Venezuela: LETTRE DU PRESIDENT Nicolas Maduro à Barack Obama
NICOLAS MADURO MOROS
Président de la
République Bolivarienne du Venezuela
Caracas, 1° septembre 2013
Berceau du Libérateur Simon Bolivar
à son Excellence
Barack Obama
Président des Etats-Unis d'Amérique du Nord
Au nom du Peuple du Libérateur Simon Bolivar et du Commandant Hugo Chavez, je viens vers vous en défense de la cause de la paix et en tant qu'ennemi acharné de la guerre. Cette lettre souhaite vous appeler à la réflexion au sujet de l'injuste, néfaste et effroyable possibilité d'une intervention étasunienne contre le Peuple de Syrie.
Ces lignes n'ont pas d'autre intention, Président Obama, que d'accompagner la clameur des Peuples pour un monde dans lequel la paix serait la manière quotidienne pour nous entendre entre frères et sœurs. Je fais miennes, entièrement miennes, ces belles paroles du Libérateur Simon Bolivar : « La paix sera mon port, ma gloire, ma récompense, mon espérance, mon bonheur et tout ce qui est précieux dans le monde ». Dans le même sens, il s'agit de suivre le chemin que nous montre Jesus de Nazareth dans cette belle béatitude : « Bienheureux les pacifiques parce qu'ils seront appelés fils de Dieu. »
Après cette importante rencontre qu'ont eu le Secrétaire d'Etat John Kerry et notre chancelier Elias Jaua à l'occasion de la 43° Assemblée Générale de l'Organisation des Etats Américains qui a eu lieu dans la ville d'Antigua, au Guatemala, j'ai déclaré ce qui suit : « On peut avoir des relations de respect avec le gouvernement des Etats-Unis, des relations en termes d'égalité... Nos différences, nous pouvons les transformer. » Dans ce même esprit qui m'amène aujourd'hui vers vous, dans l'intention qu'au-delà des différences, nous unissions nos efforts pour que jamais plus ne viennent à se répéter des événements aussi désastreux que ceux d'Irak, d'Afghanistan ou de Libye. En particulier, je voudrais être le porte-parole du sentiment de millions et de millions de personnes dans Notre Amérique et dans le monde entier qui, à travers les réseaux sociaux et tant d'autres médias demandent l'arrêt des hostilités ainsi que la non-intervention militaire de puissances étrangères dans la République Arabe de Syrie. Une telle intervention militaire serait désastreuse pour toute la région de l'est de la Méditerranée, lieu de rencontre des routes historiques de notre civilisation.
En se référant à Bush et aux faucons du Pentagone, Susan Sontag, cette grande conscience étasunienne et universelle, a dit avec une ironie piquante : « Pourquoi ils ont toujours raison : pour eux, démontrer la puissance américaine est bon en soi. Ce serait la même chose s'ils ne capturaient pas Saddam Hussein, ce serait la même chose s'il n'apparaissait jamais aucune des armes qu'ils attribuaient au régime irakien antérieur : la guerre était justifiée parce que oui, et point final. La veille de l'invasion, ils jouaient avec quatre ou cinq excuses et à la fin, ils optèrent pour celle des armes de destruction massive. Si le président n'en finissait pas avec Saddam Hussein, il n'accomplissait pas son mandat constitutionnel de protéger le peuple des Etats-Unis. On ne pouvait pas donner un jour de plus aux inspecteurs d'Hans Blix, la situation demandait une intervention d'urgence parce que les missiles nucléaires irakiens étaient déjà pointés sur nos villes... » Comme vous le savez bien, il s'agissait d'une farce montée mais qui eût comme conséquence la destruction de l'Irak et coûta la vie à un million d'Irakiens. Tout ce que dit Sontag est parfaitement applicable à la Syrie là et maintenant : la farce est en train de se répéter point par point. Une fois de plus, la guerre immorale et criminelle se justifie parce que oui, et point final.
Certainement, hier, l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) a célébré son VII° Sommet à Paramaribo, République du Surinam : le bloc sud-américain a émis une déclaration conjointe prenant position sur la Syrie. Je me permets d'attirer votre attention sur ce document qui condamne les interventions extérieures qui seraient incompatibles avec la Charte des Nations Unies de même qu'elle rejette le développement de stratégies interventionnistes de toute sorte.
Ayez la mémoire de vous-même, Président Obama, souvenez-vous d'où vous venez ; souvenez-vous de vos racines afro-étasuniennes. Souvenez-vous des lumineux exemples de dignité de Malcolm X et de Martin Luther King qui vous ont formé et qui vous ont amené à lutter pour un destin meilleur. Souvenez-vous de vos origines, souvenez-vous de vous comme de ce jeune leader et combattant social de Chicago. Souvenez-vous qu'il s'est opposé de front à la guerre contre l'Irak et a rejeté tout le tissu de mensonges avec lequel on a prétendu la justifier.
Ne refusez pas d'entendre l'écho de ces paroles de Malcolm X qui sont encore valables : « Et si ces peuples de ces différentes régions commencent à voir que le problème est le même problème, et si nous, les 22 millions de Nord-américains noirs, nous voyons que notre problème est le même problème que celui des peuples qui ont été opprimés au Vietnam du Sud et au Congo et en Amérique Latine - car les opprimés de la terre constituent une majorité et non une minorité – alors, nous affrontons nos problèmes comme une majorité qui peut exiger et non comme une minorité qui ne peut que supplier. » En m'inspirant de l'esprit et de la lettre de notre frère Malcolm, je veux vous transmettre une ferme conviction : aujourd'hui, nous sommes des millions d'hommes et de femmes de toute la planète qui avons le droit d'exiger de vous que vous écartiez définitivement la possibilité d'une aventure guerrière contre le noble Peuple de Syrie. Comme le chantait l'immense John Lennon : « Nous parlons tous de donner une chance à la paix ».
« Obama sait-il qu'il est en train de lutter dans la bande d'Al Quaida ? » Un article éclairant de Robert Fisk publié récemment dans « The Independant » s'intitule ainsi. Fisk dit : « Il y aura certaines ironies, évidemment. Alors que les Etasuniens liquident à coups de drones les membres d'Al Quaida au Yemen et au Pakistan – avec, évidemment, l'habituel groupe de civils – les mêmes Etasuniens lui fourniront, avec l'aide de messieurs Cameron, Hollande et du reste des petits généraux-politiques, une assistance matérielle en Syrie pour frapper les ennemis d'Al Quaida. De fait, vous pouvez parier votre dernier dollar sur ce que le seul objectif que les Etasuniens ne vont pas bombarder en Syrie sera Al Quaida ou le front Nusra. » Il y a là une dangereuse mer de contradictions dans laquelle la politique internationale étasunienne est tombée.
Je me permets de vous demander avec angoisse, Président Obama, à la lumière de la réflexion de Fisk : « Allez-vous déclarer et déchaîner une guerre pour favoriser l'arrivée au pouvoir d'Al Quaida dans la République Arabe de Syrie ? »
Que le Peuple syrien résolve par lui-même ses conflits sous le droit sacré à la libre détermination à laquelle toutes les nations souveraines ont droit ; que sortent de Syrie toutes les forces mercenaires qui ont déjà causé tant de destructions et tant de morts.
Comme disait le Commandant Chavez lui-même, il s'agit d'un nouvel Armaguedon. Dans un monde sous la menace certaine de la guerre permanente, personne n'est à l'abri. C'est cela, le monde que vous voulez ? Un monde où règne la paix des cimetières ?
En ces heures de décisions cruciales, nous nous demandons avec Howard Zinn : « Ne devrions-nous pas leur demander à tous d'oublier pour un moment leurs discours enflammés et d 'imaginer ce que signifierait la guerre pour des êtres humains dont nous ne connaissons pas les visages, dont les noms n'apparaîtront en aucun monument après la guerre ? » Ce que nous faisons à la recherche de la paix durable et de la stabilité de n'importe quelle nation de la planète ne sera jamais suffisant parce que le bien-être d'un Peuple nous grandit alors que sa douleur nous rabaisse à l'inhumanité la plus vile.
Nous, avec l'amour pour la paix que cultive le Peuple vénézuélien, nous rejetons la guerre et disons non aux bombes, à la désolation et à la mort. Cela est notre espérance, la même qu'encouragea l'âme de Martin Luther King quand il dit : « Si je savais que le monde s'achevait demain, moi, aujourd'hui même, je planterais un arbre. » Cet arbre est le même que celui dont nous souhaitons qu'il fleurisse en ces heures si tendues et funestes.
Moi, j'aspire à ce que l'appel que je vous ai lancé dans cette lettre, Monsieur le Président, ne tombera pas dans le vide et je l'espère ; moi, j'aspire à ce que vous rectifiez et que vous agissiez pour arrêter la machine de guerre qui s'est déjà mise en marche et je l'espère ; moi, j'aspire à ce que vous fassiez cesser le roulement funèbre des tambours de la guerre sur la Syrie et je l'espère. Je demande à Dieu qu'il en soit ainsi.
Pour la paix en Syrie et dans tout le monde !
Non à la guerre !
Nicolas Maduro Moros
Chavez est vivant, la Patrie continue !!!
PAIX, PAIX !
(traduction Françoise Lopez)