CRISE DES MISSILES 11: UN SECRET PARTAGE PAR DES MILLIERS ET DES MILLIERS DE PERSONNES

Publié le par cubasifranceprovence

Ruben G. Jimenez Gomez

 

Pour transporter les munitions nucléaires à Cuba, on utilisa le bateau marchand Indiguirka. Le capitaine du bateau et le chef du convoi militaire avaient l'ordre de ne permettre aux Nord-américains d' inspecter le bateau en aucune circonstance. Il y avait un plan pour faire couler le bateau rapidement s'il se trouvait en danger d'être capturé. Parmi l'équipage, seuls le savaient le capitaine et le premier mécanicien.

 

  1. Une attaque de bateaux devait être interprétée comme une agression de l'Union Soviétique.

 

En accomplissant les indications directes du commandement supérieur, le chef de la Flotte du Nord, en utilisant ses spécialistes, réalisa secrètement l'installation d'un chargement de substances explosives sur le bateau, dans les endroits indiqués par le mécanicien principal. Ces charges serviraient à réaliser l' explosion de la coque du bateau et son naufrage rapide au cas où il serait occupé par l'ennemi. La régie du système d'explosion fut installée dans un local indépendant contigu à la cabine du commandant , fermé et scellé. Le chef du convoi militaire, le colonel Nicolaï Beloborodov, avait en permanence les clefs du local et du matériel d'explosion. Conformément aux instructions reçues, il devait prendre, conjointement avec le capitaine, la décision de faire exploser le bateau. Le capitaine en informerait le Centre pendant que le chef du convoi exécuterait la décision.

 

Dans le but d'augmenter les moyens d'autodéfense du bateau contre une attaque potentielle, celui-ci fut le premier de la Flotte Marchande de l'URSS dans lequel furent montées les deux installations de canons antiaériens doubles de 23 mm, une sur la proue et l'autre sur la poupe. Le départ se produisit dans la soirée du 16 septembre 1962. Nikita Khroutchëv en fut informé personnellement . A partir de cette date, les capitaines des bateaux marchands et les chefs des convois militaires avaient l'ordre de répondre par le feu si un bateau était attaqué en mer. L'attaque par des bateaux ou des avions étrangers devait être interprétée comme une agression contre l'Union Soviétique. On devait immédiatement en informer Moscou et faire front à l'attaque avec les installations de canons doubles antiaériens placés secrètement sur chacun des bateaux. Les capitaines des bateaux soviétiques avaient autorité pour décider s'ils répondaient ou non à l'attaque en faisant feu au vu des circonstances, et s'ils ordonnaient de transmettre en texte ouvert leur rapport sur l'action ennemie . Cependant, ils devaient transmettre ce qui était en rapport avec leur riposte à l'attaque en langage chiffré pour que Moscou puisse présenter l'incident comme un acte de piraterie contre un bateau pacifique et désarmé. Il était clair qu'il y avait un risque car si un incident se produisait et si les canons les canons camouflés à bord du bateau étaient découverts, celui-ci perdrait tous les avantages légaux que lui donnait le Droit International pour sa protection .

 

Heureusement, les activités de surveillance étasuniennes, bien qu'intenses jusqu'au harcèlement , n'allèrent jamais jusqu'à la violence alors que les embarcations et les avionnettes pirates avec des équipages de contre-révolutionnaires d'origine cubaine , malgré leurs fanfaronnades et leurs déclarations belliqueuses, ne se risquaient pas à se lancer, ils savaient que c'était jouer avec le feu et qu'ils pouvaient se brûler. Il valait mieux continuer les attaques de barques de pêcheurs et de points de la côte somnolents à l'aube, en tirant parti de la surprise.

 

Ce jour-là, arriva au port de Mariel le bateau à moteur Poltava, qui transportait à Cuba les premiers éléments du régiment aérospatial stratégique qui serait placé dans la région de Candelaria-San Cristobal, province de Pinar del Rio, dans la partie occidentale de l'Ile , comprenant 8 missiles de combat R-12. En général, la décision de transporter la division aérospatiale stratégique alors que presque toutes les grandes unités et les unités du Groupement de Troupes Soviétiques à Cuba se déplaçaient , ne fut pas du tout habile. A cause de cela, de la mi-septembre à octobre, seulement dans les ports de l'Ile arrivèrent , essentiellement, des bateaux avec de petites unités et du matériel technique des Troupes Aérospatiales Stratégiques . La grande accumulation de machines spéciales et de matériel de grandes dimensions dans les ports de destination, en soi, ne pouvaient manquer d'attirer l'attention de la population locale et, par conséquent, celle des agents ennemis. Plus rationnel aurait été qu'après avoir placé certaines unités qui garantissaient la défense aérienne et terrestre minimale dans une région, on transporte les moyens aérospatiaux de celle-ci , et ainsi de suite. Cela rendrait aussi possible que le premier régiment arrivé soit prêt pour le combat 2 à 3 semaines avant par rapport à la variante choisie. Un autre détail qui rendit les opérations difficiles fut constitué par le fait que chacun des régiments des unités aérospatiales et de toutes les unités en général, transportait le matériel de construction nécessaire : bois, ciment, pièces métalliques, éléments préfabriqués de béton, etc... ce qui rendait très pénibles et très longs les processus de chargement et de déchargement du matériel des unités dans les ports d'URSS et de Cuba. Il aurait mieux valu transporter tout ce matériel de construction de façon centralisée, comme un chargement commercial, ce qui allégeait considérablement ces processus pour les unités de combat. Ultérieurement, on put faire à Cuba la distribution centralisée de ces moyens par région.

 

A ce moment-là, les services de renseignements nord-américains reçurent les premières informations plus ou moins dignes de crédit sur la présence de missiles balistiques de moyenne portée sur l'Ile.

 

EN ESSAYANT DE SERRER LES ECROUS.

 

Le 17 septembre, eut lieu une réunion exceptionnelle des Comités des Relations Extérieures et des Services Armés du Sénat nord-américain pour analyser la situation à Cuba et les projets présentés pour envahir le pays en invoquant la Doctrine Monroë . La réunion se prolongea 5 heures et était tellement fréquentée qu'il n'y avait pas assez de sièges pour les législateurs et les hauts fonctionnaires qui assistaient au débat. Les projets présentés offraient des schémas divers mais la proposition centrale ne changeait pas : invoquer la Doctrine Monroë pour attaquer militairement Cuba , en dernier recours, et commencer par essayer avec un blocus naval auquel participeraient leurs alliés de l'OTAN. Tous étaient d'accord sur le fait d'invoquer la Doctrine Monroë à défaut d'autre base légale (NA : ou illégale?!) à laquelle ils pourraient faire appel.

 

Dans la presse, on fit une retentissante campagne pour mettre au goût du jour la fameuse doctrine. Peu après, le journal « Times » défendit l'attaque militaire de Cuba sur des pages et des pages en la justifiant par la doctrine Monroë. Les noms des personnages politiques qui l'invoquaient pour pouvoir attaquer l'Ile étaient énumérés complaisamment :

 

Le sénateur républicain Kenneth Keating  déclara au Congrès que la Doctrine Monroë était la pierre angulaire de la politique extérieure nord-américaine et avait été violée.

 

Le représentant démocrate O.C. Fisher demandait le blocus naval de Cuba parce que les Soviétiques violaient la Doctrine Monroë.

 

Le sénateur démocrate Thomas J. Dodds dit que les Etats-Unis devaient invoquer la Doctrine Monroë pour proclamer un embargo total contre Cuba.

 

Spruille Braden, ex assistant secrétaire d'Etat pour les Affaires Latino-américaines (et ex ambassadeur à Cuba), demandait une invasion militaire au nom de la Doctrine Monroë.

 

L'ex président Harry S. Truman déclarait que « la raison pour laquelle nous avons des problèmes avec Cuba, c'est qu'Eisenhower n'a pas eu le cran pour imposer la Doctrine Monroë. »

 

Le sénateur Prescott Bush présenta un amendement pour qu'on déclare que les Etats-Unis avaient le droit et le devoir d'attaquer Cuba. Son amendement faisait savoir à l'Union Soviétique que la Doctrine Monroë n'était pas morte mais qu'elle restait comme une partie importante de la politique extérieure et comme telle, devait être imposée et respectée.

 

Il faut signaler qu'une semblable agitation belliciste atteint son apogée avant qu'on ne découvre les missiles à Cuba , car elle faisait partie des mesures mises en route pour créer un état d'esprit national et international qui servirait de toile de fond au plan général d'invasion que le Pentagone préparait méticuleusement.

 

Le même jour, le 17, sortit du port de Feodosia, sur la Mer Noire, la bateau marchand Krasnograd, transportant la première partie du personnel et du matériel technique du troisième régiment aérospatial stratégique, qui stationnerait dans la zone de Santa Cruz de los Pinos-San Cristobal, région occidentale de Cuba. Parmi le matériel , il y avait 6 missiles R-12 de combat.

 

A ce moment-là , s'était présentée une situation extraordinaire dans le régiment d'aviation de chasse qui aménageait ses positions sur l'aérodrome proche de la ville de Santa Clara. La question était que, pendant la planification de la manœuvre du régiment, quelqu'un avait commis une grossière erreur de calcul qui eut pour conséquence que les conteneurs avec les avions d'entraînement MIG-15 UTI furent les derniers à arriver à Cuba au lieu d'être les premiers . Le problème était que plusieurs des 40 MIG-21 F13 que comptait le régiment étaient déjà armés et prêts pour être essayés en vol et une partie des pilotes était arrivée mais ceux-ci arrivèrent fatigués après un si long et lent voyage. Selon les normes soviétiques , quand les pilotes des avions de combat ne volaient pas régulièrement , qu'il s'écoulait un certain temps sans qu'ils le fassent, on considérait qu'ils étaient inaptes au vol car ils perdaient les réflexes nécessaires pour ce dangereux travail , dans lequel beaucoup de choses se font automatiquement , presque d' instinct car on n'a pas le temps de penser ou de raisonner. Quand cela arrive à un pilote de combat, il doit réaliser un cycle de préparation pour les vols qui comprend automatiquement le pilotage d'avions d'entraînement à deux places comme le MIG-15 UTI pour rétablir les réflexes perdus ou assoupis.

 

En définitive, le commandant du régiment , le colonel Nicolaï Shivanov, se vit obligé de prendre une décision risquée mais nécessaire : commencer à voler dans les avions de combat sans l'entraînement prévu pour les pilotes sur les MIG-15 UTI . Le 18 septembre , le navigant principal du régiment, le lieutenant colonel Vladimir Grol, décolla avec un premier avion, décrivit un cercle, s'éloigna des limites de l'aérodrome et ensuite passa en rase-motte au-dessus de la piste d'atterrissage, se posa sans encombre. Alors, le colonel Shiranov doit avoir respiré . Les vols des autres pilotes aussi se déroulèrent sans complications. Mais si le destin avait voulu que n'importe lequel d'entre eux ait eu un accident avec sa machine, ça n'aurait pas été très bien pour l'audacieux commandant, ni au vu de la situation, ni de la disposition de combat ni de rien car il avait pris une décision très risquée.

 

Ce même jour, pendant que les pilotes soviétiques volaient dans le ciel de Santa Clara, l'ex vice-président Richard M. Nixon, qui depuis le Watergate et sa démission forcée passait pour être connu comme « Dirty Dick » appela à établir une quarantaine pour arrêter l'irrépressible flux d'armes de l'Union Soviétique vers Cuba. (Note du traducteur: En fait, Nixon dut son surnom de "Dirty Dick" à la campagne de diffamation qu'il orchestra en 1950 contre son adversaire aux élections sénatoriales, Helen Gahagan Douglas, surnommée "La Dame Rose")

 

De plus, les avions du Commandement Aérien Tactique nord-américain commencèrent à participer aux entraînements pour appuyer un plan de contingence de bombardement à Cuba , connu sous le nom de code de OPLAN 312.

 

Le lendemain, les Comités des Relations Extérieures et des Services Armés du Sénat approuvèrent le texte de la Résolution Conjointe qui avait été proposée sur Cuba, dans laquelle on autorisait le Président à utiliser les troupes de ce pays si c'était nécessaire pour résister à l'agression communiste dans l'Hémisphère . Cette résolution fut approuvée le 20 septembre au Sénat nord-américain par 86 voix contre 1, c'était en réalité « une lettre de marquei » accordée au président Kennedy. Le document lui concédait la faculté de faire usage des armes à sa discrétion contre Cuba pour ses soi-disant activités agressives et subversives dans n'importe quelle partie de l'Hémisphère, ainsi que pour empêcher la création ou l'utilisation dans l'Ile d'une capacité militaire puisse mette en péril la sécurité des Etats-Unis .

 

Le 21, dans son discours devant l'Assemblée Générale de l'ONU, le ministre des Relations Extérieures soviétique , Andreï Gromiko, avertit qu'une attaque nord-américaine contre Cuba signifierait la guerre avec l'Union Soviétique.

 

Le 22 septembre 1962, le Nikolaievsk arriva au port d'Isabela de Sagua avec les derniers éléments du régiment d'aviation de chasse stationné dans les environs de la ville de Santa Clara. Ce même jour, arriva au port de Casilda le Kimovsk qui transportait, entre autres choses, 8 missiles R-12, parmi lesquels 6 de combat et 2 de démonstration, tous destinés au régiment stationné dans le centre de l'Ile.

 

Au sujet du transport secret des missiles stratégiques par les routes et les chemins de Cuba, le commandant Fidel Castro déclara ultérieurement : « Les Cubains ont accompli leur part en gardant le secret. C'était un secret auquel participaient des milliers de personnes. Parce que quand commencèrent à se déplacer tant d'armes et de troupes, beaucoup de gens reçurent l'information. Nous effectuâmes un travail très dur pour que cela reste discret. Tout individu qui savait quelque chose était isolé dans une unité militaire . Mais il arriva un moment où il fut impossible de les isoler tous étant donné la quantité ; alors, on leur demandait la plus grande discrétion. Mais ce secret arriva à être partagé par des milliers et des milliers de gens. Pour transporter un projectile de cette nature, il faut beaucoup de choses : des camions, des chauffeurs, des ports, des grues, etc... Au début, venaient d'autres armements mais quand il devint évident que nous installions ces projectiles, il fallut prendre de nombreuses mesures de contrôle. Mais il y eut un moment où des milliers de personnes le savaient et où des dizaines de milliers s'en doutaient. Il arriva un moment où ce fut le secret de presque tout le peuple. »

 

Au début de la troisième décade de septembre, sur le bateau marchand Fisik Vavilov, arrivèrent à Cuba les dernières unités de défense antiaérienne qui complétaient la division qui protégeait la partie orientale de l'Ile. Le chef de la division , son état major et les organes de direction s'installèrent dans la ville de Camagüey pendant que les états majors des régiments stationnaient à Ciego de Avila, Victoria de las Tunas et Santiago de Cuba. Le délai établi pour effectuer le déploiement total de la division en ordre de combat et pour que toutes les petites unités commencent à réaliser la garde de combat, s'étendit du 23 septembre au 20 octobre.

 

Il faut signaler que déjà à ce moment-là, plus de la moitié des 24 groupes aérospatiaux antiaériens qui composaient les 2 divisions étaient prêts pour le combat. Plus, le commandement soviétique donna des ordres stricts depuis Moscou pour qu'on ne tire pas sur les avions de reconnaissance de l'ennemi pour ne pas dégrader une situation qui était déjà assez tendue. On interdit également que les moyens de radiolocalisation des groupes émettent pour éviter leur détection par l'ennemi et que celui-ci connaisse d'avance la composition et l'ordre de combat des Troupes de Défense Antiaérienne. En réalité, cette décision ne se justifiait pas car hormis l'influence négative provoquée par le fait qu 'on n'agissait pas contre les moyens de reconnaissance ennemis, celui-ci fut capable de découvrir d'avance , au moyen de photo aériennes, les emplacements de presque tous les groupes aérospatiaux antiaériens , c'est pourquoi l'ennemi connaissait d'avance la composition et l'ordre de combat de ces unités.

 

Il est possible que le haut commandement soviétique ne se soit pas imaginé la qualité et le degré de définition des images de la surface terrestre obtenues par les appareils photos installés dans les avions U-2 alors qu'ils volaient à une altitude de l'ordre de 20 km. D'une autre façon, on ne concevait pas qu'ils puissent les laisser voler librement et on restait confiants dans le secret des emplacements de leurs unités qui se voyaient depuis le ciel comme si c'était un gros ballon de basket.

 

Le 25 septembre, le Congrès nord-américain approuva la résolution qui octroyait au président Kennedy l'autorité nécessaire pour appeler au service actif 150 000 réservistes pour 12 mois au plus, s'il le considérait nécessaire. Au même moment, à Moscou, le Conseil de Défense décidait de suspendre l'envoi à Cuba de l'escouade de bateaux de surface et de la division de sous-marins porte-missiles , décision due à la préoccupation concernant la capacité soviétique à fournir tout le nécessaire si les actions de combat se déclenchaient , en plus du fait que leur présence alarmerait fortement les politiques et les militaires nord-américains.

 

Le 26, la Chambre des Représentants des Etats-Unis approuva la résolution conjointe sur Cuba par 384 votes pour et 7 contre. Cette résolution résumait toute la politique d'hostilité qui avait caractérisé la conduite des gouvernants nord-américains à propos de Cuba, à partir du triomphe de la Révolution dans l'Ile, politique qui violait les principes les plus élémentaires du Droit International , de la Charte de l'ONU et jusqu'aux plus élémentaires concepts de l'éthique et de la noblesse, car on proclamait ouvertement l'usage de la force par une nation grande et puissante contre un pays petit et sous-développé.

 

UNE TACHE TITANESQUE : LA PREPARATION DES EMPLACEMENTS

 

A ce moment-là, se déroulait en grande pompe la préparation des emplacements dans les deux régiments de missiles de moyenne portée qui étaient en train d'arriver. C'était une énorme mission. Les travaux se déroulaient jour et nuit . Au crépuscule, on vérifiait l'état du matériel et on faisait des cours et des exercices complexes en position de décollage pour maintenir ou perfectionner le niveau d'entraînement du personnel. Chaque régiment était formé par 2 groupes de combat composés de 4 positions de lancement chacun.

 

Dans chacun, il fallait installer les 4 rampes de lancement, construire un silo de 25 m de long pour 11 de large pour stocker les têtes de combat nucléaires . Ce silo était confectionné avec le système des arcs de béton préfabriqués . Il fallait aussi préparer les étages de ciment pour stocker les missiles sous des tentes de campagne , préparer les entrepôts et l'ère de logement du personnel , qui au début, fut composée de tentes de campagne, en plus des postes de commandement des chefs des groupes de combat et des régiments , car on décida de placer l'état major de chaque régiment dans un de ses groupes de combat.

 

Les rampes de lancement furent disposées en ligne irrégulière, en zigzag, à une distance d'environ 200 m l'une de l'autre. Le périmètre de l'ère de chaque groupe de combat fut entouré par une clôture de fil de fer barbelé avec des piquets. A l'intérieur de cette aire, la sécurité était à la charge des Soviétiques qui, à quelque distance, construisaient des postes de guet et des points de contrôle aux l'entrées. Ces clôtures furent placées à une distance telle des positions de lancement qu'elles empêchaient que le tir direct des armes d'infanterie n'endommage les missiles.

 

A ce moment-là, le système employé pour garantir le fonctionnement de chaque rampe de lancement comprenait un ensemble d'armes , modernes pour l'époque, qui comptait plus de 20 moyens techniques différents et 150 hommes pour s'en occuper.

 

En un court laps de temps et dans des conditions de travail exténuantes, on réalisa une tâche énorme : on construisit les positions de lancement avec tous les éléments de béton prévus, plus quelques sentiers indispensables pour que les chariots avec les missiles et d'autres équipements ne soient pas bloqués à cause des pluies fréquentes. On construisit les dépôts pour le stockage des têtes de combat nucléaires , on construisit 12 km de chemins de gravillons pour les communications internes de chaque région de stationnement , on construisit aussi les tranchées et les abris , aussi bien pour la garde que pour organiser la défense autour des emplacements. On effectua une moyenne de plus de 1 000 explosions dans chaque groupe de combat en terrain rocheux ; on déploya les entrepôts , les cuisines et les salles à manger et on prépara les tentes de campagne de la zone de campement . Certainement, il faut signaler que ces concentrations de tentes de campagne se transformèrent en un des principaux indices qui ont démasqué les unités.

 

Tout le travail était accompli sous des températures qui pouvaient atteindre les 35° C et une humidité très élevée, par moments de presque 100%, ce qui affectait le personnel. Comme si cela ne suffisait pas, le terrain rocheux offrait une forte résistance aux moyens d'excavation amenés d'URSS, c'est pourquoi une grande partie du travail dut être fait à la main et, étant donné le caractère si secret de la mission, non seulement étaient interdits les transferts de personnel, mais aussi l'utilisation de main d'oeuvre cubaine sur place.

 

Le volume si important de travaux de génie , exécuté sur des surfaces de terrain relativement petites et en un laps de temps limité, ainsi que la concentration d'une grande quantité de matériel sur place rendirent difficile à l'extrême la bonne réalisation des travaux de camouflage prévus. En plus des moyens de camouflage réglementaires, la division n'avait que des filets de camouflage à l'aide desquels on ne pourrait camoufler que quelques équipements. Il faut aussi prendre en compte que les couleurs des couvertures de polychlorure de vinyle ne correspondaient pas dans l'absolu avec les conditions locales. La réalisation des travaux de camouflage des positions de feu se compliqua encore car étant donné les conditions du terrain et les conditions climatiques , on pava non seulement les plate-formes de lancement mais aussi les sentiers pour le déplacement des élévateurs et des chariots avec les missiles , ce qui augmenta ostensiblement le volume des travaux de camouflage , alors il ne suffisait pas de camoufler les différents équipements situés dans la zone de lancement mais il fallait camoufler toute la zone.

 

Le 29 septembre, arriva au port de Cienfuegos le bateau marchand Metallug Baikov avec la première expédition de personnel et de matériel de la base aérospatiale technique destinée à la région centrale. Il faut dire que chaque régiment aérospatial avait sa propre base technique , y compris les camions pour le transport des têtes de combat nucléaire des entrepôts aux missiles , une fois donné l'ordre de les préparer pour le tir . Cette séparation physique des composants des armes et du véhicule de livraison, y compris les gardes spéciales du KGB pour les têtes de combat nucléaires stockées, était les caractéristiques normales du déploiement nucléaire soviétique jusqu'à ce qu'ensuite, ils développent des sauvegardes plus avancées .

 

Ce même jour arrivèrent au port de La Isabela les derniers éléments du régiment d'infanterie motorisée correspondant à la région du centre, celui qui occupa des positions proches de la ville de Remedios.

 

(A suivre)

 

(traduction Françoise Lopez)

 

NOTES :

i) Lettre de marque : lettre par laquelle un roi autorisait un navire civil à accomplir des actes de piraterie.