L'HISTOIRE PARLEMENTAIRE CUBAINE

Publié le par cubasifranceprovence

Écrit par Redaction AHORA

 

L’histoire parlementaire cubaine est née à l’unisson de la clameur indépendantiste, au moment où toutes les forces insurgées de l’île, réfugiées dans les maquis s’unirent pour former un gouvernement unique dont la première décision fut de décréter l’égalité de tous les hommes sur nos terres, jusqu’alors colonisées par l’empire esclavagiste espagnol.

 

Le 16 avril 1869, dans l’humble village de Guaimaro, dans l’est du pays, la Chambre des représentants – le Parlement indépendantiste mambi –, composée par une pléiade de patriotes, dont Carlos Manuel de Céspedes, Ignacio Agramonte José Joaquin Palma, Eduardo Machado, Antonio Zambrana, et d’autres commença à poser les bases de son œuvre législative, et se consacra à doter la lutte indépendantiste d’une structure institutionnelle, en fixant les principes de la politique de la guerre et les bases démocratiques de la « République en armes », garantissant les libertés et les droits essentiels de l’Homme.

 

Au cours des deux guerres d’indépendance dirigées par les mambises (1868-1878 et 1895-1898), cette attitude de respect des institutions – y compris durant les combats les plus violents –, sera toujours présente.

 

Pour preuve, l’adoption pendant ces années de guerre de quatre Constitutions, dont trois dans des villages de la province de Camagüey (celle de Guaimaro, en 1869 ; de Jimaguayu, en 1895 ; de La Yaya, en 1897) qui s’appuyaient sur des principes semblables. Chacune avait une portée plus large et s’adaptait aux événements et aux aspirations de l’époque. Toutes proclamaient la lutte révolutionnaire comme la seule voie pour obtenir l’indépendance absolue et instaurer une république souveraine.

 

La Constitution suivante fut adoptée pendant les jours sombres de mars 1878, après la réponse vigoureuse du général Antonio Maceo, connue comme la Protestation de Baragua, qui rejetait le Pacte de Zanjon qui établissait la capitulation de l’armée indépendantiste cubaine. Cette Constitution, connue sous le nom de Baragua, donnait un fondement juridique à l’essence même de la revendication historique, et posait comme principe que la paix ne pourrait se faire que sur les bases de l’indépendance.

 

L’intervention nord-américaine dans le conflit hispano-cubain priva les indépendantistes d’une victoire méritée, conquise au fil de la machette dans les maquis en flamme, une sorte de flibusterie d’un nouveau genre, propre à l’impérialisme nord-américain émergent.

 

Le 20 mai 1902, une indépendance formelle est concédée à Cuba, assortie d’un amendement constitutionnel imposé par le Congrès nord-américain (l’amendement Platt), qui, entre autres dispositions, attribuait aux États-Unis le droit d’intervenir sur le territoire cubain quand bon leur semblerait, ainsi qu’une base navale à Guantanamo, dans l’est de Cuba.

 

L’affront ne pouvait être pire pour les Cubains. Les États-Unis s’arrogeaient le droit d’intervenir et obligeaient le gouvernement de l’île à les consulter pour prendre les principales décisions, alors que cette Constitution mise en vigueur par l’ordre 181 du gouverneur militaire étasunien, en 1901, signalait dans son premier article :

 

« Le peuple de Cuba se constitue en État indépendant et souverain et adopte comme forme de gouvernement la forme républicaine. »

 

Et dans son article 43 : « La souveraineté réside dans le peuple cubain et tous les pouvoirs publics émanent de lui. »

 

C’est au milieu de nombreuses manipulations que fut constitué le Congrès avec le Sénat et la Chambre des représentants. Le président de la République fut élu, et l’échafaudage de la néo-colonie se mit en place.

 

La République naissait donc dans la frustration. Les privilèges de caste et la richesse dénaturèrent toutes les aspirations de Céspedes, d’Agramonte, de Gomez, de Maceo et de José Marti, le plus clairvoyant et le plus compétent des dirigeant de la lutte indépendantiste, l’organisateur et le guide de la guerre de libération de 1895. Des partis politiques corrompus fleurirent, de même qu’une police et une armée d’oppression qui trouvèrent dans le gouvernement nord-américain un pourvoyeur de fonds et d’armes efficace, pour réprimer le peuple. Quant au pouvoir judiciaire qui s’institua, il se mit au service du plus offrant, tandis que la presse servile proliférait.

 

Une preuve évidente : le premier décret de ce Congrès républicain autorisa l’exécutif à passer un emprunt de 35 millions de pesos destinés à dédommager les vétérans de l’Armée de libération. Par cupidité, une monstrueux mécanisme de spoliation et d’usure se mit aussitôt en place : seule la moitié de ces fonds furent utilisés à cette fin, le reste termina dans les poches de cette plaie de nouveaux charlatans de la politique.

 

La corruption atteignit un niveau impressionnant. Le vol, l’exaction, la fraude, l’escroquerie devinrent le pain quotidien dans ce monde de gangsters qui vit le jour en même temps que la République, avec l’élection du président Estrada Palma en 1902, jusqu’à Fulgencia Batista, en 1958.

 

Les politiciens, aussi bien les sénateurs que les représentants, appelés péjorativement « manengues » (nom de l’un de ces politiciens véreux), étaient soudoyés grâce à des contrats, la loterie ou des affaires juteuses, comme la multiplication des hôtels à La Havane, où la mafia nord-américaine prétendait s’installer. Ils étaient également complices des crimes commis par les dictatures sanglantes qui endeuillèrent des milliers de foyers cubains.

 

Cependant, on se doit de signaler certains des événements qui ont marqué ce demi-siècle : les actions des dirigeants révolutionnaires Julio Antonio Mella et Rubén Martinez Villena, ainsi que l’attitude digne d’Antonio Guiteras dans les années 30, à la suite de la victoire populaire qui mit un terme à la tyrannie sanglante de Gerardo Machado. À la tête du ministère de l’Intérieur, afin de laver l’honneur des hommes qui étaient tombés pendant la Guerre d’indépendance, Guiteras prit les mesures les plus radicales de cette « pseudo république », notamment la nationalisation d’entreprises monopolistes nord-américaines.

 

Le soutien yankee à Fulgencio Batista, avec la complicité des partis politiques, mit fin à ces belles pages de dignité. Rapidement, Guiteras fut destitué de son poste ; les propriétés nord-américaines furent restituées, et les hommes de main du dictateur le poursuivirent sans trève. Contreras fut abattu au moment où il s’apprêtait à partir à l’étranger pour préparer la lutte armée de la nouvelle Révolution.

 

On doit un autre événement important, entre les années 39 et 40 aux quelques représentants progressistes de l’Assemblée constituante qui obligèrent l’ensemble des représentants à adopter une Constitution qui resta lettre morte, même si le texte signifiait une avancée. Pour la respecter, il aurait fallu une Révolution, « une charge à la machette », comme le demandait le poète et révolutionnaire Ruben Martinez Villena, pour en finir avec les canailles.

 

Ce fut en 1953 que cette Révolution se mit en marche, sous la direction de Fidel Castro, avec l’attaque de la caserne Moncada, puis le débarquement du yacht Granma en 1956, et la victoire, après une lutte héroïque dans les campagnes et les villes qui aboutit à la victoire le 1er Janvier 1959.

 

L’institutionnalisation de la Révolution démarra dès le démantèlement du système de la pseudo-république, même si, au cours des premières quinze années, le gouvernement révolutionnaire fonctionna avec un certain degré de provisoire

 

Comme l’a expliqué Fidel Castro au 1er mier Congrès du Parti : « La Révolution ne s’est pas pressée de doter le pays de formes d’État définitives. Il ne s’agissait pas seulement de remplir un dossier, mais de créer des institutions solides, bien réfléchies et durables répondant aux réalités du pays. »

 

Les années, de 1959 à 1975, se caractérisèrent par une situation de changements révolutionnaires profonds, radicaux et accélérés, où il fut nécessaire également de faire face aux agressions successives, et de plus en plus violentes, de la part de l’impérialisme et de la contre-révolution interne.

 

Pour gouverner dans cette conjoncture et faire face aux tâches du moment, l’appareil d’État, qui représentait le peuple travailleur, devait être agile, opératif et efficace afin de prendre, sans attendre, les décisions indispensables.

 

Le gouvernement révolutionnaire, en concentrant les pouvoirs législatifs, exécutifs et administratifs, remplit correctement ses fonctions pendant la première phase du combat pour la survie : il promulgua les lois révolutionnaires, expropria les exploiteurs, engagea les premiers changements sociaux, et mit fin avec succès à la lutte politique contre les agressions externes et internes.

 

Pendant cette période, avec le soutien massif peuple, il impulsa de vastes et profondes transformations politiques, économiques, sociales et culturelles dans la vie cubaine.

 

Il ne fait pas de doute qu’il n’existe probablement aucun autre exemple dans l’histoire, où la direction d’une révolution ait compté sur un appui aussi efficace et aussi total du peuple, sur la confiance et l’enthousiasme révolutionnaire inépuisables de la population, sur une union aussi complète que celle que le peuple cubain a offert à ses dirigeants et, spécialement, à son leader, le commandant en chef Fidel Castro.

 

En 1974, le gouvernement prit la décision de mener une expérience sur l’installation des organes du Pouvoir populaire dans les municipalités, dans la province de Matanzas, à l’ouest du pays.

 

Cette expérience avait pour objectif de confirmer toute une série de critères concernant de nouvelles formes méthodologiques pour améliorer le fonctionnement des institutions représentatives de l’État, ainsi que des questions démographiques, territoriales et, entre autres relations, les relations administratives et d’entreprise.

 

Dès le début de leur application, l’on a pu observer une participation active des citoyens aux tâches du gouvernement local et au contrôle de l’administration, ainsi qu’à la recherche de solutions aux problèmes qui pesaient le plus sur la collectivité.

 

Les fruits de cette expérience se matérialisèrent par les décisions adoptées pour structurer l’ensemble du système des institutions représentatives de l’État, qui aboutirent à la création des organes du Pouvoir populaire dans les 169 municipalités et les 14 provinces du pays.

 

Le 10 et le 17 octobre 1976, après deux tours d’élections, 92,2% des Cubains âgés de plus de 16 ans, à travers un vote secret et direct, élirent parmi les plus de 30 000 candidats, les 10 725 délégués aux 169 assemblées municipales du Pouvoir populaire.

 

Plus tard, avec la constitution de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, le 2 décembre 1976, l’élection du Conseil d’État, son président et ses vice-présidents, et la désignation du Conseil des ministres, l’essence de la Révolution se renforça, en mettant en marche des formes plus efficaces de participation à la vie publique, qui ont rendu possible une participation plus directe des citoyens à la direction des affaires de l’État et de toutes les activités de la société. /Granma International