QUAND Ryan FLATTE LE CUBAIN
François Clemenceau* revient chaque jour d'ici le 6 novembre sur les coulisses de la campagne présidentielle américaine.
BUREAU OVALE (SUITE) - L’équipe Romney a mis le paquet samedi à Miami. Dans la grande salle du restaurant "Le Versailles", repère mythique des exilés cubains et du mouvement anticastriste au cœur de Little Havana, Paul Ryan n’est pas venu seul. Le candidat à la vice-présidence était escorté de l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush, petit-frère de George W., et de Craig Romney, fils de son père. Et la question se pose de savoir pourquoi venir flatter le vote cubain alors que cette communauté est la plus fidèle alliée des conservateurs depuis des décennies?
Le drapeau cubain déployé samedi devant le restaurant "Le Versailles". (Crédit : Reuters)
Il se trouve que selon un sondage publié par Fox News Latino, 39% des américains d’origine cubaine (ils sont près d’un million rien qu’en Floride) pourraient voter Obama en novembre prochain alors que 30% seulement des électeurs de cet échantillon se déclarent eux-mêmes démocrates. Reste 61% de votes favorables donc pour Romney. C’est bien, mais le but est apparemment d’obtenir davantage en cas d’élection serrée en Floride. D’autant qu’un autre sondage la semaine précédente montrait qu’Obama pourrait recueillir jusqu’à 55% des voix des cubains-américains! Le sénateur démocrate de Floride Bill Nelson, lui, est bien placé pour être réélu en novembre aurait le soutien de 54% de ce même panel contre son adversaire républicain Connie Mack.
Selon la moyenne des dernières enquêtes d’intention de vote en Floride, Obama devance Romney de 3 points, c'est-à-dire pile poil dans la marge d’erreur. Rien n’est perdu. Il va donc falloir segmenter et mobiliser dans les communautés où le plein n’a pas été fait. Pas simple en ce qui concerne les cubains-américains. Il faudra que Ryan explique (en anglais car contrairement à Jeb Bush, il ne parle pas espagnol) que Romney fera plus et mieux en leur faveur. En commençant par dénoncer la politique cubaine d’Obama qui est parvenu en quatre ans à desserrer l’embargo contre Cuba et permettre aux immigrés hispaniques d’être régularisés sous certaines conditions. Une loi que Ryan n’a pas votée au Congrès.
La difficulté, c’est la démographie. Les jeunes hispaniques, contrairement à leurs parents ou grands-parents n’obéissent plus au même ressort nationaliste que leurs parents. L’évolution du communisme à Cuba ne fait plus partie de leur priorité. Quant aux plus âgés, beaucoup dépendent de Medicare, le système de retraites que Romney veut privatiser ou d’autres subventions que le candidat a raillé au nom de sa lutte contre "l’assistanat". Bref, à défaut de conquérir les autres voix latinos, la cour aux cubains va devoir passer à la vitesse supérieure. D’autant que sans la Floride, c’est maintenant assez clair, Romney peut dire adieu à la Maison Blanche.
*François Clemenceau, rédacteur en chef du service "International" du JDD, ancien correspondant à Washington, auteur du Blog USA 2008 devenu Bureau Ovale de 2009 à 2010.
François Clemenceau - Le Journal du Dimanche