Cuba: Guantanamo, BREVE HISTOIRE D'UNE USURPATION

Publié le par cubasifranceprovence

par Pedro Antonio García (Granma)

traduction Françoise Lopez

L'ultimatum de l'empire fut tranchant: comme condition inéluctable pour retirer l'occupation militaire en 1902, on ne pouvait pas changer une virgule à l'Amendement Platt qui s'imposait comme un appendice à la Constitution de 1901. Bien que Salvador Cisneros Betancourt ait alerté sur le fait que son approbation "s'oppose à notre indépendance absolue (...) en réduisant en esclavage le destin des Cubains des générations futures", à la session secrète du 1é juin 1901, sur les 27 délégués présents, 16 votèrent son acceptation.

Par cet amendement, Cuba consentait aux Etats-Unis le droit d'intervenir "pour préserver l'indépendance de Cuba". Dans un autre chapitre, aussi préjudiciable à la souveraineté nationale que le précédent, il était stipulé que "pour mettre en conditions les Etats-Unis de maintenir l'indépendance de Cuba et de protéger son peuple, ainsi que pour sa propre défense, le Gouvernement de Cuba vendra ou louera aux Etats-Unis les terres nécessaires pour des charbonnières ou des stations navales dans certains endroits déterminés."

Sur ce dernier paragraphe, une fois de plus s'est élevée la voix de Cisneros Betancourt pour dire: "Qu'ils sont malins et comme ils s'intéressent à leurs bien propres!... Ils oublient qu'avec cette condition, ils empiètent sur le territoire cubain, ce qui est contraire en tout à l'article 1."

le grand homme se référait à l'amendement Platt lui-même ou il était stipulé: "Le Gouvernement de Cuba ne signera avec aucun Pouvoir ou Pouvoirs Etrangers aucun Traité ou autre convention qui puisse amoindrir ou tende à amoindrir l'indépendance de Cuba ni en aucune manière autorise ou permette à aucun Pouvoir ou Pouvoirs Etrangers d'obtenir par colonisation ou par des objectifs militaires ou navals ou d'une autre manière, une siège d'une quelconque partie de l'île ou un contrôle sur celle-ci."

Une fois établie l'indépendance officielle, le 20 mai 1902, Washington fit pression sur le gouvernement d'Estrada Palma pour la signature des traités que l'Amendement rendait obligatoires. Le 16 février 1903, à La Havane, et le 23 du même mois dans la capitale étasunienne, était signé l'accord pour la location de terres à Guantánamo et Bahia Honda.

Neuf ans après, la convention sur les terrains de Bahia Honda fut résiliée car les Etats-Unis étaient plus intéressés par l'agrandissement de la zone de la base de Guantanamo qu'ils appelaient alors "une station navale". En 1943, sa dénomination a changé en "base navale d'opérations". Depuis 1952, son nom officiel est "base navale". Depuis lors, elle conserve son extension d'un peu plus de 117 km carrés, presque la moitié de terre ferme et un quart de marais. La côte s'étend sur quelques 17 km.

Protéger le peuple cubain?

Jamais la base actuelle n'a servi à préserver l'indépendance de Cuba, mieux, elle a constitué un "tremplin d'agressions" comme l'a qualifiée l'historien René González Barrios. Peu de temps après l'explosion de la protestation armée des Indépendants de Couleur (mai 1912), 750 "marins" ont débarqué sur la Base. De là, 250 ont marché sur Daiquiri et 50 autres sur El Cobre pour protéger des propriétés yankees. Ensuite sont arrivés plus d'effectifs et plus de 2 500 se sont déployés, depuis l'enclave militaire, le long de la voie ferrée de Guantanamo qui évidemment, appartenait à une compagnie du nord.

5 ans plus tard, avec le soulèvement des libéraux, plus connue comme "la petite guerre de La Chambelona”, des milliers de "marins" et de soldats ont utilisé la Base comme tremplin pour envoyer des troupes vers Camagüey et l'Oriente. En 1918, il restait encore 30 000 d'entre eux qui surveillaient des propriétés yankees.

Base navale ou boui-boui?

Comme la Maison du soleil naissant du sud étasunien, que dénonçait dans une chanson Eric Burdon et The animals pendant les années 60, la Base Navale devint un lieu de corruption et de misère pour les filles et les garçons. Plusieurs pandémies proliférèrent dans les villages voisins à cause de la proximité de l'enclave militaire: jeu, prostitution, drogue, contrebande de toute sorte, pédophilie. Selon les historiens locaux, 27 bordels fonctionnaient dans cette zone qui hébergeaient plus de 500 de prostituées sans compter les maisons clandestines presque toujours destinées à des prostituées noires parce qu'aucun bordel ne pouvait les mettre sur leur liste d'employés, selon une loi non écrite.

3 médecins s'occupaient de la santé dans ces établissements pour que "ne tombent pas malades" les effectifs cantonnés sur la base. Par contre, à Caimanera, le village le plus proche, il n'y avait pas de médecin mais il y en avait un qui venait d'une autre localité chaque semaine à la Maison du Secours.

Récemment, l'auteur de ces lignes, a visité Caimanera avec les membres du Comité Exécutif National de l'Union des Historiens, et nous avons constaté qu'aujourd'hui, une polyclinique intégrale fonctionne ici, un service mère-enfant et 13 consultations du médecin de la famille dans lesquelles travaillent 30 spécialistes de la santé.

Les temps de la Révolution

Le Gouvernement des 100 jours fut le seul, dans les 40 premières années du XX° siècle, qui rejeta l'Amendement Platt. Bien que Washington ait contribué de façon décisive à la chute de ce gouvernement, il comprit que l'amendement était déjà obsolète et qu'il fallait lui substituer d'autres mécanismes néocoloniaux. Le 29 mai 1934, à la signature du Traité de Relations entre Cuba et les Etats-Unis, le Traité Permanent de 1903 fut aboli, c'est à dire, l'Amendement Platt officialisé par un accord de gouvernement à gouvernement et non comme simple appendice à la constitution. Mais le maintien de la base navale de Guantanamo fut validé sans qu'il soit fixé de date limite à cette occupation.

Comme le disent plusieurs historiens, d'Emilio Roig de Leuchsenring à René González Barrios, l'amendement s'en va mais nous laisse la Base Navale, l'économie asservie par les traités de Réciprocité Commerciale (1934), les quotas de sucre et des proconsuls du genre de Jefferson Caffery.

Pour la location de la base, les Etats-Unis ont payé d'un peu plus de 3 millions de dollars par an en 1934 jusqu'à quelques 4 millions aujourd'hui.

En janvier 1959, un fonctionnaire du Gouvernement révolutionnaire, sans consulter personne, accepta le paiement mensuel. A partir de février, quand Fidel devint premier ministre, il refusa de recouvrer aucune somme car Cuba, ce qu'elle réclame depuis lors, c'est la restitution de ce territoire.

Ces dernières années, la Base Navale de Guantánamo n'a servi qu'à des provocations contre notre pays, provocations qui ont coûté la vie à plusieurs garde-frontières cubains et plus récemment, elle a servi de camp de concentration pour les émigrés cubains et haïtiens illégaux et de camp de prisonniers des guerres entreprises ces dernières années par les Etats-Unis.

Cuba a réclamé la restitution de ce territoire devant plusieurs organismes internationaux et ne cessera de le faire jusqu'à ce qu'elle récupère la souveraineté totale de cette partie de notre pays. Comme dirait Fidel "la base navale est un poignard enfoncé dans le coeur de la terre cubaine... une base que nous n'allons pas leur enlever par la force mais un morceau de terre auquel nous ne renoncerons jamais".

Source en espagnol:

http://www.granma.cu/cuba/2015-02-15/breve-historia-de-una-usurpacion

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