CRISE DES MISSILES 9:SI KHROUTCHEV AVAIT ECOUTE LES REMARQUES QUE NOUS AVONS FAITES,IL N'Y AURAIT PAS EU DE CRISE
Ruben G. Jimenez Gomez
Les températures élevées et l'humidité, ainsi que les pluies fréquentes et abondantes avaient une forte influence sur l'état de conservation et le fonctionnement de plusieurs sortes d'armes, des moyens techniques et de transport. Conformément à leurs caractéristiques de construction, la fiabilité de fonctionnement du matériel soviétique était garantie dans les conditions du continent euro-asiatique, mais dans les conditions de Cuba, les moyens techniques ne résistaient pas tous à l' « examen tropical ». Dans une certaine mesure, cela devint un « point névralgique » .
Les équipements radiotechniques étaient parmi les plus affectés par le climat tropical ; cela provoqua une diminution de la résistance d'isolation des circuits électriques qui affectait particulièrement les connexions pour le travail des stations de radiolocalisation et d'autres équipements complexes, les ensembles d'alimentation électrique et divers instruments. Les moteurs électriques chauffaient fréquemment , ce qui altérait leur fonctionnement normal. Les transformateurs et les redresseurs de courant devenaient inutilisables avant la date prévue par le fabricant. Il y avait de fréquents court-circuits dans les réseaux électriques de distribution et la forte humidité de l'air altérait les propriétés isolantes des diélectriques , entre autres. De plus, les ravitailleurs en combustible , les systèmes de stabilisation du canon des chars, les grues, les stations électriques mobiles et les autres matériels étaient très fréquemment hors service .
En général, les systèmes et les instruments hydrauliques résistaient mal aux fortes températures. Les moyens de transport et le matériel blindé aussi étaient très souvent hors d'usage, car en plus des problèmes avec les amortisseurs hydrauliques, les moteurs à combustion interne chauffaient et grillaient à cause de l'insuffisance de fonctionnement de leurs systèmes de refroidissement et de lubrification.
Les bateaux lance-missiles perdaient leur rapidité et ne pouvaient développer les 42 nœuds prévus avec 1800 tours du moteur car ils n'étaient pas en conditions pour travailler avec la charge maximale de façon soutenue à cause de la température relativement élevée de l'eau et de l'imperfection du système de refroidissement. De plus, l'influence d'un milieu marin plus agressif devint manifeste, due au fait que les coques des bateaux se couvraient très rapidement d'algues, de coquillages , etc... ce qui obligeait à les nettoyer plus souvent.
Les hélicoptères s'élevaient laborieusement, même avec une charge minime à bord, car leurs moteurs ne développaient pas la puissance nécessaire en climat tropical. Une méthode « non réglementaire » fut mise au point pour résoudre le problème provisoirement. La méthode consistait à augmenter la puissance au moyen de la régulation du système d'alimentation du moteur en combustible , cependant, avec cette manipulation, la température du matériel augmentait, ses ressources techniques baissaient et le risque de défaillance du moteur de l'hélicoptère croissait. Mais il n'y avait rien d'autre à faire jusqu'à ce que l'usine effectue les adaptations nécessaires.
La fourniture d'un air sec de haute pression aux missiles et aux autres équipements coûta de considérables efforts car la forte humidité, qui à Cuba arrive à atteindre 100% influait sur eux négativement.
De plus, dans les parties métalliques des éléments et du matériel , l'oxyde et les champignons surgirent très vite, en particulier sur les surfaces non peintes.
Il ne fut pas facile de résoudre cet ensemble de problèmes occasionnés par l'influence du climat tropical. Il fut nécessaire de réaliser plus souvent le travail prophylactique qui comprenait la maintenance , le nettoyage et la lubrification des appareils , de contrôler sur des périodes plus courtes le fonctionnement d'une série d'éléments et de mécanismes , d'améliorer les systèmes de refroidissement des différents types de moteurs et de chercher des solutions pour améliorer la ventilation des équipements électriques et radiotechniques.
Le 20 août, le général Maxwell Taylor, qui était alors Président de l'Assemblée des Chefs d'Etat Majors , indiqua au président Kennedy qu'il ne voyait aucune possibilité que le gouvernement cubain puisse être renversé sans l'intervention militaire directe des Etats-Unis, c'est pourquoi le Groupe Spécial Elargi (GEA) recommandait de donner une suite encore plus agressive à l'Opération « Mangouste ». Cependant, Kennedy donna des instructions pour l'élaboration d'une variante élargie de la seconde option proposée par le général Lansdale et mit en avant que sa préparation était urgente.
Les missiles partent.
Deux jours plus tard, dans le port de Sébastopol, commença le chargement du bateau marchand « Omsk » avec les moyens du premier régiment équipé avec des missiles de moyenne portée R-12 qui se transportait à Cuba. En deux jours de travail ininterrompu, 2 200 tonnes de matériel fut chargé, 166 unités de technique diverse et 6 fusées porteuses de combat. Au total, pour transporter le régiment et la base technique aérospatiale au port d'embarquement, il fallut 19 trains, et pour amener le matériel à Cuba, on employa 6 bateaux ; tandis que pour transporter tout le matériel de la division, qui comprenait près de 11 000 hommes, quelques 11 000 tonnes de matériel divers et plus de 1 600 unités techniques , aux ports d'embarquement de Sébastopol, Nikolaev et Baltisk, on employa 111 trains avec 7 171 wagons et 35 bateaux de marchandises pour tout amener de l'autre côté de l'océan.
Il fallait placer les missiles dans les entrepôts mais les dimensions des écoutilles ne permettait pas de les introduire en position horizontale, c'est pourquoi il fallut les charger avec un angle précis d'inclinaison , qui fut déterminé préalablement et vérifié sur une maquette. Dans les entrepôts, les missiles furent placés sur des chariots de transport spéciaux et fixés avec beaucoup de soin.
Le 23, McGeorge Bundy signa, au nom du président Kennedy, le Mémorandum de Sécurité Nationale 181, au moyen duquel était approuvée la Variante B Elargie proposée par le général Lansdale. Dans ce document, on sollicitait l'étude des actions à entreprendre à la lumière de la preuve de la nouvelle activité du bloc soviétique à Cuba, y compris : que faire des missiles Jupiter installés en Turquie si l'URSS installait ce type d'armement à Cuba, en avertissant que les missiles de Turquie étaient défensifs et que ceux de Cuba avaient un caractère offensif. (Note de l'auteur : ceux de Turquie étaient défensifs parce qu'ils étaient à eux, alors que ceux de Cuba étaient offensifs parce qu'ils appartenaient aux adversaires, bonne « philosophie »...!!) . Le document contenait aussi une étude du probable impact militaire, politique et psychologique du déploiement à Cuba de missiles capables d'atteindre le territoire des Etats-Unis et une étude des alternatives militaires qu'on pourrait choisir pour éliminer de tels missiles.
La Variante B approuvée était exprimée ainsi : « Exercer tout type de pressions possibles, diplomatiques, économiques, psychologiques et autres pour faire tomber le régime communiste de Castro sans utiliser ouvertement l'Armée des Etats-Unis . » Cela comprenait des attaques biologiques et chimiques pour détruire les champs de canne à sucre, la récolte de renseignements, des infiltrations paramilitaires, de la fausse monnaie et la falsification des livrets d'approvisionnement, des attaques de raffineries, la pose d'explosifs dans des établissements commerciaux et des usines. De plus, le GEA sollicitait une liste des objectifs possibles pour réaliser des sabotages à Cuba, parmi lesquels se trouvait une grande mine de cuivre cubaine, sans doute celle de Matahambre, à Pinar del Rio. Avec cela, on essayait à nouveau de fabriquer, dans les éprouvettes et les cornues subversives nord-américaines, un soulèvement contre-révolutionnaire dans tout le pays, pour lequel on infiltrerait à nouveau dans l'Ile des centaines de tonnes d'armes et des dizaines d'agents.
L'ajout du mot « élargi » donnait plus de flexibilité à l'existence de plans de contingence du Pentagone pour une invasion . S'il n'était pas nécessaire d'envoyer les troupes drapeaux déployés, on l'éviterait, mais si pour garantir un gouvernement stable et amical, il fallait intervenir avec toute la force militaire, on n'hésiterait pas à le faire. Si tout cela n'était pas du terrorisme d'Etat, alors, qu'est-ce que c'était ?
Entre tout, ce seul jour du 23 août, 3 mois après la réunion conjointe du Presidium et du Conseil Militaire au cours de laquelle avait été approuvée l'Opération « Anadyr » sous sa forme préliminaire, le KGB informa le Comité Central du PCUS que des agences de presse et des firmes occidentales propageaient des informations concernant l'arrivée à Cuba de soldats et de bateaux soviétiques avec des armes. On considère que les premiers faits sur le déploiement militaire soviétique à Cuba furent obtenus par les Etasuniens au moyen de satellites espions et des services de renseignements d'Allemagne de l'Ouest qui les informaient des mouvements des bateaux soviétiques armés jusqu'à Cuba. Une autre source d'information fut la correspondance des émigrés cubains avec leur famille dans l'Ile, qui assuraient avoir vu de grands convois militaires à l'aube, de longs véhicules qui transportaient des missiles couverts avec des bâches (certainement des missiles antiaériens car à cette époque, ceux à moyenne portée n'étaient pas encore sortis d'URSS bien qu'ils aient été sur le point de la faire). La population qui résidait dans certaines zones avait été aussi déplacé à d'autres endroits. Les Cubains qui, à ce moment-là, quittèrent Cuba légalement ou illégalement pour les Etats-Unis étaient interrogés minutieusement au centre d'accueil établi par la CIA à Opalocka, Floride.
Une chose était évidente, les mesures adoptées pour préserver le caractère secret de l'Opération avaient évité que, pendant la première phase de celle-ci, filtrent des informations qui indiqueraient , sans aucun doute, aux services de renseignement nord-américains, la véritable dimension et l'objectif de la manœuvre entreprise. Ce n'est pas que les avions espions U-2 n'aient pas survolé Cuba pendant ces mois-là, mais que les emplacements pour les missiles n'avaient pas encore été construits. Les Etasuniens savaient que les bateaux transportaient du matériel militaire et soupçonnaient qu'il y avait aussi des troupes mais ils n'en avaient pas confirmation. Les bateaux étaient soumis à une étroite surveillance, on les photographiait depuis les côtes, depuis d'autres bateaux , depuis des avions qui volaient à basse altitude ; cela se faisait en Méditerranée et dans la Mer Baltique, dans l'Atlantique et aux approches de Cuba mais tous ces efforts ne furent pas capables de révéler la vérité concernant ce qui se passait.
Précisément, à l'aube de ce 25 août 1962, était parti du port de Sébastopol, le bateau marchand « Omsk », sur lequel les missiles stratégiques sortaient des frontières d'URSS pour la première fois, pour entreprendre une longue traversée qui les amèneraient au-delà de l'océan. Dans les archives de l'EMG d'URSS, est conservé un document relatif à ce moment-là : « Supplément aux instructions pour les capitaines des bateaux et les chefs des convois militaires qui réalisent la traversée avec la charge de leurs camarades Biriousov et Boliatko » (Note : le maréchal Biriousov – commandant en chef des Troupes Aérospatiales , le colonel général Boliatko – chef de la 12° Direction Principale du Ministère de la Défense qui administrait les munitions nucléaires.)
Dans ce document, le point 11 des instructions était complété : « Dans le cas où il ne serait pas possible de venir à bout de l'attaque en empêchant l'accès au bateau de personnes étrangères, le chef du convoi militaire doit détruire tout les documents qui constituent un secret militaire et d'Etat.
Si la menace de la capture du bateau par des étrangers était évidente, le capitaine et le chef du convoi militaire doivent prendre les mesures pour le transfert organisé du personnel , toutes les mesures pour le sauvetage et couler le bateau, en suivant les Instructions du Ministère de la Marine Marchande jointes. »
Il faut signaler que pendant cette traversée, un des principaux problèmes à résoudre fut celui du transport de l'oxydant pour le combustible des missiles, produit « O-30 », en maintenant sa température en dessous des limites établies. C'était un liquide très agressif et instable. Pour son refroidissement , on prépara une structure spéciale dans laquelle étaient placées les citernes d'oxydant recouvertes de bâches. Il était prévu que si on détectait une décomposition du « O-30 », la citerne affectée, avec son contenu, devait être jetée par-dessus bord afin d'éviter une possible explosion et qu'un incendie ne se déclare. La température limite acceptable était de 35°C pour le produit « O-30 » mais, peu avant le départ, on fut informé qu'elle pouvait atteindre les 55°C. Cependant, pendant le voyage, la température du liquide ne monta jamais au-dessus de 28°C.
Dans un local de l'objet « S » N°.713 qui, par ses dimensions et sa configuration était équivalent à l' entrepôt classique d'un bateau marchand, furent élaborés dans la pratique les schémas de situation et de fixation des chargements qui seraient transportés.
En prenant en compte leurs différents types, les munitions nucléaires étaient transportées dans des emballages métalliques individuels de quatre sortes, confectionnés selon un principe unique : une forte base inférieure avec des éléments intérieurs pour la fixation de la munition à celle-ci, ainsi que des points extérieurs pour les hisser et les fixer aux moyens de transport, et une partie supérieure pour protéger la munition . Pour exécuter ces manoeuvres pendant le transport, fut préparée une dotation de 12 hommes , officiers et soldats physiquement forts qui dominaient bien les habitudes de travail pendant le chargement, le déchargement et le transport des chargements spéciaux et qui en connaissaient les particularités, avec lesquels l'accomplissement parfait des exigences de sécurité était assuré.
Le Che rencontre Khroutchëv.
Le 27 août, eut lieu à Moscou une réunion entre le Commandant Ernesto Che Guevara , le capitaine Emilio Aragones et Khroutchëv. A ce moment-là, le Projet d'Accord avait été amendé en tenant compte des propositions de la partie cubaine, était imprimé en russe et en espagnol, prêt pour la signature et une publication ultérieure. La première variante du titre proposé par les Cubains avait été adoptée : « Accord entre le Gouvernement de la République de Cuba et le Gouvernement de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques sur la collaboration militaire pour la défense du territoire national de Cuba en cas d'agression». De plus, fut présentée une lettre avec les signatures de Fidel Castro et d' Osvaldo Dorticos, dans laquelle il était dit que le Gouvernement de Cuba, nourrissant une confiance particulière à l'égard d'Ernesto Che Guevara de la Serna, l'investissait des pleins pouvoirs et lui donnait mandat pour souscrire l'Accord militaire au nom et par ordre de la République de Cuba.
Khroutchëv était d'accord avec les corrections de l'Accord proposées par la partie cubaine mais considérait inopportun de la faire savoir alors, quand le matériel de la division aérospatiale n'était pas encore dans l'Ile et il recommanda aux Cubains de garder leur calme en leur disant que cette annonce serait mieux venue quand les missiles seraient en place et que l'Opération serait déjà un fait accompli que les Nord-américains n'auraient pas d'autre solution que d'accepter. Le dirigeant soviétique considérait, de plus, que l'annonce de l'Accord à ce moment-là, serait un obstacle à l'activité politique de Kennedy, alors que se déroulait la campagne pour les élections au Congrès des Etats-Unis. De sorte que l'Accord amendé fut seulement initié par le Che et Malinovski, les textes en russe et en espagnol furent mis dans un dossier rouge de cérémonie, attaché avec des rubans rouges et scellés avec la cire grise qui était le signe distinctif du Ministère des Relations Extérieures d'URSS, où ils attendraient jusqu'en novembre, après l'arrivée de l'escouade de bateaux de guerre à Cuba, quand aurait lieu la visite du Premier Ministre soviétique dans l'Ile et que serait signé le document. En réalité, le texte de l'Accord resterait à dormir le sommeil éternel des archives, car il ne sera jamais signé.
A propos de cette décision, Fidel Castro déclara plus tard : « Si Khroutchëv avait écouté les remarques que nous avions faites, la crise n'aurait pas eu lieu , car nous agissions à l'intérieur de la loi, à l'intérieur du droit international, à l'intérieur de la morale ; mais si tu dis un mensonge, si tu trompes, alors tu perds de la force devant l'opinion publique, tu perds de la force morale, tu perds de la force politique. »
Parmi les nombreuses inconnues de l'histoire moderne, il y avait l'éventuelle réaction des Etats-Unis si l'Accord de défense soviético-cubain avait été publié dans les premiers jours de septembre. Il était possible que les Nord-américains se décident à attaquer l'Ile immédiatement, avant que les Soviétiques renforcent encore leurs défenses, pour que l'accord ne puisse pas être mis en pratique , ou que se produise une crise beaucoup moins dangereuse que celle qui se produisit 7 semaines plus tard. Pour le moins, l'annonce publique avait laissé à Kennedy l'argument manié avec succès en octobre, qu'on avait été victime d'un mensonge. Une des conséquences pourrait avoir été le redéploiement soviétique à Cuba en une force plus faible et avec une mission clairement défensive.
Le 29 août, lors d'une conférence de presse , en répondant à une question sur la validité de la Doctrine Monroë à la lumière de la situation mondiale et de la situation cubaine en particulier, le président Kennedy affirma que pour lui, elle signifiait la même chose que pour les présidents Monroë et Adam quand ils la promulguèrent, c'est à dire qu'elle s'opposait à toute intervention d'une puissance étrangère dans l'Hémisphère occidental. (NA : seulement, il oubliait de dire que de son point de vue, celui-ci appartenait aux Etats-Unis qui le considéraient comme sa propriété privée), pour cela, on s'opposait à ce qui se passait dans l'Ile, pour cela il était nécessaire d'isoler Cuba. De plus, il déclara qu'il n'était pas partisan d'une invasion de Cuba « pour le moment », laissant en l'air l'interprétation de la phrase, on en déduisait qu'il limitait l'agression militaire à des facteurs de temps et de circonstances...
Ce qui est sûr, c'est que la Doctrine Monroë tenait un rôle important dans la justification qu'on était en train de fabriquer pour agir contre Cuba et pour couvrir l'illégalité des mesures prises. En intervenant à la réunion qui eut lieu à Cambridge en 1987 pour analyser la crise nucléaire, McGeorge Bundy définit l'importance que se donnait alors le dinosaure politique en question, quand il dit que le problème de base du gouvernement nord-américain était que, plusieurs fois, il avait pris la position publique que la présence de projectiles « offensifs » à Cuba était inacceptable, parce que depuis la proclamation de la Doctrine Monroë l'exclusion de toute puissance européenne de l'Hémisphère Occidental était un intérêt particulier des Etats-Unis. Pour autant – ajouta-t-il - « c'était une puissante réalité de notre conscience politique , indépendamment de la question de la légalité internationale ». Ou, plus clairement, « la doctrine proclamée unilatéralement et arbitrairement en 1823 servait à éluder toute obligation internationale et à méconnaître tout droit souverain d'un pays américain si on liait les mains de Washington en ce qui concernait les buts poursuivis ».
Ce même jour, le vol de reconnaissance réalisé par un avion U-2 détecta des emplacements de missiles antiaériens à Cuba et une quantité de personnel militaire soviétique plus importante que prévue. Tandis qu'une vingtaine de kilomètres au-dessous de l' U-2, le Département de Sécurité Cubain , connaissant le plan préparé par la contre-révolution pour réaliser un soulèvement armé le lendemain, arrêtait les principaux conjurés , qui employaient des armes et des équipements militaires.
Le 31, le gouvernement nord-américain émit une déclaration accusant Cuba d'avoir attaqué la veille un avion de sa Marine de Guerre dans les eaux internationales et avertit que si ces faits contre des avions ou des embarcations des Etats-Unis se reproduisaient, ils emploieraient tous les moyens nécessaires pour leur protection et assureraient la libre utilisation des dites eaux. Les autorités cubaines réfutèrent l'information pour sa fausseté et dirent que ce n'était rien de plus qu'une tentative pour créer un incident qui justifierait, devant l'opinion publique, une attaque de Cuba.
Ce même jour, le sénateur républicain de New York Kenneth Keating déclara qu'il y avait des preuves de l'installation de missiles soviétiques à Cuba, pressa Kennedy d'agir contre l'Ile et proposa qu'une équipe d'enquêteurs de l'OEA soit envoyée à Cuba. Ce discours fut le premier d'une série de 25 que le sénateur prononça sur le même thème pendant les 7 semaines suivantes. Ce que ne précisait pas le sénateur, c'est comment le groupe pénétrerait dans l'Ile et comment il réaliserait son enquête.
Ce jour-là partit du port de Sébastopol le bateau marchand « Poltava » avec le premier transport de personnel et de matériel du régiment aérospatial stratégique qui serait stationné dans la zone de Candelaria-San Cristobal, province de Pinar del Rio. Dans le bateau, on transportait de grandes plaques de béton qui seraient utilisées à Cuba comme plate-formes de lancement d'urgence pour les missiles de moyenne portée R-12. A cette même date commença en URSS l'exercice « Tulpan » durant lequel furent lancées des missiles porteurs d'ogives nucléaires de combat sur le territoire du polygone d'Aguinsk. Parmi les missiles lancés se trouvaient les R-14 qui se préparaient à partir pour Cuba. L'exercice se prolongea jusqu'au 8 septembre et constitua une partie de la réponse soviétique à la série d'essais nucléaires effectuées antérieurement par les Nord-américains.
(A suivre)
(traduction Françoise Lopez)