PARC NATIONAL "DEBARQUEMENT DU GRANMA", UN JOYAU NATUREL

Publié le par cubasifranceprovence

granma.jpeg

PARCNATIONAL « DÉBARQUEMENT DU GRANMA »
Un joyau naturel
En 1956, les membres de l’expédition dirigée par Fidel ont débarqué dans une région classée aujourd’hui au Patrimoine mondial de l’Humanité

LisankaGonzalez Suarez

À l’aube du 2 décembre 1956, les 82 hommes qui débarquèrent du yacht Granma étaient tellement anxieux de toucher terre qu’ils ont marché aussi vite que possible à travers les fonds boueux du manglier et les implacables nuées d’insectes qui les harcelaient, avant que l’ennemi ne les découvre.

Après avoir cheminé pendant deux heures à travers l’entremêlement de végétation, avoir perdu des aliments et des armes, épuisés, angoissés, certains encore malades après la difficile traversée, ils avançaient enfin sur la terre ferme de l’île tant attendue où ils avaient juré d’arriver ou de mourir dans la tentative.

Pendant ce temps, un groupe de paysans cubains avec à leur tête Guillermo Garcia Frias les attendait depuis trois jours à un point de la côte éloigné de ce lieu. Garcia avait reçu un message de Celia Sanchez lui indiquant de les attendre le 30 aux lieux convenus : les embouchures des rivières Toro et Las Puercas, comme il s’en souvient dans l’introduction de son livre Encuentro con la verdad (Rencontre avec la vérité) : — « […] Nous sommes arrivés vers les midi pour attendre la date indiquée… Au petit matin nous nous sommes réveillés le corps endolori. On était déjà le 30 novembre et rien ne s’était passé…

Nous avons décidé de retourner dans les rochers et de continuer à attendre… Le dimanche 2 décembre, j’ai demandé à Rogelio Vega d’aller voir à Niquero s’il ne se passait pas quelque chose à Santiago. À son retour, il me dit : « Tous les soldats sont dans les casernes et ils ne laissent passer personne par la zone de Belic. On dit qu’ils ont débarqué là-bas. »[…]

Les violences et les abus commis par les différents gouvernements – notamment celui de Batista – avaient éveillé dans la population une grande haine en même temps qu’une grande unité. Et c’est pourquoi, 48 h après le débarquement, les habitants de la zone s’étaient organisés pour accueillir les membres de l’expédition.

En quittant le port mexicain de Tuxpan une semaine plus tôt, les membres de l’expédition n’avaient pas décidé de débarquer dans cet endroit difficile, mais le mauvais temps et le hasard les a emmenés à Los Cayuelos, lieu-dit Las Coloradas, dans l’arrondissement de Belic, dans la commune de Niquero. Il est probable qu’aucun d’eux ne se doutait qu’ils venaient de débarquer dans un joyau de la nature cubaine.

PLUS D’UN SIÈCLE PLUS TARD

Au triomphe de la Révolution, de nombreux habitants des montagnes qui entourent la zone ont émigré vers les villes ou à la capitale entraînés par l’euphorie révolutionnaire et la nécessité légitime d’avoir une vie meilleure. Mais la majorité est restée sur place en attendant la justice promise.

Nombre d’entre eux se souviennent de l’étape où ils vivaient dépourvus de tout ce dont un être humain a droit. Après le triomphe révolutionnaire, malgré les difficultés économiques auxquelles le pays a dû faire face, la situation dans les communautés et les hameaux a changé à tous les points de vue : santé et éducation gratuite, logements, écoles avec éclairage électrique, salles de vidéos, emplois fixes avec de meilleurs salaires, postes médicaux et bien d’autres avantages dont ni leurs parents ni leurs grands-pères n’avaient jamais rêvé.

Et bien que certains des projets économiques aient stagné ou n’aient pas eu les résultats attendus, le développement général de la population aurait pu être plus rapide. Tous ont dû faire face au mêmes difficultés que l’ensemble du pays : le blocus, la période spéciale, le cyclone Dennis qui en juin 2005 a failli faire tout disparaître... Cependant, pour les habitants du lieu, c’est un véritable privilège d’être né là où Fidel et ses compagnons ont démarré la guérilla qui en deux mois devait en finir avec la tyrannie.

Cette région de 27 545 hectares est désormais un Parc national. Partout on peut y trouver les traces de l’histoire la plus récente : à l’entrée même, sur le long chemin qu’ils ont parcouru à travers le manglier, dans les sentiers où sont signalés les lieux où beaucoup d’entre eux ont été assassinés ou qui sont tombés au combat alors qu’ils tentaient d’atteindre la Sierra Maestra.

Les habitants sont fiers également du phare de Cabo Cruz, de sa flore et de sa faune. La nature a été prodigue dans ces parages, avec des formations géomorphologiques vraiment impressionnantes. Plus de 80% de la flore est composée de forêts naturelles où ont été identifiées plus de 500 espèces végétales, dont 12 exclusives, et une multitude d’arbres qui grandissent de façon disproportionnée, formant ainsi des figures capricieuses ou des rangées compactes.

Les mollusques abondent, comme le Liggus vittatus endémique qui semble avoir été peint à la main ou l’étrange reptile primitif Cricosaura typica ou petit lézard de feuilles mortes, considéré comme un fossile vivant.

Les populations d’oiseaux sont nombreuses, certaines très menacées, et sur les vastes escarpements des terrasses marines, les oiseaux aquatiques ont trouvé des lieux parfaits pour faire leur nid. Curieusement, Punta del Ingles, à l’extrémité la plus méridionale de Cuba est la seule zone connue à Cuba où nide le Rabijunco, un bel oiseau marin.

Par ailleurs, on trouve des nombreuses traces dans cette zone de la présence de communautés aborigènes qui ont laissé leurs marques sur les murs de cavernes et dans des sites funéraires, notamment l’Idole de l’Eau.

Mais ce qui caractérise le Parc, ce sont les terrasses marines de Cabo Cruz, que la nature a fait émerger lorsque le niveau de la mer a baissé de 100 m, et qui sont considérées comme un des écosystèmes les plus significatifs et les mieux conservés de la planète.

Pour ses hautes valeurs naturelles et esthétiques, sa complexité et sa dimension, qui lui donne un caractère unique, l’UNESCO l’a reconnu comme Patrimoine de l’Humanité depuis plus de 10 ans.