CETTE RECETTE, NOUS LA CONNAISSONS (II)
par Sergio Rodriguez Gelfenstein.
Caracas, 8 mai AVN – La semaine dernière, on a transmis certains éléments qui ont permis de voir comment a été configuré le coup d'Etat contre Salvador Allende. Il a été absolument clair que les Etats-Unis ont agi comme l'instrument d'articulation pour créer l'ambiance politique, économique et sociale qui structura l'insurrection de l'oligarchie : création de conditions subjectives à travers les médias, création artificielle de pénurie, accaparement de produits d'alimentation de base, subversion des forces armées, actes violents de sabotage, recrutement de terroristes et incorporation d'une composante civile qui donna une vérité institutionnelle au soulèvement, tâche accomplie en première instance par les parlementaires et les partis de droite. Tout cela financé par le gouvernement et quelques compagnies transnationales des Etats-Unis et exécuté par l'Agence Centrale de Renseignements comme cela a été visiblement démontré par des documents déclassifiés.
Cependant, de telles actions ont échoué en première instance, quand, en mars 1973, la UP obtint plus de voix et augmenta ainsi son nombre de parlementaires, c'est pourquoi la sortie institutionnelle fut mise de côté et céda le pas au plan pour sortir Allende par tous les moyens.
Dans ce contexte, la droite redoubla ses attaques contre les secteurs constitutionnels des Forces Armées. La grande barrière était le Général Carlos Prats qui s'opposait à une sortie putschiste de la crise du pays. La violence se fit plus permanente, on peut compter presque 100 morts par violence politique dans un pays qui développait son processus « en paix et dans le cadre des institutions ». Bien sûr, la presque totalité des assassinés étaient d'humbles militants des partis qui soutenaient le président Allende. Les scènes de conflit étaient multiples, on peut détacher celle des étudiants où un important rôle subversif était échu à la Fédération des Etudiants de l'Université Catholique, dans sa grande majorité issue des secteurs de l'entreprise et de la droite liée à l'Opus Dei.
De même, le conflit était provoqué par la pénurie et l'accaparement des produits de première nécessité. Le peuple croyait les Assemblées d'Approvisionnement et des Prix (JAP) qui, en coordination avec la Direction de l'Industrie et du Commerce (Dirinco) qu'à un moment dirigea le Général d'Aviation Alberto Bachelet, loyal au président Allende, firent une battue contre les délits économiques, réussissant à atténuer la situation créée mais sans pouvoir l'empêcher totalement. Pour cette action, le Général Bachelet fut arrêté, torturé et assassiné à l'Académie de Guerre Aérienne après le coup d'Etat, par ses propres compagnons d'armes. Sa fille, l'ex présidente du Chili et actuelle candidate aux élections présidentielles est aujourd'hui alliée à ceux qui ont créé les conditions politiques pour l'assassinat de son père. Auparavant, elle fit un important stage d'études au Département de la Défense des Etats-Unis.
Le 27 juin, le Général Pradts échappa à une provocation quand il était en voiture, il tira contre ceux qui l'attaquaient qui prirent la fuite. Tout cela fut le préambule du coup d'Etat qui prit effet le 29 juin quand le Régiment de Blindés N°2 de Santiago se souleva contre le gouvernement, tentant de prendre le Palais de la Moneda qui fut défendu par le Général Pradts en personne. Les principaux leaders de l'organisation fasciste « Patrie et Liberté », organisatrice et promotrice du soulèvement, fuirent le pays. Cette tentative téméraire produisit 20 morts, des civils pour la plupart.
Le 27 juillet fut assassiné devant sa maison, le Capitaine de Navire Arturo Araya Peeters, aide de camp naval du président Allende, officier constitutionnaliste, également loyal au président. Cet acte fut perpétré par l'agent de la CIA David Sanchez Morales avec le soutien de « Patrie et Liberté » et le Commando de droite Rolando Matus appartenant au parti politique qui donna naissance à Rénovation Nationale, organisation dans laquelle milite le président Sebastian Piñera. Ceux qui ont participé à l'homicide du Capitaine Araya furent faits prisonniers et jugés , mais peu de temps après – après le coup d'Etat – furent graciés par Pinochet pour « services rendus à la Patrie ».
Le 22 août, la majorité de droite de la Chambre des Députés approuva un accord dans lequel était établie une situation de « grave violation de l'ordre institutionnel et légal de la République ». On y accusait le Gouvernement d'avoir commis diverses violations comme appliquer des mesures économiques et politiques pour instaurer un système « totalitaire, violer les garanties constitutionnelles, diriger une campagne de diffamation contre la Cour Suprême, violer la liberté d'expression, réprimer par la violence les opposants et tenter d'infiltrer politiquement les Forces Armées. »
Dans ce contexte, le président Allende décida de convoquer un plébiscite pour que ce soit le peuple qui décide s'il continuerait à la tête des destinées du pays. Même dans ces conditions défavorables, Allende avait confiance dans son peuple, dans sa sagesse et sa volonté de résoudre par la voie pacifique ce qu'on prétendait résoudre par la violence. Il n'y avait aucun doute que le président aurait démissionné si les résultats lui avaient été contraires. Il ne craignait pas d'affronter les urnes. La droite, si. La convocation au plébiscite accéléra les préparatifs putschistes... on connaît la suite.
Cela se produisit alors que Richard Nixon, républicain et blanc, était président des Etats-Unis. Pour ceux qui croient que le parti politique ou la couleur de la peau du président modifient le comportement impérialiste des Etats-Unis, il faut réviser l'histoire pour voir qu'à n'importe quelle époque, la puissance du nord a mis en œuvre différentes méthodes d'agression selon chaque situation, contexte ou circonstance. Si on fait le tour de l'Amérique Latine et des Caraïbes pendant les deux siècles passés, on recueille un inventaire d'actions, d'instruments et d'utilisation de différents acteurs orientés vers le même but : renverser l'histoire dans ces pays où les peuples ont choisi des chemins d'indépendance et de souveraineté.
Seulement dans leq quelques années qui se sont écoulées du XXI° siècle, l'empire a mis en fonctionnement son arsenal d'alternatives rétrogrades en Amérique Latine et dans les Caraïbes : En 2002 et 2003, coup d'Etat et sabotage pétrolier avec paralysie de la principale industrie du Venezuela dans le but de renverser le président Chavez. 2004, coup d'Etat, arrestation et expulsion du pays du président Jean-Bertrand Aristide, en Haïti. 2008, tentative sécessionniste en Bolivie. 2009, coup d'Etat, arrestation et expulsion du pays du président José Manuel Zelaya, au Honduras. 2010, tentative d'assassinat du président Rafaël Correa et coup d'Etat en Equateur. 2012, coup d'Etat institutionnel au Paraguay et renversement du président Fernando Lugo.
Sergio Rodriguez Gelfenstein AVN 08/05/13
(traduction Françoise Lopez)