L'OTAN MILITARISE LE MONDE AVEC DES ACCORDS COMME CEUX AVEC LA Colombie

Publié le par cubasifranceprovence

Caracas, 4 juin AVN – L'annonce déconcertante que fit le président colombien, Juan Manuel Santos, que dans quelques semaines son pays souscrirait un accord de coopération avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord fait de la Colombie le premier pays d'Amérique Latine et des Caraïbes à manifester sa volonté d'intégrer officiellement les activités de l'alliance militaire la plus puissante du monde, responsable des invasions de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Libye.

Bien que le schéma se soit éclairci avec le temps, ce que signera la Colombie, au début, est un accord d'échange d'information privilégiée avec cette alliance militaire qui impliquera, dans le temps, de nouvelles possibilités de coopération comme des actions opérationnelles conjointes.

Le schéma d' « associé » de l'OTAN a été la formule pour que l'alliance des Etats-Unis et des puissances occidentales augmentent au XXI° siècle le contrôle et la présence militaire sur tous les continents, au point qu'aujourd'hui, l'organisation compte 28 membres, quelques 50 associés et aspire à s'étendre à quelques 140 pays ces prochaines années.

Les degrés d'engagement varient de l'engagement stratégique à l'engagement opérationnel, mais en évaluant les caractéristiques des associés en Asie, on peut dire que l'OTAN signe des accords pour atteindre, selon eux, quatre objectifs fondamentaux : maintenir la paix, réaliser des opérations humanitaires en cas de désastres naturels, maintenir la sécurité maritime et participer à des plans de défense conjointe et de lutte contre le terrorisme.

Pour atteindre ces objectifs, le schéma implique la réalisation d'exercices militaires conjoints (aériens et maritimes), l'établissement de bases militaires permanentes sur le territoire de l'associé, l'échange privilégié d'information, le transport de troupes sur d'autres scènes de guerre ou de conflit international et en général, une augmentation du budget militaire des pays souscripteurs.

Le modèle utilisé par l'OTAN en Afghanistan, où quelques 50 pays ont participé à l'invasion et à la « reconstruction » du pays – répété aussi en Irak et en Libye – fait penser que le schéma d'associé sert à garantir l'utilisation de troupes sans que les Etats-Unis et les puissances alliées se sacrifient directement sur le terrain.

Là est la culbute que l'OTAN a faite dès sa naissance, en 1949, jusqu'à sa nouvelle modalité de force militaire multinationale et omniprésente qui cherche à pénétrer en Amérique Latine, en particulier en Amérique du Sud.

L'origine de l'histoire.

L'organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a beaucoup changé depuis qu'il s'est formé le 4 avril 1949, à Washington, avec la participation de 10 nations européennes, des Etats-Unis et du Canada.

Créé dans l'esprit de défense mutuelle entre associés, l'OTAN dans la pratique se déploie sur toute la planète (à travers des pactes régionaux qui lui permettraient d'intervenir en Asie, au Moyen Orient et en Afrique) pour neutraliser l'expansion du communisme, au point qu'il a fini par devenir le grand bras armé de l'Occident pendant ce qu'on a appelé la Guerre Froide.

Le puissant arsenal nucléaire qui augmentait sous la protection des puissances occidentales (Etats-Unis, Angleterre et France en tête) en a fait la grande puissance militaire du monde et fut lentement étendu, par diverses affiliations, à la presque totalité de l'Europe Occidentale .

Bien qu'on se souvienne de la polémique que provoqua l'entrée en 1982 de l'Espagne « socialiste » dans le Traité de l'Atlantique Nord, un pas qui aligna définitivement le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol sur les principes de base d'action de cette organisation, c'est à dire, le rendit dépendant de la défense internationale de la démocratie, des droits de l'homme, et conformément à la loi, selon les paramètres et les intérêts imposés par les Etats-Unis et les principales puissances de l'organisation (qui sont celles qui prennent les vraies décisions à l'intérieur de l'OTAN).

Après la chute du communisme et la désintégration de l'Union Soviétique au début des années 90, l'OTAN se restructura avec des cibles à identifier et un autre « ennemi » à construire, pour cela il déploya toute son énergie pour arriver à d'autres paramètres qui garantissent la « sécurité et la stabilité » des grandes puissances occidentales.

Son intervention dans la guerre de Yougoslavie en 1996, a inauguré ce qu'on a appelé les « bombardements humanitaires » qui ont transformé l'OTAN en un nouvel acteur global avec la capacité d'intervenir dans des conflits internes et des guerres entre les pays sans l'approbation préalable de l'ONU, toujours au nom de la « démocratie et des droits de l'homme universels.»

En 1999, l'organisation a commencé une stratégie agressive d'affiliation avec l'incorporation de pays comme la Hongrie, la Pologne et la République Tchèque, ce qui fut le début d'une nouvelle ère d'expansion jusqu'à l'Europe orientale , dans le but de lier les mains à la Russie (le projet du bouclier antimissiles s'insère dans cette stratégie) et d'éradiquer définitivement le fantasme du communisme dans les ex républiques soviétiques.

A la fin du XX° siècle, l'OTAN était une organisation de 28 membres (12 au début, en 1949) annonçant de cette manière la tendance que certains internationalistes ont appelé « l'otanisation du monde », c'est à dire, la présence militaire de plus en plus grande, de cette organisation dans toutes les régions de la planète.

Le XXI° siècle et la politique d'associés.

Avec l'attaque des Tours Jumelles en septembre 2001, les Etats-Unis et leurs alliés définissent le nouvel ennemi global du XXI° siècle : le terrorisme. Au nom du terrorisme, est testé en Afghanistan, un nouveau rôle de l'OTAN comme bras armé multinational pour intervenir militairement dans des pays accusés ou signalés par cette même organisation comme étant « une menace pour la sécurité globale ».

L'OTAN développe sur le terrain afghan, à partir de 2003, un modèle d'action militaire appelé Force Internationale pour la Sécurité (ZAF, sigle en anglais) à travers lequel participent non seulement ses membres traditionnels mais d'autres armées de différentes nations du monde, au point que dans les dix dernières années, y ont participé quelques 50 pays, beaucoup d'entre eux, aujourd'hui « associés » spéciaux de l'organisation.

Ces associés sont essentiellement des « nations qui fournissent des troupes » qui, de plus, accomplissent des tâches de « reconstruction » dans le pays (avec du commerce potentiel pour tous). En Afghanistan, 15 de ces associés restent actuellement : l'Arménie, l'Australie, l'Azerbaïdjan, Bahrein, la Géorgie, le Japon, la Jordanie, le Kazaksthan, la Malaisie, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Corée du Sud, la Turquie et les Emirats Arabes Unis.

L'Afghanistan, comme dit Rick Rozoff, fondateur de l'organisation contre la militarisation du monde Stop-OTAN, a été un laboratoire privilégié pour unifier les intérêts de l'Occident et de l'Orient et consolider avec cela la domination de l'OTAN dans cette région clef de la géopolitique mondiale. De cette façon, les Etats-Unis et ses alliés, à travers des « associations pragmatiques, efficaces et flexibles » avec d'autres pays maintiennent leur présence et leur contrôle militaire sur différents terrains, conflits et zones stratégiques sans avoir besoin de s'exposer directement.

L'augmentation des alliés avec ce statut d' « associés » a permis aux Etats-Unis et aux puissances occidentales d'avancer dans leur domination sans avoir besoin de « démocratiser » ou de « pluraliser » ses intérêts à l'intérieur de l'organisation.

Associés stratégiques et opérationnels.

Dans la première décennie du XXI° siècle, l'OTAN est arrivé à consolider les associés dans le nord de l'Afrique, dans le Golfe Persique et dans la Mer Baltique (Géorgie) qui ont renforcé son pouvoir et son influence, conformément à ce que Michito Tsurukoa, membre de l'Institut National d'Etudes de la Défense du Japon appelle les objectifs « stratégiques, institutionnels, opérationnels et d'inter-population » de l'organisation.

Un modèle qui a été utilisé depuis novembre 2010 pour établir une politique agressive d'association dans le sud du Pacifique qui a permis à l'OTAN de gagner le soutien de pays comme l'Australie, la Nouvelle Zélande, Singapour, la Corée du Sud, le Japon, les Philippines et pratiquement la dizaine de pays qui intègrent l'Association des Nations du Sud-est Asiatique (sauf la Chine) avec lesquelles il réalise des exercices militaires périodiques, conserve des bases militaires permanentes sur leur territoire et échange des informations privilégiées sur les ennemis potentiels des Etats-Unis et de leurs alliés dans l'organisation.

Si dans les années 90, l'OTAN a essayé d'isoler la Russie en gagnant des associés permanents en Europe orientale, au XXI° siècle, ses intérêts se sont centrés sur le fait de limiter la Chine, la grande puissance émergente du sud-est asiatique qui possède des sociétés flexibles et efficaces. Le secrétaire Général de l'organisation, le danois Andrès Rasmussen, le disait déjà en avril 2011 : « Nous sommes disposés à développer le dialogue politique et la coopération pratique avec toute nation et avec les organisations importantes du monde entier qui partagent nos intérêts. »

Tsuruoka dit que les associés dans le Pacifique autour de la Chine se sont établis pour atteindre quatre objectifs politico-militaires : maintenir la paix, réaliser des opérations humanitaires en cas de catastrophes naturelles, maintenir la sécurité maritime et participer à des plans de défense conjointe et à la lutte antiterroriste.

La première condition pour être associé de l'OTAN est en apparence basique : « être une nation pacifique, responsable et qui contribue à la sécurité globale », le problème vient quand ces trois vertus doivent coïncider avec les intérêts géopolitiques des Etats-Unis.

Les accords qui sont habituellement établis privilégient le stratégique, comme dans le cas du Japon et de la Corée du Sud (ce qui prévaut est d'élaborer des plans militaires conjoints pour maintenir la stabilité dans le sud-est asiatique) ou les accords opérationnels comme ceux souscrits avec des pays comme l'Australie, la Nouvelle Zélande et Singapour où l'important est que les armées participent à des opérations militaires de l'OTAN pour augmenter sa capacité opérationnelle, sa formation professionnelle et l'expérience de la guerre, en échange d'échange privilégié d'informations.

La guerre comme poumon du capitalisme.

Le modèle d'associés qui partagent les intérêts, appliqué en Afghanistan, fut répété postérieurement en Irak en 2003, en Libye en 2011 et maintenant on veut l'essayer dans des nations comme la Syrie et l'Iran. Avec plus de 50 associés en ce moment, selon Rozoff (aucun en Amérique Latine et dans les Caraïbes avant l'annonce de la Colombie), les architectes de l'OTAN espèrent le faire arriver, dans les prochaines années, à quelques 140 associés, ce qui le transformerait en une force militaire démesurée et omniprésente, sans contrepoids sur toute la planète.

Ce qui est clair dans cette « otanisation » du monde, c'est le caractère économique de la formule. Pour se faire une idée, lorsque les Etats-Unis et l'Europe entrèrent dans leur crise financière provoquée par les coupes inhumaines dans les politiques sociales de ces pays à partir de 2008, le budget militaire non seulement s'est maintenu mais dans certains cas, a augmenté.

Dans la rapport le plus récent de l'Institut International Sipri qui a son siège en Suisse, on dit que les Etats-Unis fournissent 33% des dépenses militaires de la planète, ce qui est estimé à 1,75 billions de dollars, 57% des dépenses militaires mondiales.

Ce que ces chiffres indiquent, c'est que l'industrie militaire est le grand poumon du capitalisme au XXI° siècle et les Etats-Unis sont les principaux bénéficiaires de ce schéma, non seulement parce qu'ils sont le grand producteur d'armements et de technologie militaire mais aussi parce qu'ils font pression sur les associés de l'OTAN pour qu'ils achètent leurs armes et consacrent le plus gros budget aux dépenses militaires.

Rien qu'en 2012, les dépenses militaires en Europe Orientale ont augmenté de 15%, au Moyen-Orient, de 8% et en Afrique, de 7,8% selon Sipri. L'Italie, un des pays qui a le plus souffert des effets des coupes sociales, a investi en dépenses militaires 34 000 millions de dollars en 2012.

L'OTAN, cependant, non seulement cherche à contrôler le monde militairement mais aussi la guerre s'est transformée en un commerce très lucratif avec lequel survivent les grandes puissances, en commençant par les Etats-Unis, atteintes aujourd'hui par la forte crise financière.

Hector Bujanda AVN 04/06/13

(traduction Françoise Lopez)