des bateaux qui étaient également intrigués, demandaient : « Pour quelle région faut-il demander les cartes et les manuels de navigation ? » et restaient perplexe lorsqu'on leur répondait : « Pour le monde entier ». On avait interdit d'entrer dans des ports intermédiaires pendant la traversée, il se passera ce qui se passera, on devrait se défendre si les forces contre-révolutionnaires attaquaient le navire et il faudrait couler le bateau s'il y avait danger qu'il soit capturé. On ordonna que les détroits du Bosphore et des Dardanelles soient passés sans pilotes , pour limiter au maximum le séjour d'étrangers à bord. Pour cette occasion, on avait préparé des cadeaux qui contenaient de la vodka, du caviar, et autres délices, qu'on descendaient avec une corde aux pilotes turcs, après cela les capitaines recevaient l'autorisation de continuer sans aucun problème.
Le premier bateau à passer les détroits fut le Maria Ulianova, qui traversa de nuit la ville d'Istambul ; la vie nocturne y bouillonnait et personne ne soupçonnait que dans les entrailles de ce pacifique bateau se cachaient des hommes qui allaient écrire l'histoire. Pour l'information externe, on utilisait certaines légendes : les bateaux amenaient de la technique agricole, ils se rendaient quelque part avec une cargaison ou des passagers ou autre chose. La presse contribuait aussi à désinformer l'opinion publique mondiale , alors on publia qu'on avait augmenté les traversées de bateaux marchands vers Cuba avec des produits alimentaires, des médicaments, etc...
Quand les bateaux furent sur le point de partir, furent remis au capitaine deux enveloppes et un paquet sellés et cousus pour plus de sécurité. On leur indiqua d'ouvrir la première enveloppe après être sorti des eaux territoriales de l'URSS , que cela devrait se faire en présence du capitaine, du chef du convoi militaire et du fonctionnaire du département spécial du KGB qui voyageait sur le bateau. Si, par exemple, le bateau partait d'un des ports de la Mer Noire, en ouvrant la première enveloppe, ils lisaient : « ouvrir la seconde enveloppe après avoir passé le détroit des Dardanelles ». Quand ils ouvraient la seconde, ils trouvaient un papier qui disait : « Ouvrir le paquet après avoir passé le détroit de Gibraltar. » et en l'ouvrant, ils trouvaient l'indication : « Dirigez-vous vers Cuba, port de destination Cabañas ». Là aussi, ils trouvaient le matériel d'étude sur Cuba et on indiquait que l'étude du matériel commencerait avec tout le personnel, éclairant l'importance de l'accomplissement de cette mission gouvernementale spéciale. On indiquait que durant la préparation du personnel,furent utilisés les membres des équipages qui avaient été avant sur l'île de Cuba. La préoccupation de secret se transmit y compris dans la dernière proposition de document que chaque capitaine et chef de convoi militaire ouvrirait en haute mer , alors on décida que celui-ci devrait être détruit après avoir été lu et son contenu expliqué .
Le document fondamental qui réglementait la traversée par mer était les « Instructions au capitaine du bateau et au chef du convoi militaire », également approuvé par les ministres de la Défense et de la Marine Marchande. Ce document conférait une responsabilité énorme aux capitaines de bateaux, à ceux-ci étaient subordonnés les chefs du convoi militaire et tous ses membres. Le capitaine était responsable de la traversée du bateau sur la mer et de l'arrivée à destination du personnel, de l'armement, du matériel et des autres biens, et était le seul qui avait le droit de prendre des décisions si des complications survenaient pendant le voyage, pour quelque raison que ce soit.
Une des questions les plus complexes et difficiles pendant la réalisation de l'Opération « Anadyr » fut celle de la protection et de la défense des troupes et de leur matériel pendant la traversée de l'océan. Etant donné le caractère secret de l'action, on ne pouvait pas parler de l'accompagnement des transports par des unités de surface de la Marine de Guerre, formant des convois de bateaux, alors que les sous-marins ne pouvaient remplir cette fonction entièrement, en plus du fait qu'ils seraient découverts. A cause de cela, l'EMG , dans ses plans d'opérations, se basait fondamentalement sur le caractère secret : le transport du Groupement de Troupes sous la bannière des transports de marchandises. Cependant, sur chaque bateau, le personnel était organisé et apportait son armement personnel, pour que soit toujours garantie une protection minimale avant toute attaque de diversion, car ils avaient des fusils automatiques, des mitrailleuses, des lance-missiles antichars portatifs et d'autres moyens , et comme nous le verrons plus loin, on arriva à installer des canons antiaériens de petit calibre sur les bateaux.
En dépit des mesures prises pour préserver le secret de l'Opération, dès les premiers instants surgirent de petites erreurs et déficiences dans la coordination qui mirent en péril la réussite de cet objectif. Par exemple, le fait de ne pas prendre à bord soudainement les pilotes amena immédiatement des soupçons , alors que jusqu'à présent, la compagnie maritime ne permettait pas que les bateaux marchands passent les détroits indépendamment, parce que les Turcs prenaient la vodka, se régalaient avec le caviar et parlaient à qui de droit de cette attitude suspecte et inhabituelle ; quand le bateau de passagers Amiral Najimov fit les démarches pour passer le détroit du Bosphore, ils informèrent qu'ils se dirigeaient vers le Golfe de Guinée avec les équipages de relève pour la flotte de pêche, mais le fonctionnaire turc qui s'en occupait demanda qu'il dise au capitaine qu'il se dirige vers Cuba avec des touristes et ajouta : « Cela a été transmis aujourd'hui par l'Agence TASS, avant d'embarquer, tous les voyageurs reçurent des vêtements civils mais le résultat fut qu'à l'écrasante majorité, on donna des chemises à carreaux, et c'était comme s'ils avaient eu des uniformes : jusque par leurs vêtements, en plus de leur physionomie et de la langue qu'ils parlaient, les militaires soviétiques se distinguaient considérablement de la population cubaine ; plus tard, les soldats plaisantèrent en disant qu'ils participaient à une opération très secrète appelée « chemises à carreaux ». Ceci était dû au fait que les spécialistes en arrière-garde du Ministère de la Défense avaient sélectionné une tenue civile qui ne se salirait pas facilement.
Mais, de plus, étant donné que les bateaux transportaient essentiellement du personnel et de l'armement, une grande partie des magasins restait vide ; à cause de cela, la charge de beaucoup de bateaux était considérablement inférieure à ses capacités et les lignes de flottaison de ceux-ci se maintenaient très au-dessus du niveau de l'eau ; cela, en plus d'être de nature à démasquer ce qui se passait, était très incommode pendant les traversées, car cela diminuait la stabilité des bateaux et ceux-ci bougeaient beaucoup, en particulier quand il faisait mauvais temps.
Comme si ce n'était pas assez, l'augmentation brusque de l'intensité expérimentée dans les mouvements de la flotte marchande soviétique vers Cuba pendant l'été 1962 attira l'attention des services de renseignements occidentaux appartenant à l'OTAN qui se rendirent compte qu'il y avait là « anguille sous roche » et demandèrent leur avis à leurs collègues nord-américains. De toutes façons, ils purent déterminer avec une certaine rapidité que l'envoi d'armement à Cuba avait augmenté, ce qui continua à être secret, pendant quelques trois mois encore, fut que c'étaient des unités de combat soviétiques, avec tout leur matériel et que parmi celui-ci se trouvaient des armes nucléaires de moyenne portée.
Ce même 12 arriva à La Havane, le groupe de direction du Groupement de Troupes Soviétiques (ATS) , avec à sa tête le général d'armée Pliev. Cependant, ceux-ci furent présentés comme « spécialistes de l'agriculture »... ils avaient changé de spécialité pendant le voyage. Dans ce groupe d'origine se trouvait le major général Statsenko avec une avant-garde de la division aérospatiale stratégique, pour commencer à travailler sur la sélection des zones de campement des régiments et des bases techniques pour les missiles.
Le lendemain, le commandant Fidel Castro les rencontra tous pour leur souhaiter la bienvenue et leur offrir toute la coopération nécessaire. Le 14 juillet 1962, fut réalisé un plan de travail des avant-gardes de reconnaissance, dans lequel il était stipulé qu'on commencerait les opérations de reconnaissance en survolant, d'abord, la partie occidentale de Cuba et ensuite, le centre. Les travaux de reconnaissance commencèrent immédiatement ; à ces activités participèrent des officiers cubains, qui leur servaient de guides et les aidaient à résoudre n'importe quel problème qui se présentait ; ils assuraient également la sécurité des transports et celle des différents groupes de travail sur le terrain.
Pendant ce temps, en URSS, on travaillait intensément à la sélection, la vérification et la préparation des munitions nucléaires, avec le personnel et l'équipement organisés en trois brigades. Pour le matériel de combat à déplacer,on sélectionna la meilleure nouvelle technique qui possédait la plus longue garantie, qui présentait des résultats stables dans les évaluations de contrôle des paramètres et une absence de défauts dans la fermeture des emballages, dans les éléments de fixation, dans les couvertures de protection et dans les raccords électriques et les lignes de vide. L'accomplissement de toutes les opérations était contrôlé comme il se doit, par des spécialistes du niveau le plus haut de qualification et les résultats des travaux réalisés étaient enregistrés dans l'ordre établi. La préparation professionnelle élevée des exécutants et le contrôle efficace de tout le cycle, en stricte correspondance avec ce qui était établi dans la documentation technique, garantissaient l'état qualitatif des munitions nucléaires et leur capacité à combattre dans l'avenir.
Ce personnel possédait une grande expérience dans le transport de ses techniques par des moyens automobiles, ferroviaires et aériens. Cependant, il n'avait pas d'expérience dans la préparation et l'utilisation de bateaux pour le transport de munitions nucléaires, c'est pourquoi il devait résoudre ce problème dans un délai bref , en élaborant la documentation et les moyens techniques pour réaliser les travaux de chargement , de déchargement et de transport des chargements spéciaux ; il devait, de plus, préparer les équipages qui exécuteraient toute la manœuvre , de manière que les exigences établies pour la sécurité nucléaire soient fermement mises en oeuvre.
(A suivre)
(traduction Françoise Lopez)