CRISE DES MISSILES, chapitre 3: QUELQUES ERREURS D'APPRECIATION
Ruben G. Jimenez Gomez
Le légendaire maréchal Gueorgui Zhukov , en se basant sur sa grande expérience comme le chef militaire soviétique le plus en vue pendant la Seconde Guerre Mondiale, a défini ainsi quelques-unes des particularités de l'art militaire qui sont nécessaires pour atteindre la victoire :
1° - Avoir une excellente connaissance de l'ennemi, évaluer correctement ses idées, ses forces et ses moyens, prendre en compte de quoi il est capable, de quoi il n'est pas capable et en quoi on peut l'attraper . Tout cela s'obtient par une exploration ininterrompue et profonde.
2° - Connaître en détail ses forces propres, leur préparation soigneuse pour le combat ; réussir la préparation multilatérale du commandement et des états majors, ainsi que l'élaboration appropriée de toutes les variantes des actions à venir.
3° - Réussir la surprise opérationnelle et tactique, en trompant l'ennemi sur nos véritables intentions ; agir avec une telle rapidité que l'ennemi recule de toute part et se trouve dans une situation difficile.
4° - Le calcul exact des forces et des moyens consacrés à la mission mise en œuvre. On ne peut pas donner aux troupes des missions plus importantes que leurs forces. Ceci ne donne rien, à part des pertes injustifiées et la diminution de l'esprit combatif.
5° - Réussir l'assurance adéquate. Une opération qui n'a pas été bien préparée dans son aspect matériel ne doit pas être réalisée.
Pendant la planification et la réalisation de l'Opération « Anadyr », plusieurs erreurs ont été commises dont la majorité se produisirent dans l'EMG, dans les Etats Majors Principaux des Types de Forces Armées et dans l'Etat Major du Regroupement de Troupes Soviétiques à Cuba. Voici certaines de ces erreurs.
En violation du premier principe énoncé par le maréchal Zhukov, il faut reconnaître que le commandement soviétique ne possédait pas une notion suffisamment profonde et détaillée de l'idée stratégique de l'ennemi, aussi bien avant qu'après l'arrivée des troupes à Cuba. On avait l'opinion bien fondée qu'il se préparait une agression à grande échelle contre Cuba mais on ignorait avec quels moyens celle-ci serait réalisée , en particulier on n'avait pas une idée claire de la quantité de moyens aériens et navals qui la soutiendraient. La composition numérique et l'armement de la présumée « armée d'invasion » nord-américaine furent seulement connus par la direction militaire soviétique plusieurs années après la Crise. Cette ignorance provoqua le non accomplissement du quatrième principe, à cause de cela les moyens de défense antiaérienne et navale dont le Regroupement fut doté étaient clairement insuffisants.
De plus, il faut signaler que la situation des troupes dans l'Ile était très vulnérable sur le plan militaire , à cause de la grande distance, de l'absence d'espace stratégique pour la manœuvre et la retraite, et de l'impossibilité de recevoir des renforts et du ravitaillement après le début des actions de combat, puisque la Marine de guerre soviétique était inférieure à celle des Etats-Unis. L'accès des sous-marins était très difficile car il y avait de nombreux îlots rocheux, marigots , et récifs par où les sous-marins ne pourraient passer ni en surface ni en plongée si les passes étroites étaient contrôlées par l'ennemi qui possédait une énorme supériorité de moyens anti sous-marins dans la région. Il était clair que le commandement soviétique ne s'était pas proposé l'objectif de développer une bataille contre les Etats-Unis sur les côtes de Cuba, mais celui de la protéger en décourageant l'attaque en herbe, mais quelque chose pouvait arriver et si, contre tous les pronostics, l'attaque se produisait, les troupes soviétiques seraient clairement en position désavantageuse si elles n'utilisaient pas les armes nucléaires, ce qui était inacceptable, de toute évidence.
De plus, on pensait que quand les Nord-américains découvriraient le fait accompli que les missiles étaient en position de combat à Cuba, ils l'accepteraient parce que c'étaient des gens pratiques. Appréciation qui ne prenait pas en compte l'aspect psychologique de la question pour les Etasuniens, qui le considéreraient comme si quelqu'un leur braquaient un fusil chargé sur la tête depuis les toilettes de leur propre maison. La vie a démontré que ce fut une grave erreur, qu'ils percutaient de plein fouet le premier principe énoncé par le glorieux maréchal.
En violation du second principe, inexplicablement, des plans pour le cas où les Nord-américains détecteraient les missiles avant qu'ils ne soient en position de combat, ne furent pas prévus. A ce qu'il semble, on avait une confiance injustifiée dans la certitude qu'avait Khroutchëv que cela n'arriverait pas. Pourtant, ce fut une déficience très importante qui pouvait coûter très cher, car s'ils arrivaient à les découvrir avant qu'il soit temps,ce qui, en définitive, arriva, cela laissait l'initiative dans les mains des Nord-américains.
QUELQUES SPECULATIONS DE L'AUTEUR
L a définition classique de Clauzewitz pose en principe que la guerre est la continuation de la politique de l'Etat par « d'autres moyens ». Maintenant, bon, qu'est ce qui est contenu dans ces « autres moyens » ? Evidemment, ceux-ci sont les armements utilisés pendant les guerres et les personnes qui les manipulent. Pendant de nombreuses années, les spécialistes ont considéré cette définition comme une vérité indéniable, mais elle commence à se fissurer avec l'apparition et le développement ultérieur de l'arme nucléaire, qui commençaient à être accumulée en grandes quantités par les puissances qui la possédaient, principalement par les Etats-Unis et l'Union Soviétique. Déjà au début des années soixante, s'était accumulée une telle quantité d'armes nucléaires que la définition de Clauzewitz commençait à faillir, car si une guerre mondiale se déclenchait dans ces nouvelles conditions, il existerait le réel danger que celle-ci ne soit pas la continuation de la politique de l'Etat par d'autres moyens mais qu'elle signifie la fin de toute politique et l'extermination mutuelle totale des parties belligérantes et y compris de la civilisation dans son ensemble, selon ce qu'estimaient certains spécialistes.
A cette époque, le monde se trouvait plongé au plus profond de la « guerre froide », qui consistait à essayer de modifier l'équilibre des forces en renversant le pouvoir de l'adversaire par l'activité subversive et la pénétration économique, idéologique et technique, c'est à dire que c'était une sale guerre qui se développait en employant tous les moyens disponibles à l'exception des armes. Mais alors, quel était le rôle des armes nucléaires dans la « guerre froide » ? Dans ces nouvelles conditions, celles-ci se transformèrent en un moyen de chantage, de pression et de menaces, aussi bien contre les états isolés que contre le monde dans son ensemble. Cela fut le cas depuis l'aube de l'ère nucléaire, quand le bombardement atomique d'Hiroshima et de Nagasaqui fut réalisé avec l'intention évidente d'intimider l'Union Soviétique et de montrer aux autres états la puissance inégalable de la nouvelle arme des Nord-américains. Ce rôle de moyen de chantage se maintint jusqu'à la fin de 1962, quand les créateurs de la terrible arme eux-mêmes furent certains qu'elle pouvait les détruire eux aussi et la politique qu'elles avaient engendrée.
Les Etats-Unis non seulement possédèrent le monopole des armes nucléaires pendant quatre ans et furent les premiers et les seuls à expérimenter au combat les qualités destructrices de celles-ci mais ils furent aussi les premiers à élaborer une doctrine militaire avec l'utilisation des armes nucléaires dans la guerre, quand la théorie du premier coup devint la base de leur stratégie. Y compris dans les années 70 et 80 du siècle dernier, l'URSS manifesta unilatéralement et publiquement son engagement à une pas être la première à employer l'arme nucléaire et proposa avec insistance qu'il y ait concertation pour un traité à ce sujet, mais les Nord-américains le refusèrent toujours.
En juillet 1949, l'Union Soviétique fit exploser son premier engin nucléaire ; dès lors se déchaîna la plus grande course aux armements de l'histoire, dans laquelle, comme il est logique, les Etats-Unis partaient avec quatre années d'avance et une industrie intacte, sur laquelle pas une seule bombe n'était tombée pendant la Seconde Guerre Mondiale, tandis que celle de l'URSS avait été partiellement détruite. De sorte que, à la moitié des années cinquante, les Etats-Unis avaient un large avantage en armes nucléaires et une puissante flotte de bombardiers lourds et moyens stationnés en différentes parties du monde, à proximité du territoire soviétique.
Pour lors, la stratégie militaire nord-américaine était celle des Représailles Massives, qui reflétait les caractéristiques de l'équilibre des forces existant. Cette stratégie subit un rude coup en 1957, quand les Soviétiques furent les premiers à réaliser avec succès le lancement d'une fusée intercontinentale , alors que les Etats-Unis enchaînaient les échecs, échouant en cinq occasions cette année-là. En plus, en octobre de la même année 1957, l'Union soviétique mit en orbite le premier satellite du monde et peu après lança dans l'espace la chienne Laïka, en même temps que des millions de téléspectateurs virent avec angoisse comment échoua un autre essai nord-américain pour lancer son premier satellite, qui explosa après une courte montée. La panique se propagea, tant dans les milieux officiels que dans l'opinion publique, claironnant que les Etasuniens étaient à la traîne par rapport à leur principal ennemi. On commença à parler de ce qu'on a appelé la « brèche des fusées », soi-disant existant entre les deux pays en faveur de l'Union Soviétique. Cet état d'âme, renforcé par les fréquentes démonstrations propagandistes des Soviétiques, et en particulier de Khroutchëv, au sujet de leur extraordinaire supériorité en matière de fusées, fut exploité intelligemment par les gouvernements des Etats-Unis à leur tour pour obtenir du Congrès d'énormes crédits pour les dépenses militaires.
Sur les vantardises de Khroutchëv, son fils, Sergueï, a révélé qu'à un certain moment, Nikita Sergueïevitch dit qu'en un certain lieu du sud, les Soviétiques produisaient des missiles comme des saucisses, et dans ce cas, celui-ci lui avait demandé : « Comment peux-tu dire cela alors que nous n'en avons que quelques-uns ? » Il obtint la réponse suivante : « L'important, c'est que les Américains le croient, alors, ils ne nous attaqueront pas. » Sur cette considération se structurait toute une politique, au moyen de laquelle les Soviétiques menaçaient avec des missiles qu'ils n'avaient pas. A ce qu'il semble, c' était une politique simpliste et erronée, avec l'aide de laquelle on pouvait seulement continuer à tromper les peuples, ceux de leurs adversaires et le leur, ainsi que le peuple et les dirigeants des pays isolés, car on peut supposer que gouvernement des Etats-Unis avait d'autres sources d'information qui lui permettraient de connaître la vérité tôt ou tard. Cela commença à se produire pendant les années 1959-1960, au cours desquelles les Nord-américains s'aperçurent de la réalité par différentes voies, en particulier par l'espionnage et les vols de reconnaissance des avions U-2. En 1961, les premières missions efficaces de reconnaissance utilisant les satellites confirmèrent les soupçons : les Etats-Unis avaient une supériorité approximative de 4 à 1 en fusées intercontinentales.
Red Cline, ex sous-directeur de la CIA, a indiqué qu'aux Etats-Unis, on croyait que les Soviétiques avaient des centaines de missiles, mais les photos prises par les satellites démontrérent qu'il n'en était pas ainsi, car aux Etats-Unis on avait organisé un système très rapide pour produire des fusées, très supérieur au système soviétique. On n'a pas révélé la date à laquelle l'URSS a connu la réalité de la situation stratégique ; une chose est bien connue : bien qu'ils n'aient pas connu avec exactitude ce qu'avaient leurs adversaires, les hauts dirigeants de l'Union Soviétique n'avaient aucun doute sur les bobards qui étaient répandues en la matière dans l'opinion publique internationale.
Selon les déclarations de Robert Mc Namara, secrétaire à la Défense du gouvernement de Kennedy, en octobre 1962, les Etats-Unis avaient 229 fusées intercontinentales et 105 de moyenne portée et de portée intermédiaire situées en Turquie, en Italie et en Angleterre ; neuf sous-marins avec 16 missiles du type Polaris A-2 chacun, qui pouvaient couvrir une distance d'environ 1500 km, pour un total de 144 autres projectiles de moyenne portée qui pouvaient atteindre le territoire de l'URSS ; ils possédaient, de plus, 1500 bombardiers avec leur base en différents lieux du globe, dont 600 bombardiers lourds B-52. Au total, en prenant en compte les missiles et les bombes de tout type, les Etats-Unis avaient une supériorité de 17 à 1 en armes nucléaires par rapport à l'URSS.
Pour sa part, conformément aux faits publiés en 1999, en octobre 1962, les Forces Armées d'URSS pouvaient compter sur les moyens suivants : 48 missiles intercontinentaux ; 543 missiles de moyenne portée, dont 36 se trouvaient à Cuba et pouvaient atteindre le territoire des Etats-Unis ; 208 bombardiers lourds stratégiques, dont 80 à propulsion, 486 bombardiers moyens , dont 96 pouvaient atteindre le territoire des Etats-Unis , et 80 missiles installés dans des sous-marins, la majorité avec une portée de seulement quelques centaines de km. Il faut signaler que les sous-marins porte-missiles soviétiques de l'époque transportaient seulement 2-4 projectiles, et que la majorité de ceux-ci étaient des missiles aériens, qui pouvaient être abattus par la défense anti-aérienne, alors que les 144 missiles des sous-marins nord-américains étaient balistiques, et et aucun moyen défensif n'était capable de les abattre.
En comparant ces faits , on peut constater la forte supériorité que possédaient les Etats-Unis en forces nucléaires stratégiques, mais on peut aussi arriver à la conclusion que, véritablement, l'objectif principal de l'Opération « Anadyr » pouvait être de compenser en partie la balance stratégique avec l'adversaire. Rien de plus erroné.
Pendant la Crise, les spécialistes nord-américains ont calculé qu'avec les missiles à Cuba, y compris dans le cas où les Soviétiques réussiraient à assener un premier coup nucléaire par surprise, ils pourraient détruire seulement environ 30% de plus des moyens stratégiques nord-américains que s'ils n'avaient pas leurs missiles dans l'Ile ; mais jusque dans ce cas, la supériorité stratégique des Etatsuniens continuerait d'être écrasante, à cause de cela , un semblable transport ne se justifiait pas seulement pour essayer d'équilibrer les forces des deux parties.
Dans une guerre nucléaire, il n'y aurait pas de vainqueurs.
Généralement, on considère que la parité en moyens nucléaires stratégiques entre les deux superpuissances fut atteinte par l'Union Soviétique au milieu des années soixante-dix, car déjà à ce moment-là, chacune des parties pouvait causer à l'autre des dégâts approximativement similaires. Pourtant, comme l'a dit Robert Mc Namara à la conférence Tripartite de La Havane en 1992, on peut considérer que la parité nucléaire existait déjà en pratique en octobre 1962, malgré la disproportion en quantité d'armes, ceci étant dû au fait que la parité existe en réalité quand chaque partie possède une capacité de riposte telle , y compris après avoir reçu un premier coup nucléaire par surprise,qu'il puisse infliger à l'adversaire des dégâts suffisamment importants, de sorte que l'importance de ces dégâts devient inacceptable pour celui qui pense à la possibilité de lancer une attaque surprise.
Il est difficile d'imaginer ce qui se serait produit sur le territoire nord-américain si une guerre nucléaire s'était déclenchée. Il faut prendre en compte le fait que les bombes lancées sur Hiroshima et Nagazaki en 1945 causèrent en quelques secondes 300 000 victimes, entre morts et blessés et détruisirent les deux villes presque complètement ; les puissances de ces bombes étaient de 13 et 20 kilotonnes respectivement, sachant qu'une explosion nucléaire de 20 kilotonnes équivaut à l'explosion de 20 000 tonnes de TNT. Pourtant, au cas où se serait déclenchée une guerre nucléaire en 1962, le territoire des Etats-Unis aurait pu être atteint par plusieurs dizaines de missiles intercontinentaux , avec des charges qui pouvaient aller jusqu'à 5-10 megatonnes, sachant qu'une explosion d'une megatonne équivaut à l'explosion d'un million de tonnes de TNT. Il faut tenir compte, par exemple, qu'une explosion de 5 megatonnes serait 385 fois plus puissante que la bombe qui détruisit Hiroshima, et que celle de 10 megatonnes serait 770 fois plus puissante que celle-ci. Y compris qu'en voyant des photos ou des images de documentaires sur ce qui est arrivé dans cette ville japonaise, il est difficile de se représenter ce qui serait arrivé dans une ville américaine avec des explosions de semblable puissance. Mais cela serait multiplié par plusieurs dizaines d'explosions semblables sur tout le territoire du pays, à quoi il faudrait ajouter les explosions provoquées par les bombes et les missiles lancés par les avions qui réussiraient à arriver, plus celles des missiles lancés par les sous-marins qui seraient restés indemnes.
Mais jusqu'à présent, nous nous sommes seulement référés à la puissance des explosions, mais il faudrait considérer aussi les dégâts provoqués par les autres facteurs de destruction spécifiques des explosions atomiques, à chaque endroit où elles se produiraient,comme les radiations pénétrantes et la contamination radioactive du terrain qui empoisonnerait l'eau, les aliments et tout le vivant pendant des centaines et des milliers d'années, couvrant avec les cendres radioactives apportées par l'air d'énormes surfaces ; le souffle d'une force inimaginable qui se déplacerait à des vitesses supersoniques, détruisant tout sur son passage à des kilomètres à la ronde ; la radiation lumineuse ou l'éclair de l'explosion, capable de brûler des bois et différents matériaux et d'aveugler des personnes et des animaux et de leur occasionner d'horribles brûlures à de grandes distances... et pour quoi ensuite ? Tout le monde serait uni dans le manque de soins médicaux, car il y aurait des millions et des millions de morts, de blessés et de malades des radiations, parmi lesquels se trouveraient aussi une partie des médecins et des autres personnels de santé, auxquels il faut ajouter la destruction de nombreux hôpitaux et autres institutions médicales. A cela il faut également ajouter, entre autres choses, ce que considèrent , entre autres choses, beaucoup de scientifiques qui assurent que les milliers de tonnes de poussière qui s'élèveraient dans l'atmosphère la satureraient , rendant difficile le passage des rayons du soleil pendant longtemps, ce qui provoquerait un hiver artificiel , comme celui qui extermina les dinosaures, selon une des théories en vogue... Enfin, l'enfer sur terre multiplié par mille, de sorte que les survivants envieraient les morts, comme on le dit dans un film nord-américain. En Union Soviétique, un tableau similaire se produirait, mais multiplié plusieurs fois, car en plus, les missiles à moyenne portée et les bombardiers moyens soviétiques auraient aussi attaqué les bases militaires nord-américaines dans les différents pays européens et asiatiques.
Pendant l'année 1963, le président Kennedy ne déclara pas en vain ironiquement, durant une conférence de presse que les Etats-Unis étaient plus puissants que l'Union Soviétique, car ils pouvaient tuer plusieurs fois tout ce qui était vivant en URSS, alors que les Soviétiques étaient capables d'exterminer une seule fois tout ce qui était vivant aux Etats-Unis . De cela se détache l'idée que la guerre nucléaire mondiale n'est pas possible, car dans celle-ci, il n'y aurait pas de vainqueur.
On raconte que dans le centre d'Hiroshima, il y a un parc recouvert de granit, très près de l'épicentre de l'explosion de 1945. Après l'explosion de la bombe nucléaire, qui fut aérienne, la surface du parc resta rugueuse mais dans les endroits où il y avait des personnes, la surface resta lisse, car une partie de l'énergie s'était consumée en désintégrant leurs corps, laissant imprimées de cette façon leur forme comme tache lisse entourée par le granit rugueux. Cet endroit est appelé le Parc des Ombres et il faudrait se demander au nom de quoi les Nord-américains avaient besoin de couvrir leur pays de parcs semblables... ! Le mieux sera toujours d'éviter les guerres nucléaires !
Pour toutes ces raisons, Robert Mc Namara considérait, ainsi que beaucoup d'autres spécialistes, que le transport des missiles nucléaires soviétiques à Cuba n'altérait pas l'équilibre stratégique dans la pratique, bien que la menace d'une catastrophe nucléaire ait augmenté considérablement à ce moment-là. Alors surgit la question : pourquoi aller amener les missiles de l'autre côté de l'océan, en cherchant à compenser en partie le retard de l'Union Soviétique en armements nucléaires, si avec les missiles à Cuba , cela n'était pas réussi ? Il ne peut y avoir qu'une seule réponse : les missiles n'étaient pas amenés à Cuba par nécessité militaire, la direction soviétique n'avait pas l'intention de les utiliser dans des actions combatives , ce qui était prévu était d'arrêter l'agression nord-américaine avec la seule présence des Troupes Aérospatiales Stratégiques dans l'Ile. De plus, par une appréciation erronée, on considérait que les Etasuniens ne réagiraient pas comme ils l'ont fait , et, comme dans l'autre cas, si en accomplissant cet objectif fondamental, on obtenait le résultat collatéral de compenser en partie le déséquilibre existant en armes nucléaires, cela serait le bienvenu.
Il faut signaler que depuis avril jusqu'à juin, l'aviation nord-américaine avait effectué 150 survols de bateaux marchands soviétiques aux abords de Cuba , pendant que les officiers des navires de la Marine de Guerre des Etats-Unis avaient interrogé les marins soviétiques en 20 occasions, en franche violation de ce qui est établi pour la navigation dans les eaux internationales. A cette époque déjà, plus de 10 stations de radio émettaient contre l'Ile, comme une partie de la guerre psychologique ; avec l'aide de ces stations, on s'orientait systématiquement vers des actions comme des sabotages, des actes terroristes, la technique de la propagation de fausses rumeurs, on essayait de discréditer les dirigeants révolutionnaires et leur œuvre, et jusqu'à donner des orientations pour se transformer en un espion efficace. Pour le mois de juin, la CIA exécuta au moins 12 opérations d'infiltration d'agents en territoire cubain et a continué les livraisons d'armes et d'explosifs pour la future insurrection générale. Il faut aussi tenir compte que le premier semestre de 1962 s'achevait sur un échec retentissant pour les efforts de l'Opération Mangouste pour organiser une armée clandestine dans les montagnes de Cuba ; les bandes qui restaient, après la dernière offensive commencée en mars contre elles, essayaient de passer inaperçues, attendant que les Nord-américains finissent d'arriver pour sortir les marrons du feu.
(traduction Françoise Lopez)